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sant aux devoirs de l'Église, elle paraissait encore chercher l'approbation des philoso phes. Son orgueil ne fut point compromis par les pleurs de la pénitence. Le jour même où elle mourut, le 15 avril 1764, elle dit à son curé qui la quittait : Attendez, M. le curé, nous nous en irons ensemble. Louis ne versa pas une larme, ne parut point rêveur, ne chercha pas la sollitude; et comme si la mort de la marquise l'af franchissait de tous les égards qu'il avait eru de voir lui montrer, il permit que son corps fût porté sur une civière, par deux do mestiques, du château de Versailles à son hôtel particulier. Il était à sa fenêtre quand les restes de la marquise passèrent. On dit qu'il prononça ces mots d'une lâche insensibilité: « La marquise 'aura aujourd'hui un mauvais temps pour son voyage. » (Le témoi gnage de plusieurs hommes de la cour a démenti cette anecdote.) Madame de Pompadour avait quarante-deux ans. Elle laissa des biens considérables, dont son frère, le marquis de Marigny, hérita : le mari qu'elle avait abandonné eût rougi de recevoir la plus légère partie de cette fortune. Les gens de lettres et les artistes la regrettèrent. Les troupes françaises, dont elle avait compro

mis la gloire, témoignèrent leur joie d'être délivrées de sa méprisable et capricieuse influence. Quand de telles femmes deviennent des instrumens de calamité, le peuple les charge d'imprécations, afin d'épargner son roi; mais le roi seul est coupable.

poisonne

ment.

La mort d'une des maîtresses de Louis XIV, Bruit d'emmademoiselle de Fontanges, et celle de deux maîtresses de Louis XV, mesdames de Vintimille et de Châteauroux, avaient été attribuées au poison. Le même bruit se reproduisit à l'occasion de la mort de la marquise de Pompadour, quoique sa maladie, lente et caractérisée, n'eût été accompagnée d'aucun symptôme violent. Ce bruit fut sourd, comme tous ceux que la calomnie croit devoir essayer avec précaution. Les jésuites furent d'abord accusés d'avoir sacrifié à leur vengeance la femme qui avait, la première, provoqué leur ruine. Les amis de ceux-ci osèrent, à leur tour, accuser le due de Choiseul d'avoir fait périr une protectrice que son ingratitude avait irritée. Il résultait de là que le fait de l'empoisonnement de cette dame semblait convenu entre deux partis opposés, et cependant il n'avait aucune espèce de vraisemblance. Les jésuites n'eussent commis qu'un crime inutile,

Mort du dauphin.

1765.

puisque leur ennemi le plus redoutable, le duc de Choiseul, restait pour consommer leur destruction. Quant à celui-ci, comment supposer qu'il eût eu la froide et imprudente scélératesse de faire donner un poison lent à une femme qui, jusqu'à ses derniers momens maîtresse du royaume, possédait tous les moyens de reconnaître et de punir l'attentat dont elle était victime?

Le dauphin, au grand regret d'un parti qui ne cessait d'exalter sa constance et sa foi, laissa le champ libre au duc de Choiseul après la mort de la marquise de Pompadour. En vain les jésuites dont il était entouré lui suggéraient des pensées politiques et des moyens d'intrigues, il revenait toujours à des méditations, des entretiens et des actes de piété. Il se taisait sur ses souffrances, mais on les devinait à l'altération progressive de ses traits. Le duc de Choiseul avait fait former à Compiègné un camp de plaisance. Toute la cour se réjouissait d'y venir déployer du luxe, de la légèreté et des grâces. Le dauphin, dont le goût pour les exercices militaires avait été trop rarement satisfait, parut sortir de sa langueur et oublia ses maux en commandant les manoeuvres. La cour vint de là s'établir à Fontainebleau.

Le dauphin y suivit son père; mais bientôt il succomba aux fatigues qu'il venait d'éprouver. Quand il n'eut plus de doute sur sa mort prochaine, la fermeté qu'il avait opposée aux progrès de ses maux devint une sérénité radieuse : il joignait à la ferveur d'un chrétien le sang-froid d'un sage. Son médecin, en lui tâtant le pouls, laissait paraître du trouble et de la crainte: «< Prenez garde, mon cher Bouillac, lui dit le prince, n'effrayons personne. » Cependant il lui fut impossible de dissimuler la certitude qu'il avait de sa fin à une épouse habituée à lire dans son ame. Il éprouvait un vif regret en pensant qu'il ne pourrait point guider ses fils à travers les dangers d'une pareille cour et d'un pareil siècle, mais les vertus, les lumières et la haute prudence de leur mère le rassuraient. Le roi n'avait pas voulu s'éloigner de Fontainebleau pendant la maladie de son fils. Il lui rendait des soins assidus, mais sa douleur se contenait avec trop de facilité pour être jugée bien déchirante. La cour passait les momens les plus mornes dans ce lieu voué aux plaisirs. Les médecins ayant annoncé que le dauphin avait à peine deux jours à vivre, chacun fit ses apprêts de départ pour prévenir la confusion et les embarras qui

naîtraient de ce triste événement. On chargeait les voitures de bagages. Le dauphin vit de sa fenêtre le mouvement qui se faisait dans les cours, et en devinant la cause : « Il faut bien mourir, dit-il, car j'impatiente trop de monde. » Ce prince expira le 20 décembre 1765, âgé de trente-six ans. Dès qu'il eut fermé les yeux, le duc de la Vauguyon vint présenter au roi le prince son élève, qui régna huit ans après sous le nom de Louis XVI. Suivant l'usage, on annonça M. le dauphin. Louis se troubla, embrassa son petit-fils avec tendresse, le considéra quelque temps en silence, et dit en soupirant; Pauvre France! un roi âgé de cinquante-cinq ans, et un dauphin âgé de onze! Cette exclamation, et d'autres mots qui lui échappèrent, ont fait supposer que de noirs pressentimens s'offraient alors à sa pensée; qu'effrayé du sourd ébranlement que recevait la monarchie, et déplorant ses propres fautes sans oser les réparer, il sentait quel funeste héritage il laisserait à son petit-fils. Il répéta encore plusieurs fois : Pauvre France! Il conduisit ensuite le jeune prince à sa mère, et la plus tendre épouse apprit son malheur par l'annonce qui lui fut faite de M. le dauphin. Elle se jeta aux pieds du

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