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Aux ministres luthériens d'enseigner et de démontrer que dans l'Eucharistie, il n'y a point, après la consécration, de changement d'une substance en une autre; que J.-C. y est réellement présent, mais qu'alors il n'y a plus ni pain ni vin;

Aux ministres calvinistes d'enseigner et de démontrer la non existence de la présence réelle, attendu que J.-C. n'est réellement et substantiellement que dans le Ciel;

Aux théologiens de se mettre d'accord sur les questions de savoir si la mère est immaculée, si le verbe est engendré, semblable ou consubstantiel à son créateur, si la grâce est efficace, versatile, nécessitante, coopérante, concomitante et congrue;

Aux ministres du culte israélite, aux rabbins d'enseigner et de démontrer qu'il y a un Dieu créateur de tous les êtres, qui peut subsister sans aucune partie de l'univers, mais sans lequel rien ne peut subsister; que Dieu est un, indivisible, mais d'une unité différente de toutes les unités; que Dieu est incorporel; qu'il n'a aucune qualité corporelle possible et qui se puisse imaginer; qu'on doit adorer et servir Dieu seul, sans médiation ni intermédiaire; que la loi laissée par Moïse est toute de Dieu et ne renferme pas une syllabe qui soit purement de Moïse; que cette loi est immuable et qu'on ne peut rien y ajouter, rien en retrancher ; qu'il viendra un Messie et que, bien qu'il tarde à venir, il ne faut pas douter de sa venue, à la quelle on ne doit assigner aucune époque, aucune limite dans le temps; que tous les morts ressusciteront à la fin des siècles et que Dieu portera un jugement universel sur tous les humains en corps et en âme;

Aux ministres de l'islamisme, muftis et imans, d'enseigner et de démontrer l'unité de Dieu, son éternité, son indivisibilité; la mission de Mahomet à qui l'ange Gabriel a révélé les préceptes de la loi renfermés dans le Coran; l'existence des auges, des prophètes, la prédestination absolue pour le bien et pour le mal, la résurrection au jour du jugement, l'existence du paradis où l'âme jouira de toutes les félicités spirituelles et le corps de toutes les voluptés sensuelles; Aux philosophes de toutes les écoles d'enseigner et de démon

trer le contraire de ce qu'enseignent et démontrent les ministres de tous les cultes;

Plus étroite est la tâche que je me suis assignée.

Je suppose, je veux supposer :

Que Dieu n'existe pas, ou que, s'il existe, il est impossible à l'homme d'en démontrer l'existence.

Que le monde existe par lui-même et par lui seul;

Que l'homme n'a aucune faute originelle à racheter;

Qu'il porte avec lui la mémoire et la raison comme la flamme porte avec elle la chaleur et la clarté;

Qu'il ne revit que dans l'enfant qu'il procrée ;

Qu'il est un animal doué de facultés qui lui sont propres ou qu'il possède en germe et en développement à un plus haut degré que les autres êtres du même règne;

Qu'il ne doit donc pas s'attendre à recevoir, dans une vie future, la récompense ou le châtiment de sa conduite dans la vie présente; Que le bien et le mal n'existent pas absolument par eux-mêmes, qu'ils n'existent que nominalement, relativement et arbitrairement ; Qu'il n'existe absolument que des risques, contre lesquels l'homme, obéissant à la loi de conservation qui est en lui, et commandant à la matière, cherche à s'assurer par tous les moyens dont il dispose.

Les moyens qu'il emploie ont changé et changeront encore; mais le but est resté constamment le même.

Qu'appelle-t-on le bien?

Qu'appelle-t-on le mal?

Si le meurtre s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la guerre ?

Si le vol s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la conquête ?

Si la privation de la liberté s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à l'esclavage?

Si la duplicité s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la diplomatie?

Du risque de l'attaque est née la nécessité de la défense. De la nécessité de la défense est née la pensée de s'associer. De la pensée de s'associer sont nées, sous divers noms, la commune et la nation dont l'une est à l'autre ce que la javelle est à la gerbe.

Les nations, afin de diminuer les risques d'atteinte portée à ce qu'elles appelaient et à ce qu'elles appellent encore leur indépendance, se sont longtemps appliquées à grossir le chiffre de leur population et à reculer la limite de leurs territoires jusqu'à ce qu'elles eussent pour frontières, autant que possible inviolables, les fleuves les plus larges et les montagnes les plus hautes.

Du risque d'être tué ou volé sont nées l'institution de la justice et l'organisation d'une puissance publique dont l'exercice soit à l'abus de la force individuelle, ce que le contre-poids est au poids.

Ainsi chaque risque a donné lieu à un moyen correspondant de l'affaiblir ou de l'écarter.

La religion, elle-même, fut un moyen primitivement et universellement imaginé par le faible pour contenir le fort, par l'opprimé pour intimider l'oppresseur, par le pauvre pour s'abriter contre le riche.

Isolément et absolument l'homme par lui-même vaut peu.

Collectivement et relativement il ne vaut beaucoup que par les choses qu'il a réussi à placer sous sa dépendance. C'est ainsi qu'indirectement et en apparence il se perfectionne, mais directement et en réalité il ne se perfectionne pas.

S'il franchit maintenant l'espace plus rapidement qu'il ne le franchissait autrefois, ce n'est pas qu'il marche plus vite ou plus longtemps qu'il ne marchait à une autre époque; c'est que la chose qui s'appelle moyen de transport ou moyen de communication est relativement à elle-même moins imparfaite.

De ce qui précède, je tire cette conclusion que c'est à perfectionner les choses sans relâche et sans fin que doit s'appliquer l'homme, puisqu'elles lui rendent multipliées presque à l'infini la valeur et la puissance qu'il leurs a données.

S'il est vrai de dire que les peuples ont le gouvernement qu'ils méritent, il n'est pas moins vrai d'ajouter que l'homme a socialement le sort qui est le résultat des efforts communs de sa génération et des générations antérieures.

Donc, la mère et le père qui se survivent dans la fille et le fils, s'ils chérissent leurs enfants, ne doivent rien épargner pour que leur postérité coure le moins de risques possible, conséquemment pour que l'ordre social soit aussi parfait que le comporte l'amélioration des choses.

Les risques sont de deux natures : premièrement il y a ceux qui existent par eux-mêmes; de ce nombre sont le naufrage, la foudre, l'incendie, la grêle, la gelée, l'inondation, etc.; deuxièmement il y a ceux qui n'existent que par le fait de la société telle que l'homme l'a instituée; de ce nombre sont la guerre, la piraterie, le meurtre, le vol, le viol, les fraudes, les voies de fait, etc.

Tous ces risques tendent manifestement à devenir les uns plus rares, les autres plus faibles.

Déjà, les premiers de ces risques, ceux qui existent par euxmêmes, ont été considérablement diminués par les efforts opiniâtres de la science, victoires de l'homme remportées sur la matière.

Les perfectionnements introduits dans la construction des navires, la découverte de la boussole, la précision des instruments, l'exactitude des cartes marines et enfin l'application de la vapeur à la navigation ont rendu les risques de naufrage de moins en moins probables. Le voyageur qui se rend du Havre à New-York en dix jours est infiniment moins exposé au risque de naufrage que dans le passé où la même traversée exigeait, pour s'opérer, six fois, dix fois, cent fois plus de temps.

L'invention du paratonnerre a écarté, dans beaucoup de cas, le risque ayant pour cause la chute de la foudre.

La maison construite en pierre et couverte en tuile est moins exposée au risque d'incendie que la maison construite en bois et couverte en chaume. Partout les maisons construites en bois et couvertes en chaume tendent à disparaître; partout les maisons construites

en pierre et couvertes en tuile, ardoise ou zinc tendent à se multiplier.

L'importation de la pomme de terre et certaines combinaisons d'assolements ont écarté le risque de famine, et rendu plus rare le risque de disette par suite de grêle et de gelée. L'agronome en divisant les risques les a affaiblis; l'assurance fera le reste.

Quant aux seconds de ces risques dont il a été parlé, ceux-ci n'existant que par le fait de la société telle que l'homme l'a instituée, il suffirait pour qu'ils se dissipassent de l'observation universelle de cet incontestable précepte qui devrait être écrit sur tous les murs des cités, sur toutes les portes des tribunaux, au revers de toutes les monnaies, en tête de tous les contrats et dans la mémoire de tous les enfants, afin de devenir la règle, sans exception, de tous les hommes : NE PAS FAIRE A AUTRUI CE QUE L'ON NE VOUDRAIT PAS QU'IL VOUS fìt.

Graver dans la mémoire et la raison de l'enfant que le meurtrier, s'il pouvait tuer impunément, serait exposé à être impunément tué; que le voleur, s'il pouvait voler impunément, serait exposé à être impunément volé; que s'il y a une probabilité sur mille pour que le voleur et le meurtrier ne soient pas découverts, il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf probabilités contre une pour qu'ils soient reconnus: serait-ce donc plus difficile que de lui apprendre, sans que jamais il songe à le contester, que deux multipliés par deux égalent quatre, et que la ligne la plus droite est toujours la plus courte?

Il est possible de démontrer mathématiquement que, par l'effet de la loi de réciprocité, celui qui tue, frappe, vole, trompe ou diffame agit contre lui-même, comme s'il se tuait, se frappait, se volait, se trompait ou se diffamait.

L'enfant auquel il aura été incontestablement démontré sous toutes les formes, qu'enfreindre le précepte qui enseigne qu'on ne doit pas faire à qui que ce soit ce qu'on ne voudrait pas que qui que ce soit vous fit, c'est se nuire à soi-même autant qu'à autrui, agira comme l'enfant qui sait qu'il se brûlerait la main en la plongeant

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