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comme les Latins, pour exprimer un enfoncement, cubitus oræ, point où un rivage s'enfonce et forme un angle:

La rivière forme un COUDE en cet endroit. (Académie.)

le

Cette branche a un COUDE à la moitié de sa longueur. (La même.) Le pont du Gard se cache dans le COUDE de deux montagnes. (Nisard.) Maintenant, cherchons ce qu'on entend par cou-de-pied ou coudepied. Est-ce le point antérieur où la jambe et le pied s'articulent et forment un coude? Incontestablement non; le cou-de-pied est la saillie formée par la face supérieure et dorsale du tarse correspondant à la face dorsale du carpe ou poignet, laquelle n'a pas reçu le nom de cou-de-main, parce qu'elle ne présente aucune saillie.

Il est donc clair que nous devons écrire cou-de-pied, si nous voulons conformer l'orthographe au sens du mot, comme le font trèsbien les Italiens, qui disent il collo del piede, et non il gomito del piede c'est la seule forme qu'on puisse raisonnablement donner à cette expression, et c'est d'ailleurs celle qu'au seizième siècle lui donnait Nicot, qui, dans son Thrésor de la langue françoise, traduit plancus, qui a les pieds plats, par Qui a le coL du pied bien bas.

Coutume (Avoir).

Voltaire dit qu'on doit employer avoir coutume quand on veut parler d'une chose ordinaire et qui se fait souvent, et qu'on doit dire avoir la coutume lorsqu'on veut parler d'un fait singulier, d'une coutume extraordinaire. Ainsi il a écrit:

Les Anglais ONT LA COUTUME de finir presque tous leurs actes par une comparaison,

pour exprimer un usage particulier aux poëtes anglais.

Aujourd'hui, non-seulement cette distinction n'est pas observée, car on ne dit plus même avoir la coutume, mais avoir l'habitude, l'usage. Joint au verbe avoir, le mot coutume se prend toujours dans un sens indéterminé :

Nous sommes assez portés à regarder comme juste et raisonnable ce que nous AVONS COUTUME de faire. (Duclos.)

C'est une politesse que notre nation A COUTUME d'avoir pour les étrangers.

(Bossuet.)

Avoir coutume a remplacé l'ancienne forme avoir accoutumé.

Croire.

Croire quelqu'un, c'est ajouter foi à ce qu'il dit :

C'est un menteur, on ne LE CROIT plus. (Grammaire des grammaires.)

Croire quelque chose, c'est estimer une chose vraie :
Impie, tu né CROYAIs pas LA RELIGION. (Fénelon.)

Croire à quelqu'un, c'est croire à son existence :

Ne CROYEZ pas à tout esprit. (Pascal.)

Croire à quelque chose, c'est y ajouter foi:

Ils ne CRURENT pas à sa parole. (Bossuet.)

Origène, Eusèbe, Bossuet, Pascal, Fénelon, Bacon, Leibnitz, ONT cru à la vérité de l'histoire de Moïse. (Chateaubriand.)

O ciel! qu'on doit peu croire

Aux dehors imposants des humaines vertus. (Gresset.)

Quand Bossuet a dit : Il n'y a point de différence entre CROIRE l'Eglise catholique et CROIRE A l'Eglise catholique, il a voulu dire que lorsqu'on croit qu'il existe une Eglise catholique, on doit croire nécessairement ce qu'elle enseigne.

Croître.

Les écrivains, et particulièrement les poëtes, employaient trèssouvent autrefois ce verbe transitivement, dans le sens d'Augmenter; et, quoique vieillie, cette expression a cependant encore une sorte de noblesse :

A des cœurs bien touchés tarder la jouissance,
C'est infailliblement leur croître les désirs.

Ma mort était ma gloire, et le destin m'en prive
Pour croître mes malheurs et me voir ta captive.

(Malherbe.)

(Corneille.)

Les valets qui se plaignent de leurs gayes peuvent-ils d'eux-mêmes les CROÎTRE en se garnissant les poches? (Pascal.)

Je ne prends point plaisir à croître ma misère.

Que ce nouvel honneur va croître son audace!

(Racine.)
(Le même.)

L'Académie dit qu'on l'emploie encore en poésie, et donne pour exemple une partie du vers d'Esther que nous avons cité : Cet honneur va CROÎTRE SON AUDACE.

Mais en prose, aujourd'hui, on dit en ce sens accroître ou faire

croître.

Danger, péril.

Danger est relatif à un mal qui peut arriver; péril à un bien qu'on peut perdre. Danger se dit de toute espèce de malheurs à craindre; péril, d'une épreuve décisive dans laquelle on peut périr. Le danger est présent ou éloigné; le péril est toujours présent :

aussi dit-on qu'on est exposé à un danger et qu'on est en péril, en exprimant dans le premier cas la possibilité d'un malheur, et dans le second son imminence.

Dans, en, à.

Les deux premiers de ces termes sont des synonymes dont nous avons expliqué plus haut (page 54) l'emploi particulier; le troisième n'en est qu'un simple équivalent:

Eh! qui peut pénétrer dans le cœur des humains? (Saurin.) Tout l'État est EN lui; la volonté de tout le peuple est renfermée DANS la sienne.

Je sais quel est le peuple; on le change en un jour.

(Bossuet.) (Voltaire.)

Il meurt comblé de gloire au sein de l'infamie. ( M.-J. Chénier.) Anciennement, à s'employait toujours pour dans et en devant un monosyllabe:

Beaucoup de gens pensent amasser à UN coup plus de choses ensemble qu'ils n'en peuvent contenir et serrer entre leurs bras. (Nicot.)

Nous dirions aujourd'hui EN un seul coup, D'un seul coup:

Dans, en, à, employés pour exprimer un rapport de temps, ont une signification plus déterminée; en marque alors la durée d'une période :

Dieu créa le monde EN six jours.
Il aura fini son travail EN un an.

Dans marque le terme :

Il aura fini son travail DANS six heures.
A, l'époque précise :

Il doit livrer son ouvrage à six heures.

Datif.

On donne ce nom au troisième cas des noms, des adjectifs et des pronoms latins. On le nomme cas d'attribution, et comme il marque le terme où aboutit une action, il se joint aux compléments indirects des verbes transitifs. Ce rapport s'exprime en français par la proposition à suivie d'un nom ou d'un pronom.

Voici quelques exemples du rapport exprimé par le datif :

Rendez A CÉSAR ce qui appartient à CÉSAR.

En sacrifiant tout à SON DEVOIR on est sûr d'arriver AU BONHEUR. (Florian.)| Il vaut mieux s'exposer à L'INGRATITUDE que de manquer AUX MISÉRABLES. (La Bruyère.)

De, en.

Tout complément déterminatif exprimant la matière dont une chose est faite doit être précédé de la préposition de; ce complément équivaut à un qualificatif :

Une porte DE bois. Un pont DE pierre. Une tabatière D'or. Un balai DE plumes. Un collier DE perles. (Académie.)

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Mais quand le complément exprime la manière, la disposition particulière, il veut alors la préposition en:

Des arbres taillés EN buisson. Des perles EN poires. Une fenêtre EN ogive.

Dans ce temps-là, on se coiffait EN cheveux. (Marivaux.)

Débat, contestation.

(Académie.)

L'un et l'autre se disent d'une dispute entre plusieurs personnes, mais il existe entre ces deux mots une sorte de gradation de sens. La contestation est la simple discussion que fait naître un désaccord; le débat est une discussion changée en dispute tumultueuse. Une contestation sur le sens d'une clause, d'un testament, aboutit souvent à un vif débat devant les tribunaux. Un article de traité sujet à contestation peut être l'objet de longs débats.

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Débile exprime un excès de faiblesse; faible un degré inférieur de force; le premier a un sens absolu, le second un sens relatif. Débile est d'un usage très-restreint; faible, au contraire, a un emploi très-étendu. Quand on emploie les deux mots pour qualifier l'esprit ou les facultés intellectuelles, faible se dit de ce qui a trop peu de force pour résister, et débile de ce qui s'abandonne faute d'une force quelconque.

Décence, bienséance, convenance.

La décence est le caractère général de ce qui est honnête; la bienséance est le mérite accidentel de ce qui sied bien; la convenance est l'accord moral d'un objet avec un autre ou de plusieurs

objets entre eux. Décence se dit de ce qui est conforme à l'honnêteté morale; bienséance ne regarde que les mœurs et les usages de la société; convenance s'applique indifféremment à toutes les choses qui vont bien ensemble. La décence est une et n'admet pas de variations.

Décréditer, discréditer.

L'Académie n'établit aucune différence entre ces deux mots; l'un et l'autre s'emploient, en effet, dans le sens de Faire perdre le crédit, la considération, la faveur; mais décréditer a un sens bien plus absolu; il signifie Priver de tout crédit, de toute considération, et discréditer signifie seulement Enlever une partie du crédit : cette différence des ignification tient à la valeur propre de la particule initiale, laquelle est négative dans le premier terme, et simplement disjonctive dans le second.

Dédain, fierté.

Le dédain est la marque du mépris qu'on a pour autrui; la fierté est le signe de la haute estime qu'on a de soi. La fierté engendre le dédain; celui qui est fier de sa valeur personnelle se montre souvent dédaigneux à l'égard de ceux qu'il juge ses inférieurs par le mérite ou la position.

Il y a dans la ville la grande et la petite robe; la première se venge sur l'autre des DÉDAINS de la cour et des humiliations qu'elle y essuie. (J.-J. Rousseau.) La FIERTÉ dans l'âme est de la grandeur. (Voltaire.)

Défaut, manque.

Le défaut est l'absence de la chose qu'il faudrait avoir; le manque est l'absence de ce qui est nécessaire pour que la chose soit complète. Le défaut est une privation absolue; le manque est une privation relative, un déficit. On accuse son manque de mémoire lorsqu'on se souvient imparfaitement d'une chose, et son défaut de mémoire lorsqu'on ne s'en souvient pas du tout.

Défaut (A, au).

A défaut de signifie proprement Faute de :

A DÉFAUT DE vin nous boirons de l'eau. (Académie.)

A DÉFAUT DE Compère on fait ses affaires soi-même. (Viennet.)

On n'entendra peut-être pas sans quelque intérêt la voix d'un solitaire qui apporte de la bonne foi à défaut de bon goût, de la conviction À DÉFAUT DE talent, des études À DÉFAUT DE science. (V. Hugo.)

A défaut de ton bras, prête-moi ton épée.

(Corneille.)

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