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dats tels que ceux dont Turenne, Condé, Luxembourg, Catinat et le maréchal de Saxe avaient employé si habilement la valeur et l'activité; il ne songea qu'à former des soldats dignes de se trouver aux manœuvres de Postdam. Dans son plan étroit et brusque, l'honneur semblait être mis au rang des préjugés. Le morne régime qu'il établissait semblait condamner comme des vices militaires, tout ce que les guerriers français avaient pu conserver de l'esprit de chevalerie, et surtout cette audace, cette gaieté, ce coup d'œil vif, cette fierté irritable, mais généreuse, qui forment leur brillante physionomie. Ainsi, à une époque où l'on sollicitait de toute part l'exercice de la pensée, un ministre voulait ôter, en quelque sorte, le sentiment à une classe d'hommes qui n'ont pour dédommagement de leurs travaux que les belles émotions de la gloire. Je parlerai dans le Livre suivant, avec plus de détail des opérations du comte de Saint-Germain ; il me suffit d'indiquer ici combien il dut par sa maladresse décrier l'esprit de réforme, et nuire à la révolution administrative que Turgot et Malesherbes cherchaient à diriger. La suppression que le comte de Saintaison du Germain fit de plusieurs corps de la maison militaire du roi, fut un signal d'alarme pour

Réforme do différens

corps de la

101.

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les nobles, et surtout pour ceux qui avaient à la cour le rang le plus élevé. Quelques observateurs furent frappés d'un triste pressentiment, en voyant le roi céder trop facilement aux vues d'une imprudente économie, et se priver des corps qui devaient avoir le plus entier dévouement à sa personne et à son autorité. Le moment paraissait bien mal choisi pour diminuer la splendeur du trône. On donna surtout des regrets au vaillant corps des Mousquetaires. Le gouvernement leur laissa prendre acte de son ingratitude, en leur permettant d'aller suspendre leurs drapeaux aux voûtes de l'église de Valenciennes, de cette ville dont le nom n'est point prononcé sans rappeler l'hé roïsme des Mousquetaires, et l'un des plus beaux faits d'armes qui soient inscrits dans les fastes de l'honneur français. D'autres corps qui avaient été réformés en même temps, obtinrent de n'être que réduits. On fit des exceptions pour les chefs puissans, tels que le maréchal de Soubise. On sacrifia les militaires qui étaient seulement estimés. Cette partialité, contraire aux principes rigides. que professait le comte de Saint-Germain, décela en lui de la faiblesse, sans adoucir le ressentiment de la cour.

Les mécontens entrevoyaient que le comte

La reine

Maurepas

Turgot.

de Maurepas ne tarderait pas à se rendre Sanità leur organe; mais ils étaient impatiens de Foliger trouver auprès du roi un interprète plus actif et plus véhément. Ils plaçaient leurs espérances dans une jeune reine, toute portée à défendre les intérêts d'une cour dont elle paraissait adorée. Quoique sa légèreté, et sa bonté trop facile fussent incompatibles avec les soins et les travaux qu'impose l'esprit de domination, on s'étonnait de ce qu'elle n'eût pas encore enlevé les rênes du gouvernement à un vieillard plus rusé, mais aussi futile qu'elle-même. La tendresse que le roi lui tẻmoignait, semblait chaque jour plus vive. Affligé de n'être pas doué des qualités qui séduisent le plus les Français, il se consolait en pensant que les grâces et l'affabilité de son épouse suppléaient à des soins dont il s'acquittait mal. Il l'aimait parce qu'alors elle était aimée des Français. Lorsqu'elle eut perdu leur amour, il se fit une loi de l'en dédommager. Dans le commencement de son règne, il avait pris quelques précautions pour limiter le crédit de la reine. Son père et son gouverneur lui avaient inspiré de la défiance pour l'Autriche, Il veillait à diminuer les effets dangereux des deux traités de Versailles. La prudence et le discernement du comte de Vergennes l'aidaient dans l'exécu

tion d'un projet aussi noble que judicieux. Mais quand il crut son repos et sa dignité assurés du côté de l'Autriche, par la vigilance de son ministre des affaires étrangères, il ne fut que trop porté à écouter la reine sur d'autres parties du gouvernement.

Bientôt les courtisans ne cessèrent de demander à la reine, quand la noblesse serait délivrée de réformateurs qui, suivant eux, avaient le projet de niveler toutes les conditions; quand finirait l'inconcevable alliance du roi avec les roturiers, et ces rêves de félicité publique qui troublaient le repos de chacun. Comme le péril était pressant, on conseilla à la reine de faire céder un peu sa fierté, et de se rapprocher du comte de Maurepas, dont elle avait eu souvent à se plaindre. Elle consentit à cette démarche, pour sauver la noblesse de France. Maurepas, qui n'avait plus qu'une pensée, celle d'arrêter la marche des ministres, dont les desseins et surtout la considération l'importunaient, reçut avec joie la proposition d'un rapprochement avec la reine, qui lui fut faite par le baron de Bezenval, militaire distingué, et l'un des partisans les plus déclarés du duc de Choiseul. Sans doute le ministre prévoyait que l'effet de cette intrigue politique serait de donner

Six édits rendus sous

à la reine une part dans le gouvernement, qui diminuerait beaucoup la sienne; mais à la différence du cardinal de Fleury, il était bien plus jaloux de paraître dominer, que de dominer en effet. Le roi fut enchanté quand il apprit ce rapprochement, dans lequel il voulut voir un acțe de déférence de son épouse, et qui menaçait le régime dont il avait concerté les bases avec Turgot et Malesherbes.

Telles étaient les intrigues de la cour, L'influence quand Turgot se crut assez fort pour faire de Turgot. rendre six édits, qui étaient en quelque sorte 1776. l'introduction de son systême, et qui, sans être de la plus grande importance, semblaient, par leur but et leurs dispositions, devoir engager le roi de manière à ne plus lui permettre de rétrograder. Le premier de ces édits remédiait à un abus qu'on regardait généralement comme l'un des fléaux des campagnes, et supprimait les corvées pour les grandes routes : les corvées étaient remplacées par une contribution, dont les privilégiés n'étaient point exempts. Le second et le troisième édits, étaient relatifs à l'administration particulière de la ville de Paris. L'un supprimait une police mal entendue et vexatoire, qu'on exerçait dans la capitale, sur les grains; et l'autre, de

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