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obstant qu'elle eust esté très diligamment visitée de pluiseurs médecins, rendi son esprit. Et fu enterrée aux Célestins en la chapelle où jadis fu mis Loys, duc d'Orléans, derrain trespassé. Pour la mort de laquelle, le duc de Bethfort, son mari, eut au ceur très grand tristresce, et pareillement pluiseurs aultres de son parti, doubtans que, pour la mort dessusdicte, l'amour et l'aliance, qui s'estoit entretenue grande espace par le moyen de celle duchesse entre son dict mari et son frère le duc de Bourgongne, ne se refroidast aulcune

ment.

Et pour lors les ambassadeurs des trois parties, est assavoir du roy Charles, du roy Henry et du duc de Bourgongne, furent ensamble en la cité d'Aussoire et à Melun, pour traictier de paix. Mais, en fin, ne porent riens conclure. Et par ainsy se départirent retournans chascun devers leurs seigneurs.

CHAPITRE CXXIX.

Comment aulcuns capitaines François passèrent la rivière de Somme pour courir en Artois.

Item, environ l'entrée du mois de décembre, Blanchefort le capitaine, messire Anthoine de Chabannes, le seigneur de Longueval, messire Karados des Quesnes et aulcuns aultres de la partie du roy Charles, se assamblèrent et avecques eulx de huit cens à mil combatans de entour Breteul. Et de là alèrent passer la rivière de Somme à Cappi, et puis chevaulchèrent toute nuit jusques emprès la ville de Dourlens, qu'ilz avoient pourgettée par leurs espies

pour le prendre et escheller. Mais le seigneur de Humières qui ceste nuit estoit à . . . ., fut advertis de ', ceste chevaulchié. Si envoia hastivement certains mesages au maire et aux jurés de Dourlens, eulx signifier que les François estoient sur les champs et avoient intencion d'eulx porter dommage, et qu'ilz fussent sur leur garde. Lesquelx, oyans ces nouvelles, se préparèrent diligamment pour eulx deffendre, et avec ce mirent dehors leur ville ung mésage pour aler au chastel de Beauval dire à ceulx qui le gardoient les nouvelles dessusdictes. Lequel mésage encontra à ung quart de lieue d'ycelle ville, environ le point du jour, les coureurs d'yceulx François, desquelx il fut prins et tantost examiné. Sy leur congneut ce pour quoy il aloit. Et adonc, se retrayrent vers leurs gens, qui les sievyrent de assés près. Lesquelz, sachans par les moyens dessusdiz leur entreprinse rompue, retournèrent tout ensamble en la ville de Beauquesne. Et après qu'ilz se feurent repeus et rafraischis longuement, courans une partie de leurs gens parmi le pays, s'en ralèrent audit passage de la rivière de Somme, et de là, à tout foison de biens, prisonniers, chevaulx et aultres bagages, retournèrent en leurs garnisons.

1.

Il y a ici un blanc dons le Ms. 8346. Vérard met simplement : « Mais le seigneur de Humières fut adverty de ceste chevauchée. >>

CHAPITRE CXXX.

Comment ung moisne de l'ordre Saint Benoit volt prendre le chastel de Saint-Angle à Romme.

En ce temps ung nommé le Petit Moisne, qui avoit esté moult amé du pape Martin et eut grant gouvernement durant sa seignorie, après le trespas d'ycelui se traist devers le pape Eugène et trouva manière d'estre très bien de luy, tant qu'il fut en sa grace comme, pour en partie avoir gouvernement, comme il avoit eu ou temps de son devancier. Durant lequel temps, par tentation dyabolique comme on puet supposer, il eut voulenté de faire trayson contre ycelui pape Eugène, et pour ycelle mener à effect et de tous poins acomplir, avoit parlé au prince de Salerne ou à ses commis, pour le mettre à puissance de gens dedans le chastel de Saint-Angle', et de là dedens Romme. Si estoit venu ung certain jour devers ledict pape pour prendre congié de luy, disant qu'il s'en vouloit aler demourer en Avignon aulcune espace de temps, et entretant requist au chastelain de Saint-Angle qu'il lui volsist garder ses coffres où estoient ses biens, jusques à son retour. Lequel lui accorda, non doubtant que ce fust pour quelque malvaistié faire. Si fist ledit Petit Moisne faire douze coffres, dedens lesquelx debvoit avoir douze hommes, et à chascun coffre encore deux hommes pour le porter. Et quant

1. Eugène IV, qui succéda à Martin V, en 1431. 2. Le château Saint-Ange.

ce vint que toutes ces besongnes furent prestes, pour mieulx fournir son entreprinse, il envoia par ung petit paige qui estoit son nepveu, porter unes lettres à ung prisonnier dedens ledit chastel, lesquelles furent d'aventure trouvées du dessusdit chastelain, lequel par le moyen d'ycelles sceut et perçut ladicte trayson. Si les porta sans délay devers le pape, lequel fist incontinent par la justice séculière prendre ledit moisne. Le quel fu jehiné, et congneut tout son fait. Après laquelle congnoissance, il fut pendu à ung gibet, et fu mis à mort dedens la cité de Romme, lequel gibet y fut pour ce fait tout propice, et puis fut esquartelé ou marchié. Et par ainsy ledit prince de Salerne failly à son intencion. Mais pour ce ne demoura mie qu'il re feist depuis forte guerre au dessusdit pape.

En ces jours, ung saquement nommé Thomelaire, qui estoit prévost de Laon de par le roy Charles, prinst le chastel de Passavant, par certains moyens qu'il avoit dedens la forteresce. Laquelle prinse despleut moult au duc de Bar, doubtant que par ce moyen son pays ne fust en guerre. Sy le fist tantost asségier par ses gens, et en fin furent les dessusdiz preneurs constrains par telle manière qu'il leur convint rendre ladicte fortesesce. Et avecques ce, fut ledit Thomelaire exécuté et mis à mort, et aulcuns aultres avecques luy. Et si fut ycelle forteresce démolie.

CHAPITRE CXXXI.

Comment la paix fu traitié entre le duc de Bar et le conte
de Waudémont.

M

Item, en cest an, par le moyen du duc de Bourgongne fu faicte la paix et traictié entre le duc de Bar d'une part, et le conte de Waudémont d'aultre, par tel sy que les deux parties promisrent de bonne foy rendre et restituer toutes les villes et forteresces qu'ilz tenoient l'un de l'autre. Et avecques ce fut accordé que l'aisné filz dudit conte prenderoit en mariage l'aisnée fille du duc de Bar, et lui feroit avecques elle, chascun an, vi frans de rente, et certainne somme pour une fois. Lesquelx traictiés conclus et scellés d'eulx et d'aulcuns de leurs plus féables consilliers, pardonnèrent l'un à l'autre tout ce qu'ilz se povoient estre entremesfais. Et depuis fut ladicte fille délivrée à ycelui conte, entretenant les promesses dessusdictes. Dont les subjetz de chascune partie eurent au cuer très grant joie, espérans par le traictié dessusdit demourer paisibles et estre hors de la grande tribulacion où ilz avoient long temps esté par la guerre et descord des deux princes dessusdiz.

CHAPITRE CXXXII.

Comment la duchesse de Bourgongne s'accoucha d'un filz en la ville

En ce temps, le xi

de Gand.

jour d'avril, la duchesse de Bourgongne s'acoucha d'un filz en la ville de Gand,

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