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nue la gloire que les dieux lui avoient préparée.

Ne vois-tu pas cet autre, mon fils, dont la blessure paroît si éclatante? C'est un roi de Carie, nommé Dioclides, qui se dévoua pour son peuple dans une bataille, parce que l'oracle avoit dit que, dans la guerre des Cariens et des Lyciens, la nation dont le roi périroit seroit victorieuse. Considère cet autre : c'est un sage législateur, qui, ayant donné à sa nation des lois propres à les rendre bons et heureux, leur fit jurer qu'ils ne violeroient aucune de ces lois pendant son absence; après quoi il partit, s'exila lui-même de sa patrie, et mourut pauvre dans une terre étrangère, pour obliger son peuple, par ce serment, à garder à jamais des lois si utiles.

Cet autre, que tu vois, est Eunésyme, roi des Pyliens, et un des ancêtres du sage Nestor. Dans une peste qui ravageoit la terre, et qui couvroit de nouvelles ombres les bords de l'Achéron, il demanda aux dieux d'apaiser leur colère, en payant, par sa mort, pour tant de milliers d'hommes innocens. Les dieux l'exaucèrent et lui firent trouver ici la vraie royauté, dont toutes celles de la terre ne sont que de vaines ombres.

Ce vieillard, que tu vois couronné de fleurs, est le fameux Bélus: il régna en Égypte, et il . épousa Anchinoé, fille du dieu Nilus, qui cache la source de ses eaux, et qui enrichit les terres qu'il arrose par ses inondations. Il eut deux fils:

Danaüs, dont tu sais l'histoire, et Égyptus, qui donna son nom à ce beau royaume. Bélus se croyoit plus riche par l'abondance où il mettoit son peuple, et par l'amour de ses sujets pour lui, que par tous les tributs qu'il auroit pu leur imposer. Ces hommes, que tu crois morts, vivent, mon fils; et c'est la vie qu'on traîne misérablement sur la terre qui n'est qu'une mort : les noms seulement sont changés. Plaise aux dieux de te rendre assez bon pour mériter cette vie heureuse, que rien ne peut plus finir ni troubler! Hâte-toi, il en est temps, d'aller chercher ton père. Avant que de le trouver, hélas ! que tu verras répandre de sang ! Mais quelle gloire t'attend dans les campagnes de l'Hespérie ! Souvienstoi des conseils du sage Mentor; pourvu que tu les suives, ton nom sera grand parmi tous les peuples et dans tous les siècles.

I

Il dit; et aussitôt il conduisit Télémaque vers la porte d'ivoire, par où l'on peut sortir du ténébreux empire de Pluton. Télémaque, les larmes aux yeux, le quitta sans pouvoir l'embrasser; et, sortant de ces sombres lieux, il retourna en diligence vers le camp des alliés, après avoir rejoint sur le chemin les deux jeunes Crétois qui l'avoient accompagné jusques auprès de la caverne, et qui n'espéroient plus de le revoir.

VAR. Il est temps. B. c. Edit. f. du cop.

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LIVRE XV. '

Télémaque, dans une assemblée des chefs de l'armée, combat la fausse politique qui leur inspiroit le dessein de surprendre Venuse, que les deux partis étoient convenus de laisser en dépôt entre les mains des Lucaniens. Il ne montre pas moins de sagesse à l'occasion de deux transfuges, dont l'un, nommé Acante, étoit chargé par Adraste de l'empoisonner; l'autre, nommé Dioscore, offroit aux alliés la tête d'Adraste. Dans le combat qui s'engage ensuite, Télémaque excite l'admiration universelle par sa valeur et sa prudence: il porte de tous côtés la mort sur son passage, en cherchant Adraste dans la mêlée. Adraste, de son côté, le cherche avec empressement, environné de l'élite de ses troupes, qui fait un horrible carnage des alliés et de leurs plus vaillans capitaines. A cette vue, Télémaque indigné s'élance contre Adraste, qu'il terrasse bientôt, et qu'il réduit à lui demander la vie,Télémaque l'épargne généreusement; mais comme Adraste, à peine relevé, cherchoit à le surprendre de nouveau, Télémaque le perce de son glaive. Alors les Dauniens tendent les mains aux alliés en signe de réconciliation, et demandent, comme l'unique condition de paix, qu'on leur permette de choisir un roi de leur nation.

CEPENDANT les chefs de l'armée s'assemblèrent pour délibérer s'il falloit s'emparer de Venuse. C'étoit une ville forte, qu'Adraste avoit autrefois usurpée sur ses voisins, les Apuliens-Peucètes. Ceux-ci étoient entrés contre lui dans la ligue, pour demander justice sur cette invasion. Adraste, pour les apaiser, avoit mis cette ville en dépòt entre les mains des Lucaniens; mais il avoit cor

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rompu par argent et la garnison lucanienne et celui qui la commandoit; de façon ' que la nation des Lucaniens avoit moins d'autorité effective que lui dans Venuse; et les Apuliens, qui avoient consenti que la garnison lucanienne gardât Venuse, avoient été trompés dans cette négociation.

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Un citoyen de Venuse, nommé Démophante, avoit offert secrètement aux alliés de leur livrer, la nuit, une des portes de la ville. Cet avantage étoit d'autant plus grand, qu'Adraste avoit mis toutes ses provisions de guerre et de bouche dans un château voisin de Venuse, qui ne pouvoit se défendre si Venuse étoit prise. Philoctète et Nestor avoient déjà opiné qu'il falloit profiter d'une si heureuse occasion. Tous les chefs, entraînés par leur autorité, et éblouis par l'utilité d'une si facile entreprise, applaudissoient à ce sentiment; mais Télémaque, à son tour, fit les derniers efforts pour les en détourner.

Je n'ignore pas, leur dit-il, que, si jamais un homme a mérité d'être surpris et trompé, c'est Adraste, lui qui a si souvent trompé tout le monde. Je vois bien qu'en surprenant Venuse vous ne feriez que vous mettre en possession d'une ville qui vous appartient, puisqu'elle est aux Apuliens, qui sont un des peuples de votre ligue. J'avoue que vous le pourriez faire avec d'autant plus d'apparence de raison qu'Adraste, pris. A.

VAR.

'de manière. c. d'une autre main. Edit.

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qui a mis cette ville en dépôt, a corrompu le commandant et la garnison, pour y entrer quand il le jugera à propos. Enfin je comprends comme vous que, si vous preniez Venuse, vous seriez maîtres, dès le lendemain, du château où sont tous les préparatifs de guerre qu'Adraste y a assemblés ', et qu'ainsi vous finiriez en deux jours cette guerre si formidable. Mais ne vaut-il pas mieux périr que vaincre par de tels moyens? Faut-il repousser la fraude par la fraude? Serat-il dit que tant de rois, ligués pour punir l'impie Adraste de ses tromperies, seront trompeurs comme lui? S'il nous est permis de faire comme Adraste, il n'est point coupable, et nous avons tort de vouloir le punir. Quoi! l'Hespérie entière, soutenue de tant de colonies grecques et de héros revenus du siége de Troie, n'a-t-elle point d'autres armes contre la perfidie et les parjures d'Adraste, que la perfidie et le parjure? Vous avez juré, par les choses les plus sacrées, que vous laisseriez Venuse en dépôt dans les mains des Lucaniens. La garnison lucanienne, dites-vous, est corrompue par l'argent d'Adraste. Je le crois comme vous: mais cette garnison est toujours à la solde des Lucaniens; elle n'a point refusé de leur obéir; elle a gardé, du moins en apparence, la neutralité. Adraste ni

VAR. ' de tous les préparatifs d'Adraste, et qu'ainsi, etc. a. que de vaincre. B. C. P. H. f. du cop.

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