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eu la fierté de le refuser pendant les dernières années de Louis XV. Le lieutenant de police, Sartine, remplaçait Turgot au ministère de la marine.

par

Entre ces divers conseillers dont le public exaltait les talens et la prudence, le monarque inexpérimenté n'en trouva que deux qui osassent lui faire sentir le danger de rappeler les parlemens: c'était Turgot et le comte du Muy. « N'est-il pas trop heureux, disait le premier, de recueillir les fruits d'une révolution qui a fait rentrer l'ordre judiciaire dans des limites avouées la raison et prescrites par le salut de la monarchie? Sans doute il est pénible de voir les magistrats nouveaux en butte au mépris de la nation. Mais faut-il renoncer à l'espoir de vaincre le dépit des membres les plus distingués des anciens parlemens? Ne peut-on, avec le temps, les rappeler à des fonctions éminentes? Pourquoi la vénalité des offices les rendrait elle seule honorables à leurs yeux? Pourquoi s'annoncer par la résurrection d'un abus lorsqu'on veut en diminuer le nombre? Si l'orgueil des particuliers s'accroît lorsqu'ils triomphent d'une longue disgrâce, combien l'orgueil des corps, après une semblable épreuve, n'est-il pas plus redoutable? Les parlemens ne croiront pas

que le roi les a relevés, mais qu'ils se sont relevés d'eux-mêmes. On aura beau restreindre leurs droits, ils n'existeront que pour les ressaisir. C'est dans les corps qu'on est ingrat sans scrupule. Les parlemens sauront bien compter sur quelques nouveaux actes de faiblesse, lorsqu'on aura eu celle de se ranger encore une fois sous leur tutelle. La nation, il est vrai, est portée aujourd'hui à craindre le despotisme; mais le roi n'a-t-il pas des moyens moins dangereux pour lui et plus salutaires pour le peuple, de montrer qu'il repousse l'autorité arbitraire? Un bon régime municipal et des administrations formées de grands propriétaires, guideront bien mieux sa justice et sa bienfaisance, que ces remontrances monotones, acariâtres, dans lesquelles, sous prétexte de retracer les souffrances du peuple, on se fait une étude de perpétuer ses préjugés.

»

ment du

Novembro

1774

Le comte de Maurepas était résolu d'ap- Rétablisse prendre à son malheureux élève à faire ré- parlement. trograder l'autorité royale. Il fit valoir dans le conseil la nécessité de satisfaire aux vœux de la nation, de ranimer le crédit, de s'annoncer comme fidèle aux lois de la monarchie, d'opposer un contrepoids soit au clergé,

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soit aux philosophes. Il disait qu'on était trop porté à s'effrayer des parlemens; que le soin de les réprimer n'était qu'un jeu pour le cardinal de Fleury; que lui-même avait su quelquefois décrier leurs arrêts les plus audacieux par un mot piquant et à l'aide de quelques chansons populaires; et qu'enfin on pouvait prendre, en les rétablissant, de telles précautions, que leur esprit d'opposition, leurs remontrances, leurs refus d'enregistrement et leurs démissions combinées ne seraient plus à craindre. Voilà les conseils que donnait à Louis XVI un ministre qui avait vu régner Louis XIV. Un fait étonnant, mais certain, c'est que le comte de Maurepas avait cru voir, dans le monarque son élève, un caractère trop absolu et trop inflexible, et qu'il se hâtait de profiter de son inexpérience pour lui ôter les moyens de régner despotiquement.

Le 12 novembre 1774, le roi tint à Paris un lit de justice, qui devait l'obliger à répéter plus d'une fois, et dans des circonstances terribles, une formalité si dangereuse. Il déclara aux princes et aux pairs qu'il avait résolu de rétablir son ancien parlement, et que le nouveau reprendrait le titre et les fonctions

de grand conseil. On fit entrer le premier de ces corps, et dans un discours dont la bienveillance paraissait pusillanime, le roi, osant à peine faire quelqu'allusion aux alarmes que le parlement avait données à son prédécesseur, annonça qu'il comptait à l'avenir sur le zèle et l'obéissance de cette compagnie. Le garde des sceaux lut plusieurs édits qui prescrivaient une nouvelle discipline pour les délibérations du corps qu'on rétablissait. L'un de ces édits rendait au parlement le droit de remontrances, ordonnait qu'il serait procédé à l'enregistrement, si le roi croyait ne devoir rien changer à ses dispositions; et permettait d'itératives remontrances après l'enregistrement. La cour des aides était également rétablie.

Le parlement ne parut pas recevoir sa réintégration comme un bienfait. Les discours de ses orateurs étaient faiblement animés par les expressions de la reconnaissance. Le roi n'y était loué que d'avoir cédé aux vœux de la nation et d'avoir respecté une des institutions fondamentales de la monarchie. Cette excessive fierté ne fit point une impression fâcheuse sur l'esprit du monar

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que. Les acclamations du peuple semblaient le payer de l'imprudent sacrifice qu'il venait de faire. La police eut peine à contenir, pendant plusieurs jours, les excès bruyans d'une milice de clercs qui devait souvent manifester sous ce règne sa dangereuse effervescence. On ne tarda pas à rétablir tous les autres parlemens.

Ainsi le gouvernement se trouvait engagé, dès ses premiers pas, dans des mesures contradictoires. Le plan d'administration que le contrôleur général avait développé au roi, était dirigé contre les classes privilégiées, et celles-ci retrouvaient dans les parlemens des organes de leurs réclamations, ou plutôt des agens actifs et redoutables d'une résistance concertée. Le parti du duc de Choiseul n'était point rompu, quoique Louis XVI eût fait connaître que jamais il ne donnerait sa confiance à cet ancien ministre. Le retour des parlemens semblait appeler celui de leur auxiliaire. Ce parti suivait maintenant une direction purement aristocratique, et devenait à la fois ennemi de la cause populaire et des principes de la philosophie, depuis que Turgot les faisait prévaloir dans le conseil du roi, Averti de ces puissans obstacles, Turgot s'imposait en vain une modé

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