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roi, qui lui promit tous les soins d'un père. Il lui donna la surintendance de l'éducation de ses enfans.

le peuple

Regrets que

donne.

La mort du dauphin fut pour un coup aussi accablant que si elle eût été la nation lui imprévue. Pendant sa maladie on avait vu le même concours dans les églises, la même ferveur de prières, enfin la même effusion de sentimens qui avaient eu lieu, lorsqu'en 1744 on tremblait pour les jours de son père. Au premier bruit de sa mort, on s'assembla pour le pleurer autour de la statue de Henri IV, et depuis ce temps le peuple ne manqua point de venir confier ses peines et ses plaintes à l'image d'un roi si chéri. Les obsèques du dauphin furent célébrées dans toute l'étendue du royaume avec la douleur la plus sincère. Il avait désiré être enterré à Sens; on y conduisit son corps, et un mausolée lui fut élevé dans la cathédrale de cette ville. Son cœur fut porté à Saint-Denis. Ce n'était point comme un prince pieux que le dauphin, était générale ment regretté; la plus grande partie de la nation, en respectant son zèle, avait toujours craint son asservissement à des moines dangereux : mais on espérait que son règne rétablirait l'ordre, l'économie, les bonnes

mœurs, et préviendrait une grande catastrophe (a).

Plusieurs mois s'écoulèrent sans qu'on osât attribuer au crime la mort du dauphin. La capitale l'avait vu languir pendant près de trois ans; il n'était pas aisé de persua der que le poison eût miné sa constitution pendant un si long intervalle. Il y a toujours quelque chose de vague dans les louanges données à des princes dont les quahités ont été plutôt aperçues que mises à l'épreuve. Celui qu'on regrettait fut souvent désigné sous le nom de Germanicus. Les panégyristes qui établissaient ce parallèle ne croyaient pas faire entendre que les circonstances de la mort du dauphin offraient nne triste analogie avec celle d'un héros qui fut regretté de l'univers; ils auraient

(a) Beaucoup de personnes croient aujourd'hui que le dauphin eût accéléré la révolution par des efforts maladroits pour domter l'esprit de son siècle; que son penchant à des méditations mystiques et à une vague mélancolie ne lui eût laissé ni le calme ni la fermeté d'un homme d'Etat; que sa politique et sa bonte se seraient souvent combattues; enfin, qu'agissant en chef de secte, et non en maître de royaume, il eût eu le destin des rois qui échauffent les partis sans savoir les contenir.

le

La conr pa

un nouvel aspect.

même évité avec soin un tel rapprochement, s'ils avaient pu penser que bientôt on s'efforcerait d'assimiler Louis XV à Tibère, et le duc de Choiseul à Pison: mais la calomnie ne désespéra pas de faire recevoir avec têmps cette accusation monstrueuse. La dauphine, pendant la longue maladie de son époux, lui avait rendu ces soins qui ne lassent jamais le cœur des femmes. Elle rait prendre partageait sa couche ou veillait sans cesse auprès de lui; elle ne cédait à personne, ni pour un seul moment, le privilége de soulager ses souffrances ou de l'en distraire: son sang s'échauffa, sa poitrine fut affectéé đu même mal qui conduisait le prince au tombeau : elle s'en ressentit plus vivement dès qu'elle eut perdu celui auquel il lui était si doux de dévouer tous ses momens. Comme elle avait à remplir les devoirs d'une mère, elle tâchait de dissimuler sa maladie, ét en calmait la violence par le régime lë plus exact. Louis XV n'avait jamais paru plus touché du mérite de cette princesse. Depuis quelque temps il était frappé d'une mélancolie qui annonçait le besoin de faire ún effort sur lui-même. La cour remarquait lés longs entretiens qu'il avait avec la dau

phine et le retour d'affection qu'il montrait à la reine. Les princesses ses filles sortaient du rôle obscur auquel madame de Pompa dour les avait condamnées. Il les voyait avec toute la complaisance d'un père. Le Parcaux-Cerfs était fermé. Louis n'avait plus de maîtresse déclarée. On jugeait que c'était déjà beaucoup pour lui d'éviter le scandale dans les voluptés auxquelles il ne renonçait pas encore. Un sermon le faisait tomber dans une profonde rêverie. L'alarme se répandait non seulement parmi les courtisans dissolus, mais parmi les hommes d'État et les philosophes. On craignait que le règne des confesseurs ne succédât à celui des maîtresses. Une ame si faible, disait-on, ne se délivre d'un joug que pour en subir un autre. Si les scrupules de Louis XIV ont produit des effets plus funestes que ses amours adultères, à quelles inepties, à quelles mornes rigueurs Louis XV ne serait-il pas conduit par une dévotion timorée? Les jansénistes eux-mêmes s'alarmaient de ces syptômes de conversion parce qu'ils étaient convaincus que les jésuites s'empareraient du roi pécheur, et lui indiqueraient des lettres de cachet contre les adversaires de la bulle, comme les moyens

de pénitence les plus efficaces. En effet, ces moines vainement dispersés renouaient leurs intrigues. Ils avaient l'art de réunir aux prélats qui leur restaient fidèles plusieurs courtisans jaloux du duc de Choiseul. Le maréchal de Richelieu et le duc d'Aiguillon son neveu s'approchaient de cette ligue pieuse, et correspondaient avec l'archevêque de Paris et l'évêque de Verdun.

dauphine.

1767.

Tout leur espoir reposait sur le crédit de Mort de la la dauphine. Il ne paraît pas que cette princesse judicieuse se fût liée par aucune promesse à ce parti; mais on ne doutait pas que son respect pour la mémoire et les vœux de son époux ne l'y tînt constamment attachée. On cherchait à se rassurer sur sa santé. Les médecins publiaient que leurs soins l'avaient guérie, lorsqu'elle éprouva des douleurs aussi vives que celles qui avaient précédé la mort de son époux. Après six semaines desouffrances aiguës, elle mourut le 13 mars 1767. Le parti des jésuites, attéré par ce nouveau malheur, sema sourdement des soupçons qui ont été répétés et développés à mesure que le temps a rejeté ces événemens dans une sorte de lointain. On parla d'une tasse de chocolat empoisonnée qui avait été présentée à la dauphine. On osa

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