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Gaesbeck et Houtkercke.

de Lalaing et ceux qui avec lui étaient ordonnés ouïrent dire le mot au seigneur de Saveuse, sans plus délayer, ferirent chevaux, des éperons, et de grand courage et vaillance allèrent tout droit aux Gantois, cuidant ferir dedans iceux; mais ils trouvèrent un grand et merveilleux cavain entre eux et les Gantois, parquoi ils ne purent passer. Et messire Jacques de Lalaing, fort désireux d'aborder sur eux, lui huitième de lances, alla tout du long du cavain, et au bout d'icelui trouva un petit passage, par lequel il passa lui huitième tant seulement, et comme dit est, et si frappa dans les Gantois; desquels huit étaient Philippe DE HORNES, le seigneur de Crevecœur, le seigneur du Bos, Arnoud de Herimez, Jean d'Athies, et les deux autres étaient deux gentilshommes de l'hôtel d'icelui messire Jacques. Quand iceux huit vaillants hommes se trouvèrent dedans, ils firent tant de vaillance et d'aussi belles apertises d'armes que corps d'hommes pouvaient faire. » C'est à ce siége que Philippe DE HORNES fut fait chevalier, comme le raconte Olivier de la Marche: « Le comte d'Estampes, qui encore n'était chevalier, requit au båtard de Saint-Pol, seigneur de Hautbourdin, qu'il le fit chevalier; ce que ledit seigneur de Hautbourdin fit par moult-honorable façon. Quand le comte fut fait chercher, il fit chevaliers, de la main, Antoine, bâtard de Bourgogne, le seigneur de Moreul, Philippe DE HORNES, seigneur de Baucignies, Antoine Rolin, seigneur d'Aymeries, le seigneur du Bois, Jean, seigneur de Miraumont, Robert et Pierre de Miraumont, frères, et plusieurs autres nobles hommes; et je crois que ce jour furent faits plus de deux cents chevaliers. Si Philippe DE HORNES reçut l'accolade du comte d'Estampes, il gagna ses éperons d'or dans l'affaire que nous avons rapportée d'après George Chastellain. Depuis, le duc Philippe-le-Bon le nomma capitaine général du comté de Namur. Il était revêtu de cette charge, lorsqu'en 1465 il fut appelé par le duc au pays de Liége; il se distingua à la bataille de Montenaken, le 15 octobre de cette année. Il avait avec lui Jean de Rubempré, seigneur de Buren, et Guillaume de Saint-Soigne, seigneur de Charmaille, tous deux conseillers et chambellans du duc. George Chastellain met Philippe DE HORNES au nombre des chevaliers qui se sont le plus distingués dans cette mémorable bataille. Voici ses expressions : « Là, où hautement et en grande valeur se montrèrent Brabançons et Hainuyers avec aucuns autres de l'hôtel du duc, Bourguignons et Picards, et même de l'hôtel de l'évêque de Liége, comme le comte de Nassau, le seigneur de Blanckenheim, le seigneur de Gaesbeek, nommé messire Philippe DE HORNES, et le grand bailli de Hainaut, nommé messire Jean de Rubempré, gentil chevalier et vaillant, qui tous avaient gens de grand nom et de grand fait. Ils gardèrent l'honneur de leur vieil

prince et maître, et leur apportèrent victoire de ses ennemis, sans main y

mettre. D

En 1464, un mariage fut projeté par Jacques DE HORNES, seigneur d'Altena, et Philippe DE HORNES, seigneur de Baucignies, entre Marguerite DE HORNES, fille du premier, et Arnoud DE HORNES, fils du second. Quoique cette union n'ait pas eu lieu, nous donnons ici une partie du contrat passé à cette occasion, à cause des notions qu'il renferme : « Nous, Jacques, comte DE HORNES, seigneur d'Altena, de Cortessem, de Montigny, de Cranendonck, etc., et Philippe DE HORNES, seigneur de Baucignies, vicomte de Bergues-Saint-Winoc, etc., connaissons et confessons que nous, à l'honneur de Dieu et de sa chère mère, par mûr conseil d'anciens de nos communs parents et amis, nous traité et pourparlé avons un mariage et traité de mariage entre messire Arnoud DE HORNES, chevalier, fils issu de nous Philippe, seigneur de Gaesbeek dessusdit, et de dame Jehanne de Lannoy, d'une part, et de damoiselle Marguerite, puînée fille de nous Jacques, comte DE HORNES, et de dame Jeanne, fille de Meurs, d'autre part, pour en icelui procéder avant selon l'état et ordonnance de la Sainte-Église au prochain temps, en la forme et manière selon que ci-après s'ensuit :

Et premièrement, que nous Philippe, seigneur de Gaesbeek, promettons de donner et donnons par cette audit Arnoud notre fils, en traité de mariage, les terres et seigneuries de Baucignies, de Gaesbeek, de Hondschoot, de Hees, de Leende, de Geldorp et de Braine-le-Château, avec toutes les appartenances, pour desdites terres et seigneuries jouir par lui et par ses hoirs et successeurs après la mort de nous Philippe et nos hoirs, retenu et sauf que quand ils auront couché ensemble et que le mariage sera accompli et consommé, promettons nous, Philippe dessusdit, à notredit fils bailler une seigneurie et bannière desdits biens, sur quoi il pourra à toujours, selon sa descente et non, porter son état et hoirie, compétemment; et nous Jacques, comte DE HORNES, avons promis, promettons et donnons à ladite damoiselle Marguerite, notre fille, en traité de mariage, tout et tel droit que nous avons et pouvons avoir au château, terre et seigneurie de Gaesbeek, avec appartenances, à nous succédé par le trépas de damoiseau Jacques d'Abcoude, en son temps seigneur de Gaesbeek, notre cousin, et avec ce cinq mille florins de Rhin, de monnaye des électeurs de l'empire, une fois à payer, pour les avoir de nos mains par notredite fille et son mari à venir incontinent qu'il aura couché avec elle et que le mariage sera consommé, et ce par payement de rentes héritables que nous Jacques dessusdit avons levées et levons en West-Flandre sur diverses parties de seigneuries en la châtelle

Gaesbeek et Houtkercke.

Gaesbeek et Houtkercke.

nie de Cassel, Furnes, Bergues et ailleurs en Flandre, appelées les biens de Montigny, et par-dedans le temps de douze ans après la consommation dudit mariage; etc. »

Les fiancés n'ayant pas atteint leur dixième année, l'époque du mariage fut fixée à l'année 1474; cependant Jacques, comte DE HORNES, remit immédiatement entre les mains de Philippe DE HORNES, Seigneur de Baucignies, et de sa femme Jeanne de Lannoy, la jeune Marguerite, pour être élevée avec leurs enfants.

Sur ces entrefaites, Jeanne de Lannoy vint à mourir, et Philippe DE HORNES s'empressa de convoler avec la jeune Marguerite qui avait été destinée à son fils. Il semble que ce mariage fut contracté avec l'agrément de Marguerite et de ses parents, si l'on peut ajouter foi entière à une note écrite en marge du contrat de 1464: Il n'a tenu à messire Arnoud qu'il n'a eu ladite dame, mais à son père, à elle et à ses parents.

A la mort de Philippe-le-Bon, Philippe DE HORNES avait eu à se prononcer sur les prétentions de Jean, comte de Nevers, connu autrefois sous le nom d'Estampes. Ce seigneur l'avait fait chevalier; mais ni l'intimité, qui avait régné entre eux, ni l'estime qu'ils n'avaient cessé de se porter mutuellement, ne furent capables d'ébranler l'attachement que Philippe DE HORNES avait à la maison de Bourgogne. Nous empruntons à l'historien Barante ce qui est relatif à cette difficulté: « Dès que le duc Philippe fut mort, le comte de Nevers entreprit de faire valoir les droits qu'il pouvait prétendre comme cousin-germain du dernier duc de Brabant, mort en 1450, et conséquemment comme héritier à un degré égal avec la branche aînée de la maison de Bourgogne. Son droit et celui de son frère aîné, feu Charles de Bourgogne, comte de Nevers, n'avaient point autrefois paru fondés aux états de Brabant; délibérant sous le pouvoir du duc Philippe ils avaient reconnu que le duché devait passer en entier à la branche aînée. Les deux princes de la branche de Nevers avaient eux-mêmes acquiescé à cette sentence; c'était comme dédommagement que le duc Philippe avait donné à Jean de Nevers les seigneuries de Roye, de Péronne et de Montdidier, qu'il lui avait retirées depuis, à la suggestion de son fils le comte de Charolois. Après la guerre du bien public, le comte de Nevers avait renouvelé sa promesse de renoncer au duché de Brabant; mais ce motif ne l'arrêta point. Le roi de France le releva de la renonciation qu'il avait faite et l'envoya solennellement réclamer son héritage par-devant les états. En même temps il écrivit des lettres et envoya des messages à Bruxelles et dans les autres villes. Il y avait beaucoup de partisans; la bourgeoisie lui était favorable : elle avait vu par expérience combien il est préjudiciable aux libertés d'un

pays d'avoir un seigneur qui tire sa puissance des autres domaines qu'il pos- Gaesbeek et Houtkercke. sède. Les bonnes villes qui autrefois avaient su défendre leurs priviléges

contre les ducs de Brabant, les avaient vus succomber sous le grand pouvoir du duc de Bourgogne, comte de Flandre, d'Artois, de Hainaut, et seigneur de tant d'autres États. Elles pensaient que le comte de Nevers, appelé par les hommes du pays, et tenant d'eux toute sa force et sa richesse, ne pourrait avoir des volontés si absolues.

« Au contraire, la noblesse et les gens de guerre étaient tout dévoués au duc de Bourgogne, dont ils attendaient leur avancement et l'augmentation de leur fortune. « Quoi! disait Philippe DE HORNES, sire de Gaesbeek, nous avons un noble et vertueux prince qui vient de la plus illustre racine du monde, le fils de ce bon duc que nous avons tous servi depuis notre jeunesse, à qui nous devons ce que nous sommes; ne serions-nous pas bien insensés et maudits de Dieu de ne pas lui porter honneur et amour? laisserons-nous donc la clarté du ciel pour aller vivre dans l'obscurité d'une caverne? Nous méritons déjà reproche de tant tarder et délibérer là-dessus. Si les villes et les vilains sont d'une autre opinion, il saura bien les remettre dans le devoir, et nous l'aiderons à faire repentir le peuple de Brabant d'une amère folie. Pour parler comme au jeu d'échecs, il n'y a ni roi ni roc qui les puissent garder de la justice de leur naturel seigneur. Tous les gentilshommes et chevaliers applaudissaient grandement à de pareils discours. Néanmoins les conseillers du duc, tout en les encourageant, conduisaient cette affaire avec grande prudence. » — George Chastellain, qui vivait à cette époque, confirme ceci de point en point dans sa Chronique des ducs de Bourgogne; il parle, à la page 415, de Philippe DE HORNES en ces termes : « Philippe DE HORNES, celui que l'on appelle seigneur de Gaesbeek, un grand baron; » et il ajoute même quelques lignes qui donnent une idée plus nette de la puissance de ce seigneur : « Ledit sire de Gaesbeek et le seigneur de Bergues, un autre grand et puissant baron, se prononcèrent en ce sens, et ils furent appuyés par toute la chevalerie du pays, qui était grande, et par les gens du conseil du duc qui allaient et venaient entre deux : c'étaient monseigneur le chancelier, maître Antoine Haneron, prévôt de Saint-Donat, l'archidiacre d'Avallon, messire Guillaume de Bische, et plusieurs autres. Les seigneurs de Bergues et de Gaesbeek vinrent devers le duc aussi de jour à autre avec aucuns autres députés de par les états pour mettre d'accord. Et tellement fut fait et appointé, que le duc se tint pour content des états et eux de lui. »

Philippe DE HORNES, dévoué à la maison de Bourgogne et à Charles-leTéméraire, qui s'efforçait d'en consolider la puissance, partageait les vues

Gaesbeck et Houtkercke.

politiques de ce prince à l'égard des relations du pays avec l'Allemagne, et, comme lui, il souhaitait ardemment de voir une alliance entre Marie de Bourgogne et Maximilien d'Autriche. J'ai exposé ce point d'histoire dans mon Histoire des Lettres, tome 1, page 17, en ces termes : « Charles-le-Téméraire songeait dès lors à la politique qui devait se garder dans le choix du mari de sa fille. La main de Marie était sollicitée par le dauphin de France, Nicolas de Calabre, Philibert de Savoye et Maximilien d'Autriche; celui-ci était le prince à qui Charles donnait la préférence. Fils de Frédéric III, roi des Romains, il faisait espérer qu'il hériterait de sa capacité politique et qu'il suivrait son système d'alliance' contre la puissance croissante de la monarchie de France. Loin d'ajouter foi aux écrivains, même nationaux, qui tous déplorent le mariage de Marie et de Maximilien, nous soutenons au contraire, que, de tous les prétendants de Marie, ce prince autrichien était le seul qui convint à la princesse et au pays; ce fut en effet lui qui sentit, le premier, combien il importait au Belge, tant sous le rapport de la politique que dans l'intérêt du commerce, de s'unir étroitement aux peuples germaniques. A la mort de Charles-le-Téméraire, les princes renouvelèrent leurs prétentions à la main de Marie. Louis XI qui, à la tête de troupes envahissantes, parlait au nom de son fils, réunissait bien des chances en sa faveur; mais les frères de Clèves observaient attentivement toutes les menées et veillaient aux intérêts de leur famille. La cour de Bourgogne était très-divisée à cet égard, et Louis savait profiter de ces divisions. Dans l'incertitude de pouvoir procurer à son fils l'immense héritage de Marie, il fit semblant de ne pas le convoiter, et donna à l'illustre historien de Comines la mission de promettre à ses partisans de partager entre eux les provinces belgiques; il excita, d'un autre côté, par ses agents secrets, le peuple au désordre. »

Au milieu du désordre, Philippe DE HORNES et le seigneur de Gruuthuuse reçurent avec solennité, en 1477, à Bruges, les ambassadeurs envoyés par Frédéric III auprès de la cour de Bourgogne afin de régler définitivement les conditions du mariage de la princesse Marie avec son fils: ces envoyés étaient Jean de Bade, archevêque de Trèves, George de Bade, évêque de Metz, Louis, duc de Bavière, et le chancelier de l'empire. Le mariage fut bientôt conclu.

L'homme qui avait avoué hautement des principes contraires aux exigences des communes turbulentes du Brabant devait s'attirer leur haine. Aussi faillit-il être du nombre des victimes du mouvement insurrectionnel qui éclata à Bruxelles en mars de l'année 1477. A cette occasion, son parent Henri de Perwez, capitaine de la ville, se conduisit d'une manière si sage et si pru

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