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dans toutes les communions chrétiennes, reconnaissant qu'il avait eu tort de revenir à Rome, puisqu'il était aussi sûr de son salut à Londres;

2° Que chacun pouvait obtenir le pardon de ses péchés, en suivant la doctrine de Scot ou l'opinion de Thomas, sans l'observance des rites 1;

3o Que les pénitences salutaires qu'on lui avait enjointes, ne servaient qu'à lui ruiner l'esprit et le corps;

4o D'avoir entretenu une correspondance secrète avec les Anglais hérétiques, malgré les défenses de la sainte-inquisition, et cherché tous les moyens de parler à des voyageurs luthériens;

5° Quand on lui demandait pourquoi il ne tenait pas sa promesse d'écrire contre les hérétiques et de rétracter ses anciens écrits, d'avoir répondu que le SaintEsprit l'avait assisté beaucoup plus en Angleterre qu'en Italie;

6o D'avoir dit à un capucin qu'il n'y avait jamais eu dans Rome foi ni vérité, et que les hérétiques avaient parfaitement raison de nommer cette ville fournaise d'iniquité, abîme de tout mal, asile de trahison 2.

7° De n'avoir pas satisfait au devoir de la confession, disant que si un pape l'avait trahi, à plus forte raison un confesseur le trahirait;

8o D'avoir brisé des images de saints, et même un crucifix, et d'en avoir jeté les débris dans un lieu peu honorable;

Peut-être que les théologiens comprendront.

2 Ce ne sont pas les hérétiques seuls qui tiennent ce langage. Voyez le sonnet du chanoine Pétrarque

Fontana di dolore...

Les deux sonnets précédents ne sont pas moins forts; aussi ont-ils été mis à l'index.

9o D'avoir souvent maudit ceux qui l'avaient engagé dans les ordres, et ceux qui l'avaient induit à quitter l'Angleterre ;

10° D'avoir dit qu'il espérait voir un jour la terre de promission; et, quand on lui demanda ce qu'il entendait par là, d'avoir répondu la terre où la parole de Dieu a plus d'autorité que la parole des hommes.

Ajoutez des jurements, des blasphèmes, des transports de colère plus dignes d'un Turc que d'un chrétien, mille actes de mépris contre Dieu, les saints et le pape, jusqu'à dire que Rome ne visait qu'à tromper les fidèles.

Sur tous ces chefs d'accusation, il fut soumis à un interrogatoire très-serré. Mais il opposa une adresse au moins égale à toutes les roueries des ministres du saint-office. Adresse bien inutile, car le pape, pour des motifs personnels peut-être, et les cardinaux inquisiteurs, parce que le nom même de Dominis leur était insupportable, avaient résolu d'en finir une bonne fois, et de se tirer cette épine du pied.

Quelques-uns pourtant, ayant encore dans l'âme un peu de compassion, concluaient à la prison perpétuelle, par le motif que, dans le second procès, la culpabilité n'était point démontrée; et, quant au premier, la grâce avait été donnée au prix de la pénitence salutaire. Ils disaient qu'il vaut mieux : de misericordia reddere rationem quam de crudelitate.

Les autres trouvaient qu'on avait assez de preuves de ses hérésies pour le faire mourir. Un exemple était indispensable. La miséricorde n'est point de mise. envers un individu qui rebute sa pénitence, et nourrit dans son âme des pensers criminels. Lui laisser la vie, c'est le damner, car on ne lui arrachera jamais du cœur les semences hérétiques que le diable y a jetées; lui enlever la vie par la corde ou par le feu c'est le

moyen d'éveiller une étincelle de contrition avec l'aide des religieux qui ont la mission d'accompagner les patients au supplice. En se défaisant de lui, le saint. tribunal se débarrasse d'un souci; puis on enlève aux hérétiques l'espérance de le voir retomber dans leur fange.

Cependant comme le consistoire tenait fortement à pouvoir opposer à l'apostat Dominis le Dominis repentant, les cardinaux consentirent à faire un dernier effort pour le résoudre à exercer sa plume contre les protestants ou au moins à démentir cette kyrielle de méchancetés qu'il avait débitées contre Rome.

Muni des instructions de la sacrée congrégation, un' commissaire du saint-office se transporte à la prison, et ayant fait comparoir Dominis en sa présence, il lui représente que la sainte-inquisition avait de justes motifs de colère contre lui, non-seulement pour les faits constants au procès et tant de vieux griefs, mais surtout pour son obstination à ne pas vouloir écrire contre les hérétiques. Personne n'oserait condamner une extrême sévérité; néanmoins les illustrissimes cardinaux du saint-office aimaient mieux pécher par miséricorde, pourvu que, de son côté, il voulût répondre à la bonté de ses juges, en tenant la promesse qu'il avait faite. Il ajouta que c'était le seul moyen d'amener les cardinaux à merci : ils jugeraient par là que le zèle de la religion n'était pas tout à fait éteint dans son cœur.

Malgré toutes les câlineries de son langage, malgré toutes ses protestations de sympathie, le commissaire ne put rien gagner sur l'opiniâtreté de Dominis les verroux et les grilles ne donnent pas de l'esprit, disait le malheureux. L'idée seule de me voir dans la geôle me met martel en tête. Ensuite, le sacré collége devrait me défendre d'écrire, car les hérétiques ne manqueront

pas de regarder mes réponses comme extorquées par la violence. D'ailleurs, c'est assez d'avoir été dupe une fois.

Le suppôt de l'inquisition, plus scandalisé que satisfait, alla rendre compte de sa déconvenue.

Dans la séance du consistoire qui suivit, l'évêque de Mileto dit qu'il ne voyait pas pourquoi l'on se donnait tant de peine pour obtenir d'un homme au désespoir quelques gouttes d'encre; qu'il y avait partout, et à Rome plus qu'ailleurs, des écrivains à revendre, et que rien n'empêchait de prendre le nom de Dominis. Ce serait un triomphe pour les hérétiques de voir que toute la force de l'Eglise romaine échoue contre la puissance de leurs erreurs, et il proposa de livrer au feu un incorrigible apostat.

Cette motion entraîna les suffrages. Il fut décidé, en présence du souverain pontife, que l'on mettrait la dernière main à la sentence, sans même entendre la défense de l'accusé.

Le cardinal Ludovisio, soit par un reste de compassion, soit par politique, parla longuement pour mitiger la sévérité du tribunal. Il supplia les cardinaux d'avoir quelques égards pour la réputation de son oncle, qui s'était donné tant de peines afin d'amener l'apostat à résipiscence en lui promettant sa grâce plénière moyennant pénitence. Le monde, ne voyant pas de quel nouveau crime Dominis s'est rendu coupable, accusera la mémoire du pape qui aura ménagé une aussi odieuse trahison.

Pendant toutes ces fluctuations, le bruit se répandit soudain que Dominis était frappé d'une maladie fort grave. La nouvelle suivit immédiatement qu'il était mort... d'une fièvre naturelle, répandaient les suppôts du saint-office; de poison, murmurait toute la ville.

Les uns disaient que le saint-office, ayant résolu la mort, et voulant que l'exécution fût un spectacle public pour l'édification des fidèles et l'effroi des impies, avait craint que, dans le trajet de la geôle au bûcher, il ne parlât contre la religion romaine, comme l'avaient déjà fait d'autres victimes du même tribunal; et que l'on avait trouvé ce moyen d'éviter un scandale dangereux.

D'autres insinuaient que le cardinal Ludovisio, n'ayant pu obtenir la prison perpétuelle, avait voulu au moins lui épargner les tourments et la honte du supplice.

D'autres versions circulaient encore; mais le poison était au fond de toutes. Ce qui confirma l'opinion, c'est que, le lendemain, le tribunal suprême de l'inquisition, dans une séance extraordinaire, condamna le cadavre à être brûlé publiquement avec toutes les mêmes cérémonies que lors du supplice de l'effigie. La sentence fut exécutée le 21 décembre 1624, dans l'église de la Minerve, et tous les prédicateurs reçurent l'ordre d'accuser la mémoire de la victime. Le P. Olmo en fit l'objet de ses sermons pendant toute la durée du carême.

Naturellement une fin aussi triste excitait la compassion de tout le monde; on était pourtant fâché contre lui, d'abord, pour les erreurs de sa conduite et de sa foi, mais surtout pour sa sottise de s'être livré sans défense et d'avoir cru que Pierre n'avait plus son glaive.

Limborch donne quelques détails sur les derniers jours de Dominis. Quand les médecins lui eurent appris la gravité de sa maladie et les craintes que leur inspiraient la saison et son grand âge (66 ans), il abjura devant le cardinal de Crémone et les autres officiers de l'inquisition toutes les hérésies qu'il avait avouées; il donna des marques d'une sincère repentance; et, ayant reçu les sacrements, il envoya remercier le pape de sa détention, qui lui avait fourni l'occasion de penser à son

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