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des affaires étrangères. Le premier reprit ensuite ce département, et céda celui de la marine à son cousin. Il eut un désir constant de diriger les finances; mais comme il ne dé veloppait aucune habileté sur cette matière, et que d'ailleurs sa réputation de prodigalité inspirait quelque crainte au roi, il obtint seulement de faire nommer ou déplacer des contrôleurs généraux, et ceux-ci le consultaient sur les parties les plus importantes de leur administration. Il s'emparait de toutes les affaires qui regardaient la constitution de la monarchie. Lui seul traitait, soit avec le clergé, soit avec le parlement, soit avec des écrivains dont la puissance égalait déjà celle de ces deux grands corps. Il n'était aucune partie

du gouvernement sur laquelle on ne lui supposât un projet neuf et hardi. Ceux qui désiraient la stabilité de l'ordre antique, espéraient le voir affermi par la puissance d'un homme qui savait insensiblement substituer sa volonté à celle d'une femme capricieuse, et aux faibles résolutions d'un monarque indolent. Ceux qui appelaient des réformes et des changemens, démêlaient dans le duc de Choiseul un secret penchant à les favoriser. Charmé de recueillir des suffrages qui devançaient en quelque sorte ses actions, ce ministre fut moins le courtisan de son

maître que celui de l'opinion publique. Il en caressait les différens partis, et avait l'ant de se présenter comme leur arbitre. L'autorité royale reprenait par ses soins plus de lustre que de force. Ses partisans les plus déclarés étaient les seigneurs et les magistrats, dont le règne de Louis XV avait réveillé et consolidé les prétentions aristocratiques. Personne ne pouvait dire: c'est un grandhomme; chacun disait c'est un homme brillant. Pendant presque tout le cours du dix-huitième siècle, il n'y eut point en France de meilleur titre de recommandation. Quelques détails sont encore nécessaires pour faire connaître ses moyens de séduire.

Le duc de Choiseul avait une élocution facile et précise. Sa figure n'était point belle; mais l'expression en était spirituelle et altière. On le félicitait de quelque ressemblance avec le grand Condé. Son maintien, ses discours n'avaient rien de cette réserve mystérieuse par laquelle des hommes d'État annoncent pesamment leur importance. Il s'en-richissait des pensées qu'on développait.devant lui, et suppléait par ce moyen à des études profondes. Il était plus occupé de la fortune de ceux qui s'attachaient à lui, que de

la sienne propre, et prévenait chez eux la corruption par la libéralité. En épousant une des plus riches héritières du royaume, il avait joint de grands biens aux revenus de différentes places et aux dons multipliés du roi. Sa prodigalité aidait à le faire regarder comme un homme qui devait mourir au sein du pouvoir. Les vertus, la modestie et l'esprit distingué de sa femme répandaient le charme le plus pur dans l'intérieur de sa maison, et n'y laissaient jamais sentir les gênes de la grandeur. Sa sœur, la duchesse de Grammont, lui ressemblait trop par l'esprit et par le caractère pour s'assujettir aux devoirs et aux bienséances de son sexe. Le duc de Choiseul avait eu souvent à la contenir dans la vile ambition qu'elle montrait de devenir la maîtresse du roi. On présume qu'il n'osa la seconder qu'après la mort de la marquise de Pompadour. Depuis son entrée dans le ministère, il avait su réprimer son penchant à la satire. Il louait avec effusion un trait généreux, un bel ouvrage, et se hâtait d'en demander au roi, ou d'en décerner lui-même la récompense. Dans sa jeunesse il avait cédé au travers commun d'insulter à la religion; puissant, il parut la res

pecter. Lorsqu'il eut à conduire la lente abolition des jésuites, il s'observa pour ne pas laisser croire qu'on immolait ces moines à l'impiété dominante. Enfin, pour achever le portrait du duc de Choiseul, on pourrait dire que c'était le régent avec de la sobriété. Nous allons voir bientôt qu'il eut avec ce prince l'analogie d'être en butte aux soupçons les plus atroces et les plus injustes.

Le dauphin, la dauphine et la reine n'obtinrent à la cour que de froids respects. On n'osait approcher qu'avec mystère de l'héritier du trône; cependant il était toujours désigné comme le chef d'un parti. L'archevêque de Paris, le clergé moliniste et les jésuites lui soumettaient une cabale dévote qui avait d'abord inspiré la crainte, ensuite le dédain, et enfin la pitié. On ne sait si le dauphin fut entraîné à se vouer aux jésuites par une piété timide ou par un désir secret d'exercer une grande autorité. Il supportait avec peine d'être aussi nul à la cour de son faible père, qu'un autre dauphin l'avait été devant l'absolu Louis XIV. L'amour du bien public, celui du travail, l'horreur qu'inspirent le vice et la mollesse

Le dauphin.

à un jeune prince qui, grâce à des mœurs purés, conserve dessentimens généreux, enfin un vif désir d'imiter les vertus de saint Louis, avaient donné à sa jeunesse une noble activité. Mais chaque tentative qu'il avait faite pour obtenir du pouvoir ou pour balancer éelui de la marquise de Pompadour et du duc de Choiseul, avait été marquée par une disgrace. La modération qu'il avait montrée après l'attentat de Damiens, et le refus qu'il avait fait dans cette circonstance dé sacrifier le parlement aux jésuites, dont on le supposait esclave, avaient été mal appréciés par son père. C'était en vain qu'ik avait appuyé dans le conseil l'avis du cardinal de Bernis, lorsque ce ministre, effrayé de nos premiers revers dont il connaissait trop bien les causes, voulut terminer une guerre aussi folle que honteuse. Il ne put obtenir de se montrer à la tête de nos armées, lorsqu'elles fuyaient sous les Clermont et les Soubise. Il reprochait au duc de Choiseul de lui avoir fermé la carrière de l'honneur.

Pendant les débats sur les jésuites, il ne ténta qu'un seul effort en leur faveur. Il fit remettre au roi un mémoire qui expri

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