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un scrupule inquiet tout ce qui pourrait un jour altérer et souiller nos annales, parce qu'il ne peut laisser calomnier ni les rois dont il dévoile les égaremens, ni les cours dont il peint la dissolution, ni la politique dont il accuse les combinaisons fausses et perverses, ni le cœur humain dont il n'a que trop souvent à retracer les fureurs.

reinc.

La reine mourut quinze mois après la dau- Mort de la phine. Il est aisé de juger combien elle avait ressenti les coups dont la mort venait de frapper sa famille. Délaissée sur le trône, ses plus précieuses consolations lui venaient de son fils et surtout de sa belle - fille. Elle en recevait aussi de son père Stanislas. Les bénédictions dont ce prince bienfaisant était comblé à Lunéville, à Nancy, faisaient à Versailles la joie de sa fille pieuse. Il lui écrivait avec autant d'exactitude que de tendresse, et de loin il était encore son guide, son soutien. Marie Leczinska et les Lorrains perdirent leur père le 23 février 1766. Ce qui rendait encore leurs regrets plus déchirans, c'était la nature de l'accident qui l'avait fait périr. Comme il était seul dans sa chambre, endormi sur un fauteuil, le feu atteignit le pan de sa robe de chambre; ses cris furent entendus trop tard; il était près d'étouf

fer lorsqu'on entra: ses plaies ne purent être guéries. La maladie de la reine se déclara au commencement de l'année 1768; elle ressemblait à la plupart de celles qui sont causées par de par de longs et de cuisans chagrins. On ne remarquait point un dérangément sensible dans les organes de la reine; mais les facultés de son ame s'arrêtaient : on eût dit un sommeil prolongé et trèsinquiet. Ses douleurs devinrent plus vives à l'approche de ses derniers momens. Elle mourut le 25 juin. Soit que Louis fùt moins préparé à cette mort qu'à celle de son fils, soit que les torts qu'il avait eus envers sa compagne excitassent en lui un repentir momentané, il montra la plus vive émotion en recevant ce nouveau coup. Il entra éperdu dans la chambre où la reine venait d'expirer; il embrassa ses restes inanimés; il voulut que le médecin lui racontât ses derniers mots, sans lui rien dissimuler de l'horreur de son agonie. Ce médecin (Lassone), en lui faisant ce récit, fut si troublé, qu'il s'évanouit. Louis le reçut dans ses bras, et le porta dans un fauteuil. Pendant plusieurs jours il pleura la reine environné de ses filles, et parut s'absorber dans ses pensées funèbres.

Le réveil fut honteux. Louis venait d'é

puiser ce qui lui restait encore de sensibilité. Dès que les ministres de ses plaisirs eurent entrevu qu'il voulait être consolé, ils le rejetèrent dans les voluptés. Le Parc-aux-Cerfs se rouvrit; on chercha partout ce qui pouvait réveiller les sens d'un débauché presque sexagénaire. La mort de la reine semblait n'avoir plus produit sur lui d'autre effet que d'alléger ses scrupules en lui sauvant le péché de l'adultère. Il se livra plus que jamais à l'intempérance, penchant qu'il avait manifesté dès ses premiers désordres, et le seul

que madame de Pompadour se fût efforcée de contenir. Comme si ce n'était pas assez de deux vices pour perfectionner son égoïsme, il se livra à un genre d'avarice qui semble impossible dans un monarque. Il laissa le désordre s'accroître dans les finances publiques, et eut recours aux moyens les plus sordides pour grossir ses honteuses épargnes. Ainsi furent rompus sans retour ces liens d'affection qui l'avaient attaché à une nation aimante. Il se rendit étranger à son peuple, comme un homme desséché par le vice se rend étranger à sa famille.

Chaque année creusait davantage le gouffre du déficit que d'imprudens ministres révélèrent depuis avec trop d'éclat et ne

Finances.

purent combler. Cependant il est certain que la nation française ne fit jamais plus de pas vers la prospérité que depuis la paix humiliante de Versailles. Mais ces pas, elle les fit par sa propre direction; et comme le gouvernement semblait plus souvent l'embarrasser que la seconder dans sa marche, elle se plaignait plus de lui quand elle commençait à s'enrichir, que lorsqu'elle éprouvait une gêne cruelle. La fortune publique ne correspondait point avec l'amélio ration des fortunes privées. Les ressources de l'État s'accroissaient, mais dans une proportion moins forte que les charges, dont des fautes antérieures et des fautes récentes augmentaient le fardeau.

La guerre de sept ans avait ajouté plus de trente-quatre millions de rentes annuelles à la dette publique. Le duc de Choiseul, que l'alliance avec l'Autriche et l'Espagne ras surait sur les craintes d'une guerre continentale, avait beaucoup diminué les forces et les dépenses de l'armée (a). Mais il ordonna

(a) Par une ordonnance du 10 décembre 1761, le roi réduisit son infanterie à dix-neuf régimens de quatre bataillons, vingt-deux de deux bataillons, et six d'un bataillon. Les régimens portaient des noms

peu

de grands travaux dans les ports pour réparer graduellement les pertes de notre marine. Quelque porté qu'il fût aux idées de magnificence, il n'eut point, d'une manière ruineuse, l'ostentation des monumens. On peut même reprocher au gouvernement d'alors d'avoir abandonné avec un trop prompt découragement des travaux nécessaires. Les fonctions publiques coûtaient à l'État ; et comme la plupart des principaux offices étaient achetés, ils offraient une ressource dont le fisc abusait à chaque moment de détresse. Les villes décorées de grands établissemens, et surtout les villes maritimes, dès que le commerce était rouvert, pourvoyaient avec ordre, et quelquefois avec un noble luxe à leurs besoins municipaux. Les d'État pays faisaient surtout admirer la vigilance de leur administration. Le clergé jouissait de ses magnifiques dotations et de ses dixmes. La noblesse, depuis que les trésors de la finance lui étaient apportés par d'utiles mariages, était plus opulente qu'elle ne l'avait été peut

de provinces. L'engagement était fixé à huit années. Tous les régimens étaient vêtus de blancs. Cette ordonnance, dont il est superflu de rappeler toutes les dispositions, paraissait conçue dans le but d'avoir de jeunes officiers et de vieux soldats.

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