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Gaesbeek et Houtkercke.

fallait agir de même à son égard. Hees insista en particulier sur le bon effet qu'avait produit à Maestricht l'interdiction des prêches, pour lesquels, ajoutait-il, les Bruxellois avaient de l'aversion. Le magistrat répondit qu'il ne pouvait prendre une décision sans avoir délibéré sur cette affaire. Champigny et ses amis lui accordèrent, à contre-cœur, un délai; étant sortis de la maison communale, ils invitèrent les bourgeois, réunis sur le marché, à venir, à deux heures de l'après-midi, à l'hôtel de Hees. Des colonels, des capitaines et environ soixante notables se rendirent à cette invitation, et le lendemain, entre midi et une heure, Hees, Champigny et les autres chefs catholiques allèrent de nouveau à l'Hôtel-de-Ville. Le magistrat leur donna part du rejet de leur proposition, en conformité de la décision des états généraux, et basé sur le tort qu'une mesure contraire pourrait causer aux catholiques de quelques autres villes, à la cause commune et à Bruxelles en particulier. Les seigneurs s'écrièrent que ce n'était qu'un subterfuge et déclarèrent que le large conseil et les nations approuvaient leur demande, et qu'il fallait réunir les corps. Après avoir rappelé les clauses de la Pacification de Gand, le bon esprit qu'avaient montré les bourgeois en 1566, ils offrirent le secours des catholiques du Hainaut et parlèrent avec beaucoup de mépris de l'archiduc, qu'ils traitaient d'enfant. Le magistrat leur opposa l'obéissance due aux états, la nécessité de conserver leur appui, les difficultés qu'entraînerait l'exécution de leur projet. La discussion s'échauffant, un des seigneurs demanda si on voulait de la ligue ou non, et s'écria que, dans le cas négatif, lui et ses amis savaient ce qu'ils avaient à faire; mais quand on les interrogea sur la ligue dont ils parlaient, ils se turent, s'apercevant qu'ils avaient été trop loin.

Guillaume DE HORNES, seigneur de Hees, prit aussi une part très-active à la
bataille de Gembloux, qui eut lieu le 20 janvier 1578: « Cette mémorable
bataille, dit Strada, fut donnée près de Gembloux, à neuf milles de Namur et à
l'entrée du Brabant. L'armée du roi comptait 18,000 combattants; celle des
états 20,000. Celle-ci se logea cette nuit près du village de Saint-Martin et à
cinq milles environ des troupes de don Juan d'Autriche qui était autour de
Namur; voici l'ordre qu'elle tenait : Emmanuel de Montigny et Guillaume de
Hees étaient à l'avant-garde avec leurs régiments, qui étaient soutenus en flanc
par Villers et Fresnoy, capitaines mousquetaires à cheval. Maximilien de Hen-
nin, comte de Bossu, qui avait quitté depuis peu le service du roi, et Frédéric
Perenot, seigneur de Champigny, conduisirent la bataille composée de deux
régiments, l'un wallon et l'autre allemand, de trois compagnies de Français et
de treize d'Écossais et d'Anglais. L'arrière-garde en était seule la force. La
cavalerie était conduite par Philippe d'Egmont, fils de Lamoral, et par Lumai,
comte de La Marck, qui avaient à leurs ailes, avec quelques compagnies de
cavalerie, le marquis d'Havré, frère du duc d'Arschot, et Goegnies, maréchal-
de-camp et lieutenant-général de l'armée. »>

Cette ligue dont il a été question existait : c'est celle qui a été dite des Mécontents
Ce qui concerne son histoire nous semble avoir été bien décrit par Dom de
Vienne, Histoire d'Artois, t. v, p. 11 et suiv.: « Au mois de juillet 1578, une

partie des troupes levées par ordre des états-généraux n'étant point payées, Hees,
Capres et Montigny, qui les commandaient, formèrent une ligue et se mirent à
la tête du parti des Mal-Contents. Ce fut à eux que la province, dont ils avaient
embrassé les sentiments, dut sa conservation. Les Wallons, instruits des
dispositions du roi d'Espagne et des démarches de Farnèse, s'empressèrent d'en
profiter. Ceux du Hainaut, de Lille, de Douay, d'Orchies et de Valenciennes
envoyèrent des députés à Arras pour se joindre à ceux de l'Artois; on résolut
de tenir les assemblées à Mont-Saint-Éloi. Les conférences de Mont-Saint-
Éloi furent fixées au mois d'avril 1579. Le premier de ce mois, Montigny, Hees
et d'autres officiers généraux convinrent avec les commissaires qu'avant de
commencer les conférences, Sa Majesté donnerait assurance de faire retirer les
étrangers au jour convenu; en suite de quoi on mettrait entre les mains du roi,
Menin, Cassel et toutes les autres places que tenaient les Mécontents, avec
toute l'artillerie et les munitions, pour en user selon qu'il conviendrait à son
service, et de donner 200,000 florins pour payer ce qui était dû aux troupes.
Après ces préliminaires, les conférences du Mont-Saint-Éloi commencèrent. —
Les Wallons cédèrent plusieurs points qu'ils avaient refusé d'accepter; mais ils
ne pouvaient se résoudre à se relâcher sur le congé des Espagnols. Ils disaient
que c'était une chose qui leur avait été accordée par le roi et par Farnèse lui-
même, et ils le prouvaient par leurs lettres. Alexandre n'en disconvenait pas;
mais il représentait qu'il n'y avait aucune apparence qu'on obligeât le roi de
désarmer et qu'on lui ôtat ses forces en renvoyant les Espagnols, tandis que
les provinces rebelles étaient armées et se fortifiaient par de nouvelles levées;
qu'il ne pouvait pas être avantageux aux Wallons de se voir abandonnés par de
vieilles troupes qui défendraient la cause commune. Les Wallons répondirent
qu'on avait répondu à tout, qu'on avait levé dans leurs provinces une armée
qui non-seulement était en état de repousser l'ennemi, mais même de l'atta-
quer, et ils rappelaient sans cesse le traité de Gand, que les deux partis avaient
également regardé comme la base de celui qu'il s'agissait de conclure; mais le
véritable motif qui faisait agir les Wallons, surtout les nobles et les gouver-
neurs de l'Artois et du Hainaut, tels que Montigny, Hees et Egmont, c'est que,
se rappelant ce qu'ils avaient fait contre le roi, ils ne pouvaient se fier à un
prince qu'ils avaient si cruellement offensé, et regardaient moins les soldats
comme leurs compagnons d'armes que comme les vengeurs de la majesté royale.
Après de grands débats, le roi ne voulut pas que cet article fit manquer le
traité. Il consentit qu'il fût réglé comme les Wallons le désiraient, et remit les
autres points à la prudence de Farnèse. Alors ce prince manda les députés
wallons, et en présence des conseils d'État et de guerre, il leur accorda, au nom
du roi, les mêmes conditions dont on était déjà convenu et que les députés
promirent de faire ratifier dans la première assemblée de leurs provinces,
conformément aux modifications qu'on y avait apportées. Ensuite Alexandre
fit tirer le canon en signe de réjouissance, et pour faire connaître à ceux à qui
le prince d'Orange avait écrit que la négociation était manquée, les points
essentiels ayant été fixés, Farnèse déclara que les articles moins importants

Gaesbeek et Houtkercke.

Gaesbeek et Houtkercke.

seraient décidés à Mons. Cet objet ayant été rempli, le roi d'Espagne ratifia le traité par des lettres conçues en ces termes :

« Philippe, par la grâce de Dieu, roi de Castille, d'Aragon, etc. Comme après la retraite au château de Namur, de notre très-cher et très-aimé frère, don Jean d'Autriche, lors gouverneur et capitaine-général de nos Pays-Bas, seraient survenus plusieurs mal-ententes et discors entre lui et les états-généraux de nosdits Pays-Bas, lesquels ne s'étant pu appaiser par les communications pour ce tenues, auraient engendré, à notre grand regret, une grande et cruelle guerre à la désolation de bonne partie de nosdits pays, voulant faire office de père et bon prince, ayant dès les derniers troubles toujours recherché moyens et voies de réconciliation, finalement par notre cher et très-amé bon neveu le prince de Parme et Plaisance, lieutenant-gouverneur et capitaine-général de nosdits Pays-Bas, avec nos provinces d'Artois, Hainaut, Lille, Douay, Orchies, y ayant envoyé à ces fins révérend père en Dieu, Matthieu Moulart, évêque d'Arras, Jean de Noircarmes, chevalier, baron de Selle, gentilhomme de notre bouche et lieutenant de notre garde, et Guillaume Le Vasseur, seigneur de Valhuon, pour leur offrir de notre part l'entretènement de la Pacification de Gand, l'Union ensuivie, l'Édit Perpétuel, comme aux députés des autres provinces en notre ville d'Anvers, par lettre du douze mars dernier, lesquelles offres par les députés d'aucunes provinces rejettées et autrement interprêtées que n'était notre intention, auraient par les susdites trois provinces d'Artois, Hainaut, Lille, Douay et Orchies, mieux entendant la sincérité de notre volonté, été embrassées, ayant icelles trois provinces conçu et avisé quelques points et articles pour sur le pied d'iceux venir à une bonne réconciliation; lesquels points après plusieurs communications tenues en notre ville d'Arras, entre les susdits députés et notredit neveu en notre camp devant notre ville de Maestricht pour en avoir l'agréation, furent trouvées en iceux aucunes difficultés et obscurités, et que selon lesdits éclaircissements et résolution, seraient entendus l'agréation et serment que lors en fit notredit neveu le prince de Parme, le 27 de juin dernier, suivant quoi aurions envoyé notre cher et féal cousin le comte de Mansfeld, de notre part, en notre ville de Mons; noble baron d'Heldinge, chevalier de notre ordre de la Toison, de notre conseil d'État, gouverneur et capitaine-général de notre duché de Luxembourg et comté de Chiny, et maréchal de notre ost, et nos amis et féaux chevaliers Jean de Noyelles, seigneur de Rossignol, de notre conseil de guerre, et Adrien de Gomiecourt, seigneur dudit lieu, gentilhomme de notre maison, ensemble Jean Vendeville, Antoine Hoult, docteur ès droits, conseillers et maîtres ordinaires de notre conseil privé, et George de Westendorp, aussi docteur en droits et conseiller de notre conseil en Frise, lesquels, ayant communiqué sur ce que dessus avec notre très-cher et féal cousin Robert de Melun, marquis de Richebourg, sénéchal de Hainaut, vicomte de Gand, gouverneur et capitaine-général de notre pays et comté d'Artois, et de notre ville et bailliage de Hesdin; avec nos chers et bien amés les députés de notredit pays du comté d'Artois, révérend père en Dieu, Dom Jean Sarrazin, prélat de l'église et abbaye de

Saint-Vaast d'Arras; maître Jean de Goulatte, licencié en droits, chanoine de l'église de Notre-Dame d'Arras; François d'Oignies, chevalier, seigneur de Beaurepaire, de Beaumont, et Louis de la Planque, écuyer, seigneur de La Comté; Jacques de Pippre, licencié ès droits, échevin de notredite ville d'Arras, et Antoine Aubron, aussi licencié ès lois, conseiller provincial de notre ville de Saint-Omer; notre très-cher cousin Philippe, comte de Lalaing, gouverneur et capitaine-général et grand-bailli du comté de Hainaut, et nos chers et bien-amés les députés de notredit pays, révérend père en Dieu, Jacques Fioy, abbé de l'église et abbaye de Saint-Pierre de Hasnon; Antoine Verman, abbé de l'église et abbaye de Notre-Dame de Vicogne; Lancelot de Peyssant, seigneur de La Haye; Nicolas de Landas, chevalier, notre panetier héréditaire du Hainaut; Philippe Francan, seigneur de Bion-Chef, et Laurent Moussart, second échevin de notre ville de Mons; Louis Corbanis et Jacques de la Croix, seigneur de Caumont, du conseil de ladite ville, et messire François Gautier, licencié ès droits, premier conseiller et pensionnaire de cette ville; notre trèscher et féal Maximilien Vilain, baron de Rassenghien, gouverneur et capitainegénéral de nos villes et châtellenies de Lille, Douay, Orchies; Adrien d'Oignies, chevalier, seigneur de Willerval, et nos chers et amés les députés de nosdites villes et châtellenies, Floris van der Haer, chanoine de Saint-Pierre audit Lille; Roland de Visques, écuyer; maître Claude Miroul, licencié ès lois; Eustache, écuyer, seigneur de Jumelle, franchier et chef de l'échevinage de notredite ville, de Douay, et Philippe Broide, aussi licencié ès lois, conseiller de ladite ville et autres associés assemblés en notredite ville de Mons, seraient enfin tombés d'accord sur icelles obscurités et difficultés, etc. » L'auteur donne ensuite tout le traité et ajoute: « Ainsi se termina l'affaire la plus importante qui ait jamais occupé la province d'Artois. Il s'agissait de maintenir la religion que les novateurs cherchaient à détruire, de conserver la fidélité que l'on devait à son souverain et de mettre des bornes aux vexations de ses agents. A chaque instant on se trouvait dans des positions délicates, où il était peu facile de concilier tous les devoirs; ceux qui étaient à la tête de l'administration de la province montrèrent beaucoup de lumières, de prudence et de zèle. Après avoir marché pendant quelque temps dans des routes difficiles, ils parvinrent à la fin à dissiper les nuages épais dont ils étaient environnés et à remplir tous les objets qu'ils s'étaient proposés. Parmi ceux qui se distinguèrent dans ces temps orageux, on remarqua spécialement les magistrats d'Arras, Matthieu Moulart, évêque de cette ville, Jean Sarrazin, abbé de Saint-Vaast, Oudart de Bournonville, baron de Capres, La Motte, gouverneur de Gravelines, et Lalaing, baron de Montigny, appelé depuis marquis de Renty, à qui la province d'Artois eut des obligations infinies pour avoir empêché, avec un corps peu nombreux, les troupes du prince d'Orange de pénétrer dans ces contrées. >>

Il résulte de ce qui précède que la conduite de Hees n'a pas été examinée par nos historiens avec l'impartialité que l'on est en droit d'exiger d'eux. A lui revient en bonne partie l'honneur d'avoir consolidé la ligue des Mécontents,

Gaesbeek et Houtkercke.

Gaesbeek et Houtkercke.

et je ne puis m'empêcher de proclamer qu'à lui revient un honneur plus grand encore: celui d'avoir voulu stipuler dans ce traité même des garanties contre toute réaction.

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Le 28 juillet 1579, le baron de Licques, gouverneur de Louvain, vint avec un corps nombreux d'Italiens et d'Espagnols attaquer le fort de Willebroeck, et comme les dix compagnies écossaises qui étaient chargées de la garde du canal, avaient été appelées à Bruxelles, il s'en empara sans presque coup férir. Le bruit courut qu'Egmont et Hees, alors à Ninove, allaient se joindre aux Espagnols pour assiéger Bruxelles. Informés de ces rumeurs, ces seigneurs écrivirent au magistrat pour le rassurer et l'engager à en revenir à la Pacification de Gand. Le magistrat répondit à Philippe d'Egmont : « Qu'il comprenait bien qu'ayant reçu des Espagnols tant de vilaines tyrannies qu'on ne les saurait assez déplorer, ni venger jamais, il ne voudrait pour eux trahir Bruxelles sa patrie; que n'ayant jamais mal agi à son égard, il devait croire que quelque malentendu avait donné lieu à sa prise d'armes; que, pour l'éclairer, il allait lui envoyer des députés, espérant que de réciproques explications résulterait une complète réconciliation, à son retour à Bruxelles. >> Voici la réponse de Guillaume DE HORNES : « Messieurs, ayant entendu que les Espagnols approchent de votre ville, pour mon acquit, honneur et singulier devoir et désir que j'ai toujours eu à la conservation d'icelle, je veux encore vous faire ce mot pour la dernière fois, et vous exhorter de vouloir maintenir le traité de Gand si solennellement plusieurs fois juré par vous autres, messieurs, et vous y soumettre, afin d'obvier au malheur qui vous est imminent si vous ne prenez cette résolution. Quant à ce qu'on me reproche d'être Espagnol, je vous puis jurer et attester, en foi de gentilhomme, rien moins; mais vous autres, Vous retenez les Espagnols en pensant les chasser. Maintenez la Pacification de Gand, je vous promets comme dessus non-seulement de vous assister, mais encore de laisser la vie à votre service contre tous et envers tous, tant Espagnols que Bourguignons et autres, en conformité des États réconciliés: lesquels promettent, en cas que les Espagnols ne sortent, d'employer toutes leurs forces et même leurs villes et moyens convenables pour la sortie des susdits Espagnols. De quoi vous pouvez avoir toute assurance comme d'une chose véritable. La seule affection mienne envers vous m'a occasionné de vous faire la présente, en priant le bon Dieu, messieurs, qu'il lui plaise vous donner bon conseil et avis, et à moi le moyen de vous servir comme du passé, en repos et tranquillité, union et paix. Ninove, ce 30 juillet 1579. Votre bien bon ami à vous faire service, Guillaume DE HORNES. » - L'échevin François Hinckaert, seigneur de Lille, Henri de Bloyere et Jean Theron furent en effet envoyés à Ninove. Selon leurs instructions, ils devaient complimenter les deux comtes sur leur haine envers les Espagnols, leur démontrer que rien n'avait été innové en matière de religion et que la Pacification était en vigueur, et surtout insister sur la nécessité de s'unir. Egmont et Hees répondirent qu'il leur semblait nécessaire que le magistrat se prononçât solennellement et qu'il s'engageât à laisser les consciences libres; à ces conditions, ils promirent de

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