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l'empire d'orient. Les amis de Catherine, qui avaient été ses complices, avaient, comme elle, et pour les mêmes raisons, un grand besoin de gloire. Elle s'occupait surtout d'un soin que ses prédécesseurs avaient négligé dans leurs opérations, ou malheureuses ou imparfaites, contre les Turcs: c'était d'appuyer le mouvement de ses armées par un armement maritime. Pendant qu'elle se livrait avec ardeur à ces préparatifs, les Turcs, rassemblés au nombre de trois cent mille hommes, menaçaient les frontières de son empire, qui n'étaient défendues que par trente mille soldats aguerris. Ceux-ci, sous la conduite du prince Gallitzin, arrêtent ce torrent, vont, en présence de forces aussi redoutables, assiéger Choczim, et, après avoir été repoussés de cette ville, conduisent leur retraite, de manière à fermer à l'armée ottomane le chemin de la Pologne. Les confédérés, quoique livrés à une perpétuelle anarchie, avaient eu cette année quelques succès, dûs à l'audace de plusieurs aventuriers brillans, et surtout à l'horreur qu'inspirait à la nation la férocité de ses oppresseurs. Ils s'approchèrent en assez grand nombre des rives du Dniester, occupées par les Russes,

et pressèrent les Turcs de passer ce fleuve.
Ceux-ci, dont l'armée était dispersée, sans
aucun ensemble, dans vingt lieux différens,
n'exécutèrent ce mouvement qu'avec len-
teur. Enfin, leur avant-garde passa sur la
rive polonaise; mais, tandis que le grand-
visir appelait à lui d'autres corps
de troupes,
il vit le pont qui venait d'être construit sur
le Dniester, menacé par une crue subite. Les
Turcs, en désordre, se hâtèrent de le re-
passer avec leurs canons et leurs bagages.
Le pont se rompit. Huit mille hommes qui
ne pouvaient plus être secourus, ne firent,
par une résistance prolongée, qu'irriter la
fureur des Russes, et presque tous furent

massacrés.

des confédé

Ce fut là l'événement le plus fatal à la Malheurs cause des confédérés Polonais. L'amour de rés Polonais. la patrie, qui leur faisait entreprendre une 1770. lutte très-inégale, ne pouvait triompher, ni de la jalousie des chefs, ni de la turbulence indisciplinée des troupes. Pulawski qui, le premier, avait donné le signal de ce mouvement patriotique, n'essuyait point d'échec sans être dénoncé comme un traître. Il succomba enfin aux manœuvres de ses rivaux, et fut arrêté. Ses trois fils prirent la résolution magnanime de prouver par leur hé→

roïsme l'innocence de leur père. Au lieu de se concerter avec ces trois patriotes, qu'aucune entreprise n'effrayait, qu'aucune injustice ne pouvait lasser, des hommes d'un plus haut rang trouvèrent glorieux de ne combattre qu'à la tête de leurs vassaux, et dans des occasions qui attachaient sur eux seuls tous les regards. La Pologne, dans sa vaine et fatale résistance au joug qui lui était préparé, offrit un perpétuel mélange de l'exaltation des républiques anciennes et de la fierté anarchique des temps féodaux. C'est ainsi qu'un comte Potoki se laissa vaincre plusieurs fois pour ne partager avec aucun chef illustre l'honneur d'une victoire. Le prince Radziwil, le plus riche seigneur de la Pologne, ne fut pas plus heureux dans ses efforts; mais la noblesse de ses sentimens fut la seule cause de sa précipitation et de son malheur. Les Russes l'avaient rappelé dans sa patrie, dont auparavant ils l'avaient fait bannir, après avoir prononcé la confiscation de ses biens. Ils s'étaient servi de lui pour rassurer sur leurs desseins les seigneurs de la Pologne; et, dupe lui-même de leurs promesses, il avait communiqué à ses amis une dangereuse sécurité. Il crut que l'honneur ne lui permet

tait

pas

de se laisser plus long-temps soupçonner d'intelligence avec des ennemis qui avaient jeté le masque de la modération. Il arma ses paysans à la hâte, laissa surprendre des troupes qu'il avait levées avec les débris de sa fortune, et eut bientôt le désespoir d'apprendre que les Russes les avaient fait entrer dans leurs rangs.

Cependant les confédérés reprirent cou> rage, en voyant arriver à eux quinze ou seize cents hommes de troupes françaises. Ils étaient sous le commandement d'un of ficier que la fortune destinait à jouer longtemps après un rôle plus éclatant, Dumouriez. L'Autriche avait accordé au duc de Choiseul le passage de ces troupes à travers ses États; mais elle en avait extrêmement limité le nombre. Les signes d'intérêt que cette puissance accordait aux confédérés de Bar, étaient si faibles, que déjà il fallait y voir ou de la timidité ou de la perfidie. Le duc de Choiseul s'apercevait sans doute de cette tiédeur de l'Autriche à défendre d'un joug étranger un Etat limitrophe; mais il croyait qu'elle n'attendait, pour agir avec plus d'énergie et de dignité, que de voir se développer dans toute leur étendue, les projets ambitieux de la Russie; il se persua

Deux entrevues de

Joseph et du

roide Prusse.

1769

et 1770.

'dait

que la vivacité de ses instances déciderait à un concours actif un allié fidèle, mais flegmatique et paresseux. Cependant cet allié, plus vigilant au moins pour ses intérêts qu'il n'affectait de l'être, ouvrait, d'abord avec la Prusse et ensuite avec la Turquie, des négociations dont il faisait un mystère à la France.

Une entrevue avait eu lieu à Neiss, entre l'empereur le roi de Prusse et Joseplr II, au mois d'août 1769. Les politiques les plus exercés à la défiance, n'y avaient vu que l'empressement d'un jeune monarque à connaître un grand homme, à surprendre de lui, dans de nobles entretiens, le secret de régner et de vaincre. L'impératrice Marie-Thérèse n'avait souscrit qu'avec regret au désir de son fils, et blâmait cette espèce d'hommage rendu à un prince enrichi et enorgueilli de ses dépouilles. On vit à cette entrevue combien la gloire avait effacé l'intervalle qui existait, au commencement du siècle, entre un empereur d'Allemagne et un électeur de Brandebourg. Frédérie, quoiqu'il montrât à Joseph une déférence ingénieuse, n'en conservait pas moins la supériorité d'un grand homme sur son admirateur. On croit que la politique eut peu de part à leurs en

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