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que de juste et de noble, puisqu'ils nous accordent un roi qui est incapable de faire rien contre la liberté et contre la gloire de notre nation : aussi pouvons-nous protester, à la face des justes dieux, que les fleuves remonteront vers leur source avant que nous cessions d'aimer des peuples si bienfaisans. Puissent nos derniers neveux se souvenir' du bienfait que nous recevons aujourd'hui, et renouveler, de génération en génération, la paix de l'âge d'or dans toute la côte de l'Hespérie!

Télémaque leur proposa ensuite de donner à Diomède les campagnes d'Arpine, pour y fonder une colonie. Ce nouveau peuple, leur disoit-il, vous devra son établissement dans un pays que vous n'occupez point. Souvenez-vous que tous les hommes doivent s'entr'aimer; que la terre est trop vaste pour eux; qu'il faut bien avoir des voisins, et qu'il vaut mieux en avoir qui vous soient obligés de leur établissement. Soyez touchés des malheurs d'un roi qui ne peut retourner dans son pays. Polydamas et lui étant unis ensemble par les liens de la justice et de la vertu, qui sont les seuls durables, vous entretiendront dans une paix profonde, et vous rendront redoutables à tous les peuples voisins qui penseroient à s'agrandir. Vous voyez, ô Dauniens, que nous avons donné à votre terre et à

VAR. Puissent se ressouvenir nos derniers neveux. P. H. Puissent nos derniers neveux se ressouvenir. C. D. - 2 d'Arpos. A.

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votre nation un roi capable d'en élever la gloire jusqu'au ciel donnez aussi, puisque nous vous le demandons, une terre qui vous est inutile, à un roi qui est digne de toute sorte de secours.

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Les Dauniens répondirent qu'ils ne pouvoient rien refuser à Télémaque, puisque c'étoit lui qui leur avoit procuré Polydamas pour roi. Aussitôt ils partirent pour l'aller chercher dans son désert, et pour le faire régner sur eux. Avant 1 que de partir, ils donnèrent les fertiles plaines d'Arpine 1 à Diomède, pour y fonder un nouveau royaume. Les alliés en furent ravis, parce que cette colonie des Grecs pourroit secourir puissamment le parti des alliés, si jamais les Dauniens vouloient renouveler les usurpations dont Adraste avoit donné le mauvais exemple : tous les princes ne songèrent plus qu'à se séparer. Télémaque, les larmes aux yeux, partit avec sa troupe, après avoir embrassé tendrement le vaillant Diomède, le sage et inconsolable Nestor, et le fameux Philoctète, digne héritier des flèches d'Hercule.

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LIVRE XVII. '

Télémaque, de retour à Salente, admire l'état florissant de la campagne; mais il est choqué de ne plus trouver dans la ville la magnificence qui éclatoit partout avant son départ. Mentor lui donne les raisons de ce changement : il lui montre en quoi consistent les solides richesses d'un État, et lui expose les maximes fondamentales de l'art de gouverner. Télémaque ouvre son cœur à Mentor sur son inclination pour Antiope, fille d'Idoménée. Mentor loue avec lui les bonnes qualités de cette princesse, l'assure que les dieux la lui destinent pour épouse; mais que maintenant il ne doit songer qu'à partir pour Ithaque. Idoménée, craignant le départ de ses hôtes, parle à Mentor de plusieurs affaires embarrassantes, qu'il avoit à terminer, et pour lesquelles il avoit encore besoin de son secours. Mentor lui trace la conduite qu'il doit suivre, et persiste à vouloir s'embarquer au plus tôt avec Télémaque. Idoménée essaie encore de les retenir en excitant la passion de ce dernier pour Antiope. Il les engage dans une partie de chasse, dont il veut donner le plaisir à sa fille. Elle y eût été déchirée par un sanglier, sans l'adresse et la promptitude de Télémaque, qui perça de son dard l'animal. Idoménée ne pouvant plus retenir ses hôtes, tombe dans une tristesse mortelle. Mentor le console, et obtient enfin son consentement pour partir. Aussitôt on se quitte, avec les plus vives démonstrations d'estime et d'amitié.

Le jeune fils d'Ulysse brûloit d'impatience de retrouver Mentor à Salente, et de s'embarquer avec lui pour revoir Ithaque, où il espéroit que son père seroit arrivé. Quand il s'approcha de

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Salente, il fut bien étonné de voir toute la campagne des environs, qu'il avoit laissée presque inculte et déserte, cultivée comme un jardin, et pleine d'ouvriers diligens: il reconnut l'ouvrage de la sagesse de Mentor. Ensuite, entrant dans la ville, il remarqua qu'il y avoit beaucoup moins d'artisans pour les délices de la vie, et beaucoup moins de magnificence. Il en fut choqué; car il aimoit naturellement toutes les choses qui ont de l'éclat et de la politesse. Mais d'autres pensées occupèrent aussitôt son cœur ; il vit de loin venir à lui Idoménée avec Mentor: aussitôt son cœur fut ému de joie et de tendresse. Malgré tous les succès qu'il avoit eus dans la guerre contre Adraste, il craignoit que Mentor ne fût pas content de lui; et, à mesure qu'il s'avançoit, il cherchoit dans les yeux de Mentor pour voir s'il n'avoit rien à se reprocher.

D'abord Idoménée embrassa Télémaque comme son propre fils; ensuite Télémaque se jeta au cou de Mentor, et l'arrosa de ses larmes. Mentor lui dit: Je suis content de vous; vous avez fait de grandes fautes; mais elles vous ont servi à vous connoître, et à vous défier de vous-même. Souvent on tire plus de fruit de ses fautes que de ses belles actions. Les grandes actions enflent le cœur et inspirent une présomption dangereuse : les fautes font rentrer l'homme en lui-même, et lui rendent VAR. Télémaque. a.

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la sagesse qu'il avoit perdue dans les bons succès. Ce qui vous reste à faire, c'est de louer les dieux, et de ne vouloir pas que les hommes vous louent. Vous avez fait de grandes choses; mais, avouez la vérité, ce n'est guère vous par qui elles ont été faites n'est-il pas vrai qu'elles vous sont venues comme quelque chose d'étranger qui étoit mis en vous? N'étiez-vous pas capable de les gâter par votre promptitude et par votre imprudence? Ne sentez-vous pas que Minerve vous a comme transformé en un autre homme au-dessus de

vous-même, pour faire par vous ce que vous avez fait? Elle a tenu tous vos défauts en suspens, comme Neptune, quand il apaise les tempêtes, suspend les flots irrités.

Pendant qu'Idoménée' interrogeoit avec curiosité les Crétois qui étoient revenus de la guerre, Télémaque écoutoit ainsi les sages con2 seils de Mentor. Ensuite il regardoit de tous côtés avec étonnement, et disoit à Mentor: Voici un changement dont je ne comprends pas bien 3 la raison. Est-il arrivé quelque calamité à Salente pendant mon absence? D'où vient qu'on n'y remarque plus cette magnificence qui éclatoit partout avant mon départ? Je ne vois plus ni or, ni argent, ni pierres précieuses; les habits sont simples; les bâtimens qu'on fait sont moins vastes

VAR. ' Pendant qu'Idoménée parloit aux Crétois. A. toit ces sages conseils, etc. a. 3 bien m. A. aj. B.

2 écou

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