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parents, amis et adhérents, et des trois états de nosdits pays, avons passé, accepté, conclu et accordé, et par ces présentes passons, acceptons, concluons et accordons le traité de paix, union et concorde fait et conclu entre nosdits parents, amis et adhérents d'autre, selon les points et articles, et par la forme et manière qui ci-après est exprimée et déclarée. »

Après avoir stipulé tant en faveur de la famille de la Marck que de la sienne, et aussi à l'avantage de la principauté de Liége, l'évêque Jean DE HORNES promit d'observer ces stipulations dans les termes suivants : « Toutes quelles choses, ainsi et par la manière que ci-dessus est exprimé et déclaré, nous Jean DE HORNES, élu-confirmé, dessus nommé, avons promis de garder, fournir et accomplir, de point en point, inviolablement, sans jamais faire, dire ou aller encontre, directement ou indirectement, et par ces présentes le promettons et avons en convent, sur les peines et abandons, tels que ledit traité de paix et appointement le contiennent, en nous soumettant à la juridiction, correction et contrainte de très-révérend père en Dieu l'archevêque de Cologne, notre père et métropolitain. Et quant à ce, renonçons à tous priviléges, franchises, libertés, exemptions, statuts, ordonnances et exceptions quelconques de droit canon et civil, qui nous pourraient aider et patrociner, en venant, faisant ou allant à l'encontre et au préjudice de cette notre obligation, promesse et soumission, et au droit disant générale réconciliation ni valoir si la spéciale ne précède. En témoignage desquelles choses nous avons fait mettre et appendu notre scel armorié de nos armes à ces présentes lettres. »

Déjà Jean DE HORNES avait reçu de la cour de Rome ses bulles de confirmation, qui lui avaient été expédiées le 30 janvier 1484. Il s'empressa en suite, le 15 octobre, de demander l'investiture de l'empereur. Le 22 du même mois il prit possession du siége épiscopal par procuration. Ce fut seulement le 7 novembre de la même année qu'il fit son entrée solennelle à Liége, le soir, à la lueur de torches, avec une brillante escorte et accompagné de Guillaume et d'Éverard de la Marck, de Vincent de Meurs, son oncle, de Jacques DE HORNES, et de Frédéric, seigneur de Montigny, ses frères.

A la porte de Saint-Léonard, il accorda la grâce à une troupe de criminels qui l'attendaient sur son passage. Les bourgmestres vinrent au-devant de lui et le requirent, conformément à l'ancien usage, de prêter le même serment que ses prédécesseurs, avant de mettre le pied dans la cité. Le serment prêté, ils ordonnèrent d'ouvrir les portes, passèrent les premiers et introduisirent l'évêque. Le prince convoqua le peuple au palais le 9 janvier 1485. Dans cette assemblée, il représenta que, conformément à la paix de Tongres, à laquelle le peuple était intervenu, il était urgent, dans l'intérêt du salut public, de mettre un terme aux divisions domestiques qui avaient affligé tout le pays, et il le conjurait de concourir avec lui à l'œuvre de la paix. Le peuple applaudit tant dans l'assemblée qu'au dehors.

Les événements, qui ne tardèrent point à surgir, doivent faire douter de la sincérité des manifestations faites à Tongres. L'histoire rapporte que l'abbé de Saint-Trond invita un jour l'évêque de Liége et Guillaume de la Marck à

un festin. Les frères de l'évêque, Jacques, comte de Hornes, et Frédéric, seigneur de Montigny, s'y rendirent aussi. Le dîner fut gai: quand il fut fini, Frédéric et Jacques DE HORNES voulurent partir pour Louvain, et l'évêque s'offrit de les accompagner à une certaine distance de Saint-Trond. La Marck voulut être de la partie. Dès qu'ils furent sortis de la ville, Montigny le défia à la course; la Marck accepta le défi et gagna si bien le terrain qu'en un instant il disparut. Tout à coup il se vit entouré de soldats. Frédéric survint, déclara à la Marck qu'il était son prisonnier, et le conduisit à Maestricht, où il fut jugé et exécuté en vingt-quatre heures.

Cette arrestation et les moyens que l'on avait employés pour y parvenir ont été sévèrement examinés par les historiens. Les partisans de la Marck n'ont pas manqué de reprocher au prélat de s'y être mêlé, quand même Frédéric de Montigny aurait exhibé des ordres de l'empereur, comme le rapportent quelques historiens. Mais on ne peut perdre de vue les temps dans lesquels cet événement a eu lieu. L'histoire du moyen âge offre une série de faits semblables, perpétrés avec une égale indifférence et avec tout autant de cruauté. Le manifeste publié par l'évêque Jean DE HORNES en réponse aux récriminations injurieuses de la famille de la Marck, s'il ne justifie pas entièrement le prélat, fait du moins connaître l'homme qui venait d'être immolé au salut des habitants de la principauté de Liége. Lorsque Louis XI, toujours en hostilité avec la maison de Bourgogne, désespérait d'émeuter les Liégeois contre l'évêque Louis de Bourbon, ne s'était-il point adressé à ce même Sanglier des Ardennes, qui, pour provoquer le prélat, assassina son vicaire sous ses propres yeux? Plus tard, lorsqu'après la mort de Charles-le-Téméraire, sa fille Marie de Bourgogne renonça aux droits exorbitants que son père s'était arrogés sur la principauté de Liége, l'ami de Louis XI, l'allié de la France, l'auteur des émeutes incessantes contre la maison de Bourgogne, le même la Marck ne vint-il point au devant de Louis de Bourbon, et sautant de son cheval dès qu'il l'eut aperçu, n'alla-t-il point embrasser ses pieds en lui demandant pardon? et, reçu dans les bonnes grâces de l'évêque, rétabli dans ses anciennes fonctions, promu même à de nouvelles charges, comme de capitaine de sa garde, de mambour de l'église de Liége, de gouverneur de Logne et de Franchimont, ce même la Marck n'était-il point venu provoquer au combat l'évêque dont il avait eu tant de bienfaits et qu'il trahissait? et le prélat, déjà blessé, ne l'a-t-il pas achevé de sa propre main ? Telle était l'époque de Jean DE HORNES; tels étaient en général les hommes avec lesquels ce prince était obligé de vivre. Loin de nous, cependant, l'idée de vouloir justifier un événement par un fait similaire; mais on doit certes convenir, avec Jean DE HORNES, que l'archiduc Maximilien pouvait voir en Guillaume de la Marck un conspirateur ligué avec les villes de Flandre, comme la maison de Hornes reconnaissait en ce seigneur un ennemi jaloux de sa puissance. D'ailleurs, le système féodal, qui donnait aux familles nobles des droits qui doivent nous paraître absurdes, existait encore; elles pouvaient se faire justice. La lutte engagée entre Hornes et la Marck n'était pas exclusivement politique. Dès

lors, dans le choix des moyens, on pouvait, à la rigueur, être tenu moins par des sentiments de délicatesse que par la volonté de jouir de la plénitude de ses droits sans entraves.

Dès que la fin déplorable de Guillaume de la Marck fut répandue, ses parents se réunirent et se disposèrent à venger l'offense qui venait d'être faite à toute leur famille. Peu de temps après, on vit arriver Ghys de Canne à la tête de 1,500 cavaliers allemands qu'il amenait au secours de Robert de la Marck. Il se présenta à Liége, harangua le peuple et parvint par ses paroles à se concilier sa confiance et à s'assurer de son dévouement. Il devint même maître absolu à Liége, portant de là ses ravages dans les contrées qui ne lui étaient pas soumises, et entre autres dans le comté de Hornes. De son côté, Robert de la Marck, assisté de son frère Éverard, ravagea Maestricht et les environs.

Jean DE HORNES, qui voyait sa puissance ébranlée, s'empressa de s'adresser à l'archiduc comme au protecteur suprême de l'église de Liége. Ce prince ne laissa point désirer son intervention: la cause de la famille de Hornes était devenue la sienne. Le chapitre de Saint-Lambert, sans vouloir se mêler à la querelle des deux familles, également honorables et puissantes, accepta les propositions de Maximilien. Une transaction fut signée de part et d'autre à Maestricht, le 17 septembre 1485; et à l'effet de mettre l'évêque à même de retourner dignement dans sa ville épiscopale, Maximilien ordonna, malgré la difficulté du temps, aux conseillers de ses domaines, de lui compter la somme de douze mille livres, pour sûreté de laquelle la ville de Huy devait être remise à l'archiduc. Voici l'acte :

<«< Maximilien et Philippe, par la grâce de Dieu, archiduc d'Autriche, etc., à nos amés et féaux les commis sur le fait de nos domaines et finances, salut et dilection. Nous voulons et vous mandons que par notre amé et féal conseiller et argentier, Hugues de Mont, et des deniers de la recette, vous faites bailler et délivrer à révérend père en Dieu, notre très-cher et amé cousin, l'évêque de Liége, duc de Bouillon et comte de Looz, ou à son commandement pour lui, la somme de douze mille livres, du prix de quarante gros de notre monnaie de Flandre la livre, en prêt qu'à sa très-instante prière et requête lui en faisons présentement, pour convertir et employer en aucunes urgentes et nécessaires affaires, et contre la remise de présente lettre de recette, de notredit cousin, l'évêque de Liége, de ladite somme de douze mille livres, par laquelle lettre il s'obligera, lui, ses pays, terres, seigneuries et sujets, de nous rendre ladite somme endéans six mois à partir de ce jour. Et avec ce, promettra, pour notre plus grande sûreté, de mettre dès maintenant en nos mains la ville et château de Huy, appartenants à lui et à son église de Liége, sans jamais les reprendre ni quereller, jusqu'à ce qu'il nous aura dûment et à une fois remboursé d'icelle somme, et promettra aussi de à ce faire consentir le chapitre de ladite église, et de sur ce nous bailler leurs lettres-patentes en bonne forme. Nous voulons ladite somme de douze mille livres de prêt en monnaie que dessus, être passée et allouée ès comptes et rabatue de la recette dudit Hugues de Mont, notre argentier, par nos amés et féaux, les gens de nos comptes à Lille, auxquels

mandons qu'aussi le fassent sans difficulté, car ainsi nous plait-il, nonobstant quelques ordonnances, restrictions, mandements ou défenses à ce contraires. Donné en notre ville d'Anvers le 7 octobre 1485. » A côté de l'archiduc, a signé Baudouin de Lannoy, seigneur de Molembaix.

Mais Ghys de Canne, qui régnait à Liége, refusa de se soumettre enhardi par ses succès, il croyait que sa puissance ne devait avoir ni bornes ni terme. Sa conduite, tout autant que l'influence de la maison de Hornes sur une bonne partie des habitants de Liége, en hâta la fin. Le mécontentement éclata à l'occasion de la construction d'une tour que Ghys faisait élever à la porte de SainteWalburge. Le peuple alla détruire les ouvrages, et dans la mêlée Ghys de Canne fat tué ses satellites se dispersèrent aussitôt.

Le prince revint à Liége le 10 mai 1486. Depuis son élévation au siége épiscopal de Liége, il portait les insignes de l'église et de l'épiscopat, bien qu'il n'eût point reçu le caractère sacré de la prêtrise. Les circonstances l'y déterminèrent, et le jour de St-Lambert de l'année 1486, il célébra sa première messe dans sa métropole. Il fut assisté de son père, qui s'était fait moine de l'ordre de Saint-François, et de son cousin le comte de Solms: l'un chanta l'Évangile et l'autre l'Épitre. Les principaux dignitaires de l'évêché y furent présents, ainsi que ses proches parents.

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Ce n'était pas seulement la guerre civile qui désolait la ville et le pays de Liége; un fléau non moins redoutable, et qui en est la suite ordinaire, déchirait son sein c'était l'anarchie. Les anciennes lois du pays avaient été enlevées par le duc Charles, et l'on ne s'était pas empressé de les réclamer, parce qu'on sentait la nécessité d'en faire une réforme. Le chapitre, la noblesse, les jurés, les conseillers et les métiers nommèrent les hommes les plus notables et les plus instruits pour revoir et examiner les anciens priviléges, franchises, libertés, coutumes, paix, édits, etc. Le nouveau code, approuvé et confirmé par l'évêque DE HORNES le 28 avril 1487, fut appelé la paix ou ordonnance de Saint-Jacques, du nom de l'abbaye où les conférences avaient été tenues. Cependant les comtes de la Marck, qui tenaient le château de Franchimont, ravageaient tous les cantons voisins. L'évêque prit le parti de les attaquer et sortit de Liége, le 14 juillet 1487, à la tête des milices liégeoises et de quelques troupes auxiliaires. On battit la forteresse avec tant de fureur pendant plus de quatre semaines, du 14 juillet au 9 août, qu'elle n'était plus qu'un monceau de cendres, et elle était sur le point de se rendre, quand les la Marck, arrivés de France avec des troupes fraîches, supérieures d'ailleurs en nombre à celles de l'évêque, forcèrent ce dernier à se retirer.

Tous les maux auxquels le pays de Liége avait été livré, pendant ces querelles domestiques, avaient favorisé les vues des Français, qui ne cherchaient que les moyens d'engager les Liégeois à renoncer à leur parti; et c'est dans cette intention qu'ils avaient employé la ruse et l'intrigue pour gagner les chefs du peuple, qui s'étaient laissé assez aisément entraîner par leurs artifices. On voulut donc connaitre le vœu de la nation, et l'on convoqua le peuple, le 23 novembre, pour l'inviter à déclarer son intention à l'égard de la neutralité que déjà, par

délibération du mois d'octobre 1477, les états avaient résolu de garder envers les Autrichiens et les Français. Le vote fut unanime: tout le peuple, c'est-à-dire le tiers-état, déclara qu'il voulait la paix, en d'autres termes, qu'il adhérait à la neutralité, et l'on pria instamment le clergé et la noblesse de ne point départir de ce système. Le peuple même y mettait un si grand prix, qu'il voulait qu'on établit une enquête pour connaître ceux qui, par leurs menées sourdes, cherchaient à troubler la tranquillité publique.

Nonobstant, soit que les la Marck eussent gagné les chefs du peuple, soit par un effet de l'inconstance si naturelle à la multitude, le peuple témoigna bientôt son aversion pour le gouvernement de Jean DE HORNES, qui se retira à Maestricht et nomma administrateurs par interim Jacques DE HORNES, son frère, Raes de Waroux et Tilman Valdoréal. Le peuple n'en fut que plus mécontent et il criait qu'au lieu d'un maître on lui en avait donné trois. Everard de la Marck, avec ses deux fils, vint, à la tête d'une troupe de cinq à six cents hommes, devant la porte d'Amercœur que les transfuges, qui avaient passé l'Ourthe, leur ouvrirent. Il était soutenu par le roi de France Charles VIII, qui prit la ville et le pays de Liége sous son patronage. Aussitôt qu'Éverard de la Marck fut arrivé à Liége, la faction qui l'avait appelé leva la tête et se jeta dans le palais épiscopal qu'elle livra au pillage; dans sa rage aveugle et féroce, elle se rua sans distinction sur les personnes qui lui étaient odieuses et sur leurs propriétés. D'autre part, Jacques de Croy renouvela ses prétentions à l'évêché de Liége et s'empara des revenus épiscopaux.

Après avoir épuisé les moyens de conciliation, l'évêque endossa la cuirasse et se mit de nouveau à la tête de sa petite armée. Robert de la Marck assiégea SaintTrond, où le prélat s'était rendu. Les habitants, animés par sa présence et son exemple, soutinrent courageusement l'attaque les femmes même voulurent partager cette gloire; elles ramassaient des pierres dans les rues et les portaient sur les murs; elles jetaient sur les assiégeants, qui se trouvaient pris comme dans un piége, des cercles de bois tout enflammés, entourés de chanvre et enduits de poix. Les assiégeants avaient déjà donné un assaut et se préparaient à en livrer un second, lorsque, ayant appris qu'Albert de Saxe venait au secours de la place à la tête d'une forte armée, ils se hâtèrent de regagner la ville de Liége.

L'évêque, secondé par Albert de Saxe, marcha de succès en succès: il prit Arschot, Tirlemont et le château de Coelmont, qu'il rasa. Il fut arrêté dans le cours de ses conquêtes par la nouvelle qu'il apprit dans ce moment, que le roi des Romains, Albert de Saxe et Éverard de la Marck avaient conclu une paix dans laquelle il n'était pas compris, sous prétexte que les affaires de Liége devaient, en raison de leur nature, être soumises à un congrès particulier. Néanmoins, l'évêque ne se découragea pas; il fit même une tentative pour surprendre la ville de Liége déjà il était au pied des remparts, déjà ses gens avaient gagné le haut des murs, au moyen de cordes et d'échelles, lorsque, par un pur effet du hasard, Robert de la Marck, qui se promenait dans les environs, les apercevant au clair de la lune, jeta l'alarme.

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