Imágenes de página
PDF
ePub

à fixer avec ordre et précision ses connaissances sur toutes les parties de cet objet intéressant; de sorte que cet ouvrage réunira le double avantage d'être en même tems, et un livre élémentaire, et un Dictionnaire. Ce résumé synthétique aurait remédié, jusqu'à un certain point, aux vices et aux inconvéniens qui résultent, pour l'instruction, d'un ordre simplement alphabétique. En effet, si une exposition de principes et de faits sous forme de Dictionnaire est utile aux personnes qui veulent se rappeler des notions qu'elles ont déjà acquises, ou qui désirent de connaître quelques détails particuliers dont elles peuvent avoir besoin sur-le-champ, ce genre de classification ne pourra jamais remplir le but de ceux qui cherchent à approfondir une science ou un art, qui désirent acquérir l'ensemble des élémens dont elle se compose.

Nous terminerons ces réflexions en ajoutant que le douzième volume est presque entiérement rempli par un traité intéressant sur la succession des cultures, traité dans lequel l'habile praticien Yvart a rassemblé tous les faits que lui ont fournis, sur cette partie importante de la culture, sa propre expérience et celle des cultivateurs les plus renommés. On trouvera dans le treizième volume une table des noms latins des plantes et des animaux dont il est parlé dans le cours de l'ouvrage.

[ocr errors]

C. P. DE LASTEYRIE.

[ocr errors]

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

MADAME DE MAINTENON, PEINTE PAR ELLE-MÊME, avec cette épigraphe :

[ocr errors]

« La voilà telle qu'elle était, et c'est elle-même

[ocr errors][merged small]

Un vol. in-8°. Prix, 6 fr., et 7 fr. franc de port. A Paris, chez Maradan, libraire, rue des GrandsAugustins, no 9.

UNE femme est l'auteur de cet ouvrage entrepris par les motifs les plus nobles et les plus touchans : une vive admiration pour les vertus de Mme de Maintenon, une indignation non moins vive contre ses calomniateurs, et l'honorable désir de faire son apologie, de dissiper les préventions dont sa gloire est encore obscurcie, mais sur-tout de la faire connaître aux personnes de son sexe qui se complaisent à pénétrer dans l'intérieur d'une belle ame, et de rassembler sous leurs yeux les traits d'un modèle si aimable et si digne d'être imité.

Les moyens d'arriver à ce but devaient naturellement se trouver dans les sources où notre auteur avait puisé ses sentimens pour son héroïne, dans le recueil de ses lettres et le récit de ses entretiens familiers; aussi en a-t-elle fait un continuel usage. C'est toujours Mme de Maintenon qu'elle met en scène; c'est presque toujours cette femme célèbre qui nous rend compte elle-même de sa conduite, de ses sentimens, de ses projets ; d'autres écrivains ne sont consultés que lorsque ses lettres manquent. Les gens difficiles trouveront peut-être qu'il y a de la partialité dans cet emploi presque exclusif d'un même témoin dans sa propre cause: ils auraient raison, sans doute, s'il s'agissait de discuter des faits sur lesquels les historiens ne fussent pas d'accord; mais il n'est point ici question d'éclaircir des événemens historiques; c'est un caractère qu'il faut peindre; or, où peut-on mieux en

MERCURE DE FRANCE, MARS 1810.

143

chercher la vérité que dans les lettres et les entretiens de celle même que l'on veut juger, et que le duc de Bourgogne appelait si justement une femme vraie?

Il me semble, en effet, que cette vérité se fait partout reconnaître dans le tableau qui nous est offert. Elle frappe par son éclat toutes les fois qu'elle est avantageuse au modèle, c'est-à-dire, presque toujours; elle s'échappe par éclairs lorsqu'elle est moins favorable, à l'insu peutêtre de l'apologiste, mais en témoignage de sa candeur.

On doit présumer que pour tous ceux qui auront lu cet ouvrage, il n'y aura qu'une opinion sur les riches dons que Mme de Maintenon avait reçus de la nature, que personne ne lui contestera ses grandes et belles qualités la raison la plus solide, le jugement le plus droit, une égale rectitude d'intentions, un esprit délicat, un goût décidé pour le beau et l'honnête, un sentiment exquis de tout ce qui tient à l'honneur, un caractère élevé, et non moins calmé que ferme. On reconnaîtra que sa religion était éclairée, sa piété sincère, sa charité ardente; et mille preuves de son désintéressement, de sa bienfaisance, de sa générosité, réfuteront les reproches d'égoïsme qu'on a osé lui faire. Elle fut sensible, sans doute, quoiqu'elle paraisse n'avoir point connu les passions; son ame était aimante, et si ses affections furent plus nombreuses que passionnées, si sa bienveillance fut plus tendre que courageuse, c'est que la faculté d'aimer perdit chez elle en profondeur ce qu'elle gagná en étendue, compensation que les bornes de notre nature établissent toujours dans nos facultés. Mes amis m'intéressent, dit-elle quelque part, mais mes pauvres me touchent; aveu d'où l'on peut conclure qu'elle était plus capable d'affectionner un grand nombre d'objets que d'en aimer quelques-uns avec énergie, et qui me paraît être une des clefs de son caractère et de son

cœur.

[ocr errors]

On connaît assez tous les faits qui ont été allégués jusqu'ici pour calomnier l'un et l'autre. Son apologiste', toin de les passer sous silence, les réfute par des preuves solides toutes les fois que l'histoire en fournit, ou les repousse par l'indignation à défaut de preuves. Il lui

suffit souvent de trouver ces faits en contradiction avec l'idée qu'elle s'est faite de son héroïne, pour les nier. Voltaire lui-même, dans ses ouvrages historiques, s'est servi plus d'une fois de ce moyen de réfutation. Il fait honneur à l'ame des écrivains qui l'emploient par conviction, et sur ce point, l'auteur de Madame de Maintenon ne laisse pas l'ombre même du doute; mais on doit avouer aussi qu'il n'exerce pas le même empire sur tous les lecteurs, et qu'il est, par exemple, plusieurs faits dans la vie de Mme de Maintenon sur lesquels il reste des nuages, quand on n'a point lu son apologie dans le même esprit qui l'a suggérée à l'auteur.

Le premier de ces faits auxquels il me paraît néces→ saire de nous arrêter, c'est la conduite de Mme de Maintenon à l'égard des protestans lors de la révocation de l'édit de Nantes. L'apologiste prouve très-bien qu'elle ne les persécuta pas : elle montre, au contraire, que lorsqu'une triste expérience eut prouvé à Louis XIV qu'on l'avait trompé, Mme de Maintenon fut des pre mières à proposer des modifications à l'édit qui les opprimait. Mais on est fâché que Fagon l'eût prévenue: on l'est encore que son ardeur de convertir se soit portée principalement sur sa famille, qu'elle ait employé jusqu'aux lettres de cachet pour en rendre les membres plus dignes des bienfaits du roi; il semble que l'intérêt de leur fortune, plus que celui de la vérité, animật alors son zèle. On voudrait enfin, lorsque son apologiste l'excuse du silence qu'elle a gardé sur l'oppression de ses anciens frères, par l'obéissance que lui imposait la condition d'épouse du roi, on voudrait, dis-je, n'avoir pas rapproché les dates. L'édit de Nantes fut révoqué le 22 octobre 1685, selon le président Hénaut. Mme de Maintenon épousa Louis XIV en janvier 1686, selon Voltaire... De quelle immortelle gloire ne se fût-elle pas couverte, si elle eût exposé, sacrifié même sa propre élévation au devoir d'user de tout son ascendant pour empêcher ce prince de persécuter une partie de son peuple, en haine d'une religion qu'elle même avait professée !

C'est toujours en alléguant cette même nécessité d'une

soumission

SEIVE

soumission sans bornes de l'épouse de Louis XIV à son
époux, sur-tout en matière d'opinion religieuse, que
l'apologiste de Mme de Maintenon la justifie ou du moins,
l'excuse d'avoir abandonné Fénélon jusqu'à n'oser pus
le nommer, d'avoir livré au roi le secret de Racine
de s'être enfuie au moment critique, au lie de de de
courir; c'est ainsi enfin qu'elle voudrait presque la re
un mérite de son exclamation au sujet du cardinal
Noailles voilà encore un ami qu'il faudra sach fer
Dans toutes ces occasions, son apologiste nous repo
sente qu'une défense plus longue et plus courageuse
n'aurait paru à Louis XIV qu'une révolte contre son
autorité d'époux et de roi. Je suis très-porté à le croire;
mais si la raison peut admettre une pareille excuse, si la
prudence est encore plus disposée à s'en contenter,
nous portons tous en nous-mêmes un autre juge qui se
laisse gagner moins facilement; à ses yeux les fautes de
ce genre sont toujours des fautes dont il ne peut absou-
dre; et si l'on veut seulement qu'il les pardonne, ce doit
être par, d'autres considérations.

Après les avoir long-tems cherchées, après m'être demandé pourquoi, malgré tous les efforts de son apologiste, Mme de Maintenon dans ces circonstances se montrait toujours à moi sous un jour douteux, j'ai

en trouver la raison dans la singularité, dans la fausseté même de sa situation auprès de Louis XIV épouse du roi sans être reine, de cette, bizarrerie découlent tous

ses torts.

Supposons en effet à sa place une véritable reine, une princesse qui eût épousé Louis XIV par des convenances de politique, et non pour l'avoir charmé par les agrémens de sa personne et de son esprit. On aurait moins attendu d'elle; on n'eût pas été forcé de lui supposer un grand ascendant sur l'esprit du roi : étrangère à la France jusqu'à son mariage, et née dans la pourpre, elle n'aurait point connu d'amis qui, d'ailleurs étant ses égaux, eussent à son intérêt les droits que Fénélon, le cardinal de Noailles, et Racine même pouvaient prétendre à celui de Mme de Maintenon. Eût-elle été protestante, les protestans même n'auraient pu exiger d'elle

K

« AnteriorContinuar »