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Théâtre de l'Impératrice.-Encore une partie de chasse, ou Un tableau d'histoire, comédie en un acie et en vers de MM. Joseph Pain et Dumersan.

Francheville, vieux chevalier, après avoir servi son prince, consacre son repos à l'éducation d'Eugénie sa fille. Félix, jeune peintre, aime Eugénie, et Francheville consent à la lui donner si Félix parvient, par un tableau d'histoire, à se rendre digne de sa main. Le jeune peintre, pour méditer à loisir sur le choix de son sujet, s'est retiré dans la chaumière de Catherine, bonne vieille paysanne. François premier, chassant dans les environs, reconnaît ces lieux où il a passé une partie de son enfance, et pour jouir des doux souvenirs qu'ils lui retracent, il quitte sa suite et vient seul visiter cette chaumière, où tant de fois il est venu prendre de champêtres repas : il reconnaît Catherine, et après avoir causé quelque tems avec elle, sans se découvrir, il lui laisse une bourse pleine d'or. La bonne paysanne reconnaît l'image de son roi sur l'une des pièces, et touchée de sa bonté autant que de sa munificence, elle tombe à ses genoux. Félix, que le hasard amène en ce moment, frappé de cette situation touchante, se décide à en faire le sujet de son tableau, et dessine sur-le-champ une esquisse qui lui vaut la main d'Eugénie.

L'anecdote qui a fourni le fonds de cette petite comédie est trop résente, et peint trop vivement la bonté d'un grand monarque, pour qu'il soit nécessaire de la rappeler å nos lecteurs. Ces traits touchans se gravent aussi profondément dans la mémoire du cœur, que les grandes actions dans les fastes de la gloire.

Cette comédie offre une situation touchante, un dialogue souvent naturel et des vers heureux; mais elle doit sur-tout son succès au choix du sujet, plus heureux encore. Les sentimens d'amour et de reconnaissance qui y sont exprimés ont été vivement applaudis par un public qui les partage.

Théâtre du Vaudeville. - Première représentation de la Vieillesse de Piron, vaudeville en un acte de MM. Bouilly et Pain.

Annette, nièce de Piron, est unie secrètement à Armand jeune musicien; Piron, qui craint que sa nièce ne le néglige pour son mari, saisit un prétexte d'éloigner Ar mand de chez lui, et pour punir Annette de sa dissimulation, il feint de vouloir la marier à Pannard. Cependant

Armand s'introduit chez Piron, sous le nom et le costume de Bourguignon, vieux domestique; Piron s'amuse quelque tems de la frayeur des deux jeunes gens, et finit par consentir à leur mariage, à condition qu'Annette ne le quittera jamais.

La seconde représentation de ce vaudeville a été plus applaudie que la première; les auteurs ont fait des coupures afin de rendre l'action plus rapide, et le public leur a tenu compte de leur docilité; plusieurs spectateurs ont blâmé quelques réparties un peu vives peut-être, mais ils auraient pu se rappeler que Piron sacrifiait souvent la décence au désir de montrer tout son esprit. Nous félici terons les auteurs sur le choix qu'ils ont fait des airs, ils sont presque tous du tems de Piron et en plaisent davantage.

Théâtre de la Gaieté. Qui l'emportera du mélodrame ou de la pantomime? Telle est l'importante question qui occupe en ce moment les habitués du boulevard. La pantomime rappelle les droits incontestables qu'elle a à la priorité, la faveur dont elle a joui de tout tems, et surtout l'immense avantage de changer l'auditeur en specta→ teur, et de lui épargner un dialogue rarement naturel et trop souvent mal écrit. Le mélodrame fier de ses succès récens et nombreux, et du nom des auteurs qui n'ont pas dédaigné de s'abaisser jusqu'à ce genre subalterne, sontient jusqu'ici avec avantage une lutte dont il espère sortir vainqueur, grâces à son tragique bourgeois, à son style emphatique, et au goût de la multitude pour les événemens invraisemblables. Ce qui peut rendre la lutte incertaine, c'est que M. Cuvelier, l'un des plus fermes appuis du mélodrame, revient de tems en tems à la pantomime qu'il illustra tant de fois. Elle lui devait déjà la Fille Hussard, Gérard de Nevers; elle lui doit plus récemment Walter le Cruel et la Main de Fer, ou l'Epouse criminelle dont nous avons à rendre compte.

Le duc de Spalatro en Dalmatie a perdu la main droite dans un combat; pour la remplacer, un artiste habile a fabriqué une main de fer. Régilde, épouse du duc, a tenté de le faire assassiner et répand le bruit de sa mort; elle forme le projet d'épouser Stéphano, jeune neveu de son mari; mais Stéphano aime Angelina, fille de Bonelli, écuyer du duc de Spalatro. Bonelli revient et annonce que le duc, échappé aux assassins stipendiés par Régilde, va reparaître; Regilde, qui vent épouser Stéphano, fait périr

le duc, et Bonelli est arrêté. Au second acte, des songes terribles avertissent Régilde de sa fin prochaine; elle n'en poursuit pas moins ses projets d'hymen avec Stéphano, qui rejette sa proposition; la duchesse le fait enfermer dans un cachot, d'où un vieux serviteur parvient à le tirer. Régilde, qui veut se venger d'Angelina, la fait aussi conduire dans une prison, et ordonne qu'on lui brûle les yeux avec un fer ardent; mais Bonelli son père a eu l'adresse de s'échapper, il prend les habits d'un affidé de là duchesse, saisit Angelina, et se faisant reconnaître d'elle, il feint de lui passer le fer brûlant sur les yeux, les couvre d'un bandeau et la chasse de la prison. Sur ces entrefaites, Stéphano, à la tête d'une troupe d'amis dévoués, attaque le château où Régilde s'est réfugiée; il y pénètre l'épée à la main; les soldats de la duchesse sont désarmés, et Régilde entraînée par le spectre du duc, disparaît au milieu des flammes.

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Telle est l'analyse de cette pantomime. M. Cuvelier a choisi ces deux vers pour épigraphe :

Il est donc des forfaits

Que le courroux des dieux ne pardonne jamais.

M. Cuvelier s'est trompé en les attribuant à Racine ; ils sont de Voltaire, et c'est Sémiramis qui les prononce au einquième acte de la tragédie de ce nom.

La Main de Fer a l'heureux privilége de faire, en termes de coulisse, chambrée complète; elle est d'ailleurs assez intéressante et assez bien conduite, pour nous faire penser que si la pantomime doit enfin l'emporter sur le mélodrame, la victoire sera due en partie à ce dernier œuvre de M: Cuvelier.

CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE.

LES exercices du Conservatoire sont toujours à une heure commode, à un jour de liberté, un objet d'intérêt, de curiosité et d'amusement. La salle n'est jamais assez grande pour la foule qui s'y presse : nous indiquerons rapidement les morceaux qui, dans les derniers exercices, ont été le plus distingués. A côté des symphonies d'Haydn, Méhul et Bethoven se sont soutenus, ont été applaudis ; c'est beaucoup dire. Un chœur d'Eriphile de Sacchini a été mal exécuté; on en accuserait vainement les chefs de l'établissément, les répétitions avaient été parfaites; le défaut

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d'ensemble pourrait être excusé par la disposition de l'orchestre, dont le premier violon n'est aperçu d'aucun choriste. De beaux morceaux d'ensemble de la Lodoiska de Chérubini ont été reconnus avec une vive satisfaction; on a fait répéter un trio très-piquant de l'Auberge de Bagnères de M. Catel; mais le morceau qui a obtenu la palme et produit la plus profonde impression, est un chœur de l'idoménée de Mozart, dont la couleur grave, le ton large et soutenu, le pathétique et l'harmonie sévère ont été l'objet de l'admiration unanime. On voit que la direction s'attache, sans prédilection, et avec impartialité, à faire briller successivement toutes les écoles, au milieu desquelles celle de France tient un rang si distingué. Cette impartialité est si louable qu'on a cru devoir la contester; mais on oubliait qu'elle était aussi évidente que celle du critique l'est peu l'accusation tombe d'elle-même à la lecture du programme. Quant au reproche d'un certain échange d'adulation et de condescendance entre les maîtres et les élèves du Conservatoire, on peut le laisser appré cier sur l'intention, à ceux qui ont quelqu'idée de l'enseignement public, et qui savent quels effets peuvent avoir de telles insinuations sur l'esprit des élèves, leur discipline et leurs progrès.

Lettre à M. Thurot sur une opinion qu'il attribue à l'auteur du Rapport fait à la Classe d'histoire et de littérature, ancienne de l'Institut de France, et sur quelques points de différence entre la France et l'Allemagne.

(Voyez le N° 445 du Mercure, 27 janvier 1810, page 221 et suiv. }

Je vous dois des remercimens, Monsieur, pour l'indulgence avec laquelle vous avez traité mon Rapport à l'Institut (1). Vous avez fait voir en même tems, dans le compte que vous en avez rendu, combien votre esprit est libre de tous ces petits préjugés nationaux qui s'opposent à la propagation des vraies lumières, et combien il saít s'élever jusqu'à cette hauteur cosmopolite à laquelle tant de barrières artificielles

(1) Ce Rapport à été rendu public sous ce titre : Coup-d'œil sur l'état actuel de la littérature ancienne et de l'histoire en Allemagne, par Charles Villers. Amsterdam, au Bureau des Arts, etc., et à Paris, chez MM. Treuttel et Wurtz, libraires, rue de Lille, n° 17..

disparaissent,

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disparaissent, et d'où l'on apprend à juger en homme toutes choses

humaines..

Permettez-moi cependant, Monsieur, de réclamer contre une tegere erreur qui vous a échappé en m'associant aux partisans d'une opinion que je ne partage en aucune manière; celle qui attribue à influenos des différens climats la diversité qu'on remarque dans le caractère dans les facultés morales et intellectuelles des nations A Dieu ne plaise que je ravale ainsi l'homme au rang d'une simple machine que dépend en entier des influences extérieures, du degré de chaud ou de froid! Personne, j'ose le dire, n'est plus éloigné que moi de ce matérialisme grossier, qui a eu en France ses bruyans et superficiels apôtres dans la dernière moitié du siècle qui vient de s'écouler. Je me suis déclaré assez hautement contre cette doctrine dans mon exposé de la Philosophie de Kant (1801), et dans quelques autres écrits, sans doute oubliés. Mais il m'importe singuliérement de m'inscrire dé rechef contre cette opinion qui n'est pas la mienne, et de ne pas passer pour un de ses adhérens aux yeux des lecteurs attentifs que peut avoir ce journal.

"

J'ai posé, comme fait, et comme fait indubitable, qu'il existe dans la nature, dans l'esprit, dans les dispositions originaires de la nation française, ou de la race Gallique en général, et celles de la race Germanique, une différence très-marquée, d'où résultent deux modes d'existence, ou deux caractères nationaux parfaitement opposés. J'ai ajouté que les Alpes et le Rhin séparaient la demeure de ces deux races, dont l'une habitait à l'ouest, et l'autre à l'est de cette barrière. Mais il ne m'est pas venu dans l'esprit de vouloir faire entendre par-là, que la différence dans le caractère des deux nations résulte de la différence des climats sous lesquels elles vivent. J'ai indiqué géographiqu ment les contrées respectives qu'elles occupent, mais seulement comme, un fait, et non pas comme une cause. Une différence sensible de climat n'existe pas même entre ces deux contrées. L'ile de France et la Souabe, la Bourgogne et la Suisse sont situées sous la même latitude, et Paris n'est guères plus méridional que Francfort. J'avouerai avec vous, monsieur, que des extrêmes de température, aussi opposés que l'Espagne et la Laponie, par exemple, peuvent influer sur les habitudes et sur l'organisation extérieure des peuples, de telle sorte qu'il en résulte entre eux des nuances marquées et des dissemblances, sur-tout dans le physique. Mais c'est de toute autre chose qu'il est ici question, et même en accordant que le climat pourrait être l'un des élémens de la variété qui se remarque dans les divisions de l'espèce humaine, cet élément serait ici presqu'identique, et par conséquent

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