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S'avancer l'heure du départ.

Paris disait: ah! qu'elle vienne!
Vienne l'arrêtait par ses cris.

Tout Paris voulait être à Vienne;
Vienne voudrait être à Paris.

Pendant que ces couplets étaient applaudis au Théâtre Français, par un peuple transporté de joie, on en chantait à l'Opéra-Comique qui n'étaient pas moins bien accueillis. L'auteur, M. Desaugiers, les avait insérés dans le Déser teur, pièce d'autant mieux choisie pour la circonstance que l'amnistie accordée aux déserteurs et aux conscrits réfractaires, est un des bienfaits par lesquels S. M. I. et R. a daigné signaler les fêtes de son auguste hymen. Nous citerons celui qui nous a paru joindre le plus d'énergie à la la plus grande précision:

:

Soldats, qui loin de vos drapeaux
Cherchez un coupable repos,
Par-tout la mort vous environne;
Déjà l'espoir vous abandonne,
La loi prononce votre arrêt,

C'est fait de vous!.... César paraît,

Il peut vous perdre... il vous pardonne.

Les aimables chansonniers du Vaudeville ne s'étaient point bornés à des scènes ajoutées; la facilité de leur genre et de leur talent promettait une pièce nouvelle, et ils ont rempli l'attente du public par un joli vaudeville en un acte, le Meunier et le Chansonnier, dont voici la courte analyse: Robert, meunier bavarois, et Nanci sa fille ont sauvé la vie, dans la dernière campagne, à Francœur, grenadier français une inclination mutuelle s'est développée entre lui et Nanci, mais son régiment est appelé ailleurs et il est obligé de suivre ses drapeaux. Farineck, garde-moulin de Robert, aime aussi l'aimable meunière; il profite de l'absence de Francœur pour lui persuader qu'il est infidèle, et suppose une lettre dans laquelle on annonce même qu'il s'est marié à Madrid. Sur ces entrefaites une troupe de maraudeurs arrive dans le village et s'apprête à le mettre à contribution, mais un détachement français qui survient les force à la retraite; ce détachement est commandé par Francœur, qui revient plus amoureux que jamais; sa justification est facile; Robert consent à l'unir à Nanci, et le départ des maraudeurs permet de célébrer le mariage de Napoléon

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Napoléon et de Marie-Louise, par une fête que le pre sence avait suspendue. C'est dans ce divertissement que les auteurs ont placé des couplets qui tous ont été viver ment applaudis. Celui que nous allons citer a été demandé avec autant d'empressement à la troisième représentation qu'à la première. :

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Les auteurs de cette pièce ingénieuse sont MM. Barré Radet et Desfontaines.

INSTITUT DE FRANCE.

LA séance publique de l'Institut de France, tenue le 5 avril par la classe de la langue et de la littérature française, sous la présidence de M. le comte Daru, a été brillante par l'affluence des spectateurs, par la présence de plusieurs étrangers de distinction, et par les objets mêmes dont le public a joui..

L'éloquence seule en a fait les honneurs. La distribution de deux prix, et la lecture de plusieurs morceaux des trois discours qui les ont obtenus, l'ont occupée toute entière. Le sujet de l'un des prix, remis pour la troisième fois, était le Tableau littéraire du dix-huitième siècle. M. Jay et M. Victorin Fabre l'ont partagé. M. le secrétaire perpétuel a annoncé dans son rapport que S. E. le Ministre de l'intérieur, instruit du regret qu'avait la classe de ne pouvoir? donner que la moitié de la valeur du prix à chacun des deux concurrens qui lui avaient paru également dignes du prix entier, y a généreusement suppléé, en versant de ses fonds dans la caisse de l'Institut la somme de 1500 fr.

M. le comte Garat, sénateur, a lu environ les deux tiers du discours de M. Jay, réduit de manière à présenter l'ensemble de l'ouvrage. Plusieurs endroits ont été fort ap

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plaudis. M. le comte Regnault de Saint-Jean d'Angely a lut ensuite trois fragmens du discours de M. Victorin Fabre, f'un sur Voltaire, l'autre sur Montesquieu, le troisième contenant le résumé du discours entier. Ils ont aussi reçu de vifs applaudissemens. On a pu entrevoir, dans les deux ouvrages, deux plans et deux mérites tout-à-fait différens. C'est cette différence qui a sans doute comme forcé la classe à partager ses suffrages. La lecture des deux discours imprimés nous apprendra au juste en quoi ils se sont balancés, comment ce qui manquait à l'un relativement à l'autre, a été compensé dans le premier par des beautés que le second n'avait pas. Ces comparaisons que les juges ont faites, le public instruit aime à les faire à son tour. Elles contribuent à former le goût, en même tems qu'elles consolident et sanctionnent, en quelque sorte, la gloire des ouvrages couronnés.

L'autre prix d'eloquence, qui était celui de cette année, avait pour sujet l'Eloge de La Bruyère. C'est encore M. Victorin Fabre qui l'a remporté. M. le secrétaire perpétuel n'a pu se défendre, dans son rapport, d'appeler, au nom de la classe, l'attention du public sur cette rapide accumulation de couronnes académiques, obtenues en peu d'années, tant en prose qu'en vers, par un jeune homme de vingt-quatre ans. M. le comte François de Neuchâteau, sénateur, n'a lu qu'un peu plus de la moitié de ce discours, qui devait être lu tout entier. L'heure a sonné; la classe, rigide observatrice des réglemens, a levé la séance. Le plaisir que faisait cette lecture a laissé des regrets. Elle avait été fréquemment interrompue par des applaudissemens aussi vifs qu'unanimes. En effet, à en juger par ce qu'on a entendu, cet éloge réunit toutes les beautés que le sujet pouvait promettre, et beaucoup d'autres qu'on n'y soupçonnait pas, et dont le jeune orateur a pour ainsi dire fait la découverte, en l'observant de plus près et l'approfondissant davantage. Ce qu'il avait si bien vu, il l'a exécuté avec le talent le plus rare et le plus consommé, sachant prendre au besoin tous les tons et employer tous les styles, se revêtant avec tant d'art des formes variées de l'esprit de La Bruyère, que dans plusieurs endroits où il ne semble que le citer, il y ajoute, il s'amalgame, il s'identifie avec lui, et même dans ces additions il paraît La Bruyère

encore.

La Poésie, moins heureuse que l'Eloquence, a vu pour la troisième fois remettre son prix à l'année prochaine, sur

le sujet des Embellissemens de Paris. La classe a proposé pour sujet d'un autre prix de poésie, qui sera celui de l'année même, la Mort de Rotrou, auteur de Venceslas. Rotrou était à quarante-un ans, dans tout l'éclat de ses succès dramatiques, surpassé par le seul Corneille, auquel il rendit toujours justice, et qui en retour, quoique plus âgé que lui, l'appelait encore son maître. Il était maire de la ville de Dreux sa patrie. Une épidémie pestilentiellé s'y déclare, et la ravage; on veut l'engager à fuir, il refuse: d'autres même prétendent qu'il était alors à Paris, et qu'il partit dès qu'il apprit le danger de ses concitoyens, regardant comme un devoir sacré de leur porter secours ou dè périr avec eux. A peine arrivé, il fut atteint de la maladié et mourut peu de jours après. Assurément, ce sujet est fort beau. Il est honorable pour les lettres; il ne parle pas moins à l'ame qu'à l'imagination, et pour être bien traité, il exige autant de vraie sensibilité que de talent.

Le sujet du prix d'éloquence proposé pour l'année 1812, est l'Eloge de Montaigne, sujet plus riche encore que celui de cette année, et qui, selon toute apparence, appellera plus de concurrens.

Il est tellement difficile de parler de soi d'une manièrė convenable, que je n'aurais jamais entrepris de défendré l'Esprit des religions, contre plusieurs objections qui m'ont été faites dans le Mercure de France, par monsieur F., si je ne devais à monsieur F. lui-même, et au public, qui a bien voulu accueillir avec indulgence mon ouvrage, unė entière justification sur des faits dont la vérité est incontestable.

Un reproche assez grave que me fait d'abord monsieur F. est d'avoir commencé par établir l'influence du climat sur les divers systèmes religieux, et d'avoir ensuite réfuté le sentiment de Montesquieu sur cette même influence. La religion se divise en histoire dogmatique et en morale : Montesquieu soumet ces deux parties bien distinctes à l'influence du climat. Suis-je donc en défaut pour avoir montré l'impression du génie des peuples, des lieux et des tems sur la narration dogmatique, et pour avoir fait un corps à part de la morale, toujours une et invariable? Fallait-il aussi soumettre la morale aux degrés de latitude, ou fermer les yeux sur cette prodigieuse bigarrure de systèmes religieux? Fallait-il nécessairement admettre en totalité l'influence du climat, ou la nier généralement ?

Je m'impose silence sur un point de discussion qui tient à des rapprochemens entre l'autorité démésurée de quelques papes et celle du pontife suprème des druïdes. Ceci est conjectural, et est lié comme simple fait à un système entier. Si monsieur F., dont je respecte la sagesse et les lumières, croit qu'à cet égard j'aye tort, je passe de bon cœur condamnation; et je ne me mettrai point en peine de chercher des preuves, qui, rapportées ici et séparées du corps de l'ouvrage, pourraient être prises dans un sens absolument contraire à mes principes.

Maintenant il s'agit de savoir s'il existe vraiment une caste de Parias. Monsieur F. s'est déclaré pour M. Solvyns qui nie l'existence de cette caste, et il me fait d'une manière indirecte le reproche d'avoir suivi l'opinion de M. Bernardin de Saint-Pierre. Je serais coupable, même en ayant raison, si je n'avais à produire qu'une autorité à laquelle une verve délicieuse et un charme unique font volontiers pardonner de ne s'être pas toujours astreinte à des démonstrations rigoureuses. Mais, outre que l'on pour rait faire voir que le raisonnement de M. Solvyns a par lui-même plus de subtilité que de force réelle, il est bon de faire connaître les sources où j'ai puisé; elles justifient complètement le conte gracieux et philosophique de La Chaumière indienne, ainsi que quelques réflexions que monsieur F. a eu l'indulgence de louer dans mon ouvrage. J'opposerai donc à un voyageur estimable, tel que M. Solvyns, un voyageur qui depuis long-tems jouit d'une haute considération. Voici de quelle manière M. Anquetil du Perron s'exprime à l'égard de la caste des Parias dans la relation de son voyage aux Indes. « Elle n'est ainsi avilie, dit-il, que parce qu'on suppose qu'elle a tué des vaches après la défense qui en avait été faite. Si un Brame ou un Nair (noble indien), se rencontrant avec un Paria, en était touché, il pourrait le tuer impunément. Les Parias ne peuvent entrer dans les Bazars, ni dans les Pagodes; ils sont rejetés comme des êtres immondes. » M. Anquetil a passé plusieurs années dans l'Inde; comme M. Solvyns, il en a rapporté un monument de science. Je pourrais encore citer le voyage aux Indes orientales de J. H. Grose, traduit de l'anglais par Hernandez, et qui atteste les mêmes faits. Mais je veux tout d'un coup opposer une autorité irrefragable; c'est le propre Code des lois des Gentous, traduit par M. Halhed sous les auspices de M. Hastings. Il fait connaître d'abord la division des Indiens en quatre

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