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La France ne voit plus rien qu'elle puisse ENVIER aux meilleurs siècles de l'antiquité. (Massillon.)

Mainte reine peut-être envira sa richesse.

(V. Hugo.)

Le monde ENVIE plus votre opulence qu'il ne l'honore. (Massillon.)
Il ne peut voir personne sans lui pPORTER ENVIE. (Académie.)

La distinction que nous établissons était, comme on le voit, déjà admise par les prosateurs au commencement du dix-septième siècle :

Moi qui ne vous ENVIE pas VOTRE ESPRIT, votre science, ni votre réputation, je VOUS PORTE ENVIE d'avoir été huit jours à Balzac. (Voiture.)

Quant aux poëtes, ils ont presque toujours confondu ces deux expressions:

Là, franc d'ambition, je vois couler ma vie
Sans envier aucun, sans qu'on me porte envie,
Roi de tous mes désirs, content de mon parti.

Manrique nous envie, et Lara nous jalouse.
Oiseaux fixés sur cette plage,
Nous portons envie à leur sort.

(Desportes.)

(V. Hugo.)

(Béranger.)

(Lebrun.)

Tel méprise aujourd'hui ma misérable vie
Qui peut-être demain lui porterait envie.

On trouve cependant dans les meilleurs écrivains envier avec un

complément direct de personne :

C'est l'homme du monde QUE J'ENVIE davantage; il a un caractère unique.

(Montesquieu.)

Je n'ENVIERAI personne, et personne ne m'ENVIERA. (Voltaire.)

Il est certain que toutes les princesses de l'Europe M'ENVIENT d'avoir épousé le meilleur chevalier de la chrétienté. (V. Hugo.)

Epithète.

On désigne sous le nom d'épithète tout adjectif qui, sans rien ajouter à l'idée principale, lui donne plus de force, de noblesse, d'élégance, et en rend l'image plus vive:

Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée
S'élève un lit de plume à grands frais amassée.
Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce
Chatouillaient de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.

(Boileau.)

(Racine.)

Dans les vers de Boileau, obscur, enfoncée, à grands frais amassée, sont des épithètes;

Dans ceux de Racine, orgueilleuse, appliqué à une chose à laquelle cette qualification ne convient que par accident, est une épithète. L'adjectif désigne au contraire les qualités propres à l'objet auquel il s'applique; ainsi, quand nous disons que le miel est doux,

que la neige est froide, doux et froide, qui expriment des qualités essentielles, sont des adjectifs.

En littérature, l'adjectif est un terme nécessaire, l'épithète un terme surabondant; l'adjectif est grammatical et logique, l'épithète est oratoire et poétique.

É, es.

É, es, particule privative formée de la préposition latine ex, ne se trouve jamais en français, comme le dit Nicot, hors de composition, comme en esbourgeonner, esbarber, estripper. « Et ores, ajoute-t-il, » n'est privative, ains augmentative de la signification du mot auquel >> elle adhère en composition, comme espoindre, eslancer et sem» blables, qui signifient poindre et lancer avec effort. Tantôt est >> commencement du mot simple, et n'importe (n'y ajoute) rien, » comme en escaille, esmail, esmeraude, etc., car elle n'est par com» position en telles dictions, ains originairement. >>

En français donc, é, es initial est ou particule séparative, comme dans émonder, escompter, élancer, ou une simple lettre euphonique placée en tête du primitif pour en rendre la prononciation plus douce: escabeau (scabellum), espace (spatium), esprit (spiritus), estomac (stomachus), etc.

Espérer.

Ce verbe, comme promettre, accepter et tous ceux qui éveillent une idée d'avenir, ne doit ni ne peut avoir sous sa dépendance un verbe au présent ou au passé; c'est au futur que doit figurer le verbe qu'il régit :

J'espère

Que vous saurez venger l'amant avec le père.

(Racine.)

Le verbe ALLER suivi d'un infinitif, est le seul qu'on emploie au présent, après espérer, parce qu'alors il exprime une idée d'avenir :

J'espère qu'enfin de ce temple odieux
Et la flamme et le fer vont délivrer mes yeux.

(Racine.)

Ce n'est qu'en détournant les verbes compter, promettre, s'attendre, de leur véritable acception, que plusieurs écrivains les ont fait suivre d'un présent et d'un passé. Comme espérer, ils expriment l'avenir et veulent au futur le verbe placé sous leur dépendance. Les phrases suivantes sont donc vicieuses :

J'ESPÈRE que Pauline SE PORTE bien puisque vous ne m'en parlez pas.

(Mme de Sévigné.)

L'erreur des libertins et des hérétiques vient de ce qu'ils ESPÈRENT que les vérités de la foi ne se PEUVENT connaître avec évidence. (Malebranche.)

Dans le premier exemple, le sens exigeait je crois, je pense, et dans le second, s'imaginent ou supposent.

Étonnement, surprise.

L'étonnement frappe surtout les sens; la surprise frappe principalement l'esprit. Une idée généralement fâcheuse produit l'étonnement; il y a plutôt quelque chose de merveilleux dans ce qui cause la surprise. L'audace d'un sot nous frappe d'étonnement; l'arrivée d'un ami que nous n'attendions pas nous cause une douce surprise.

Étourdi, écervelé.

L'étourdi est celui en qui la faculté de réfléchir est comme suspendue par une sensation confuse des objets qui l'entourent; l'écervelé est proprement celui qui n'a point de cervelle, par conséquent, qui est incapable de jugement. C'est ordinairement la vivacité du caractère qui fait l'étourdi; c'est quelquefois la fougue des passions qui fait l'écervelé. L'étourdi fait des inconséquences; l'écervelé fait des folies:

Le public est un ÉTOURDI Souvent de mauvais ton, capricieux, crédule, variable. (Viennet.) C'est un petit ÉCERVELÉ. (Molière.)

Être, exister, subsister.

Etre est, de ces trois termes, le plus général et le plus compréhensif. Il convient à tout ce qui est, de quelque manière que l'idée de l'être se présente à notre esprit; exister ne convient qu'aux substances qui sont réellement, abstraction faite du temps et des circonstances; subsister, qui se dit également des substances, de leurs modifications et de leurs qualités, exprime particulièrement un rapport à leur passage dans le temps, ou à leur durée.

Étudier, apprendre.

Étudier, c'est simplement travailler à connaître les règles d'une science, d'un art, etc.; apprendre, c'est s'y appliquer avec fruit. Quand les deux mots sont joints, il y a entre eux le rapport qui existe entre le moyen et le but: On étudie pour apprendre. On sait positivement ce qu'on a appris, on ne sait pas toujours ce qu'on

a étudié. Il y a certaines choses si naturelles qu'on les apprend quelquefois sans les étudier; en revanche, il en est beaucoup d'autres qu'on étudie sans les apprendre.

Évaporé, éventé.

L'évaporé est celui qui passe avec légèreté d'une idée à une autre ; l'éventé est celui qui parle et agit à tort et à travers, sans chercher même à se former des idées. L'évaporé pense trop vite pour pouvoir se faire des principes sur quoi que ce soit; l'éventé ne pense pas du tout, ne considère et n'apprécie rien :

Il est des cœurs ÉVAPORÉS qui ne peuvent se renfermer un moment en eux-mêmes. (Bourdaloue.)

J'ai fait connaissance tout récemment d'une petite brune que je puis bien vous donner pour la créature la plus évaporée qui soit dans Vire. (C. Delavigne.)

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Événement, accident, aventure.

L'idée d'une chose qui arrive est commune à ces trois termes. Evénement est plus général; accident est plus particulier; aventure est plus personnel. Evénement s'applique à tout ce qui arrive; accident s'entend de ce qui arrive aux choses comme aux personnes; aventure se dit uniquement de ce qui arrive aux personnes, soit par hasard, soit par intrigue. L'événement a par lui-même un caractère d'importance; l'accident, un caractère plus ou moins fàcheux; l'aventure, un caractère plutôt amusant que désagréable.

Éviter, épargner.

Éviter, dans le sens de fuir, exprime une action dont le terme est toujours en rapport d'idée avec le sujet :

La vertu la plus ferme évite les hasards.

(Corneille.)

Le caractère de l'esprit juste est d'ÉVITER l'erreur en ÉVITANT de porter des jugements. (Condillac.)

Le plus adroit trompeur ne peut tromper longtemps.
Il n'évitera pas le piége où je l'attends. (Palissot.)

Epargner, au contraire, dans le sens de dispenser, préserver quelqu'un d'une chose, exprime une action dont le terme n'a jamais rapport au sujet; on doit donc dire: Votre père A ÉVITÉ ces ennuis, et il nous les A ÉPARGNÉS :

Α

La netteté ÉPARGNE les longueurs et sert de preuve aux idées. (Vauvenargues.)

Il semble que la nature, qui a sagement disposé les organes de notre corps pour nous rendre heureux, nous ait aussi donné l'orgueil pour nous ÉPARGNER la douteur de connaître nos imperfections. (La Rochefoucauld.)

On doit donc dire éviter la répétition d'un mot et non épargner, comme on a pu le lire dans une dizaine d'éditions de la Grammaire de MM. Noël et Chapsal, au chapitre du pronom. Epargner la répétition du nom est une construction barbare commise par M. Chapsal sans la collaboration ni la garantie de M. Noël.

Dans le sens réfléchi, on dit s'épargner et non s'éviter :

Des systèmes savants épargnez-vous les frais,
Et ces brillants discours qui n'éclairent jamais.
Épargnez-vous le soin de parler à des sourds.

Les deux phrases suivantes sont donc vicieuses:

(L. Racine.) (Piron.)

Frédéric II prenait beaucoup de tabac; pour s'ÉVITER la peine de fouiller dans sa poche, il avait fait placer sur chaque cheminée de son appartement une tabatière où il puisait au besoin. (Arnault.)

Pour M'ÉVITER tant de travail, j'avais chargé un artiste de faire les croquis.

Excellent.

(A. Jal.)

Quoi qu'en aient dit certains grammairiens, excellent n'est pas un terme absolu, et il peut très-bien être modifié par un des adverbes de quantité plus, moins, etc.

J'aurais voulu faire voir que les PLUS EXCELLENTES choses sont sujettes à être copiées par de mauvais singes. (Molière.)

La célébrité est la récompense de l'auteur le plus fécond et non de l'auteur le PLUS EXCELLENT. (Gilbert.)

Le bon sens est la faculté la PLUS EXCELLENTE de l'homme, et par conséquent on doit principalement la consulter. (La Roche.)

Excepté, hors, hormis.

Excepté s'emploie pour les choses qu'on ne peut pas comprendre avec d'autres, en raison d'une certaine disconvenance : Tous les citoyens, excepté les indignes, doivent supporter leur part des charges de l'Etat. Hors et hormis s'appliquent aux personnes ou aux choses qu'on sépare des autres par voie d'exclusion: Harpagon permet à son fils de rechercher toutes les femmes, hors Marianne; les hommes mariés étaient exemptés du service militaire, hormis ceux qui n'avaient pas d'enfants.

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