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d'Orléans y avaient, en quelque sorte, établi la maxime héréditaire, qu'un peu d'opposition contre la cour était nécessaire à la splendeur de cette branche de la maison royale. Le duc d'Orléans trouvait cette maxime gênante pour ses plaisirs, et surtout importune à sa bonhomie; mais il s'y conformait quelquefois, comine par décence; c'est ce qu'il venait de faire en signant la protestation des princes. Il lui tardait de reprendre ses habitudes et de rouvrir son théâtre de société que les productions originales de Collé (a) avaient rendu fameux. Il reparut à la cour. Les apostrophes familières de la comtesse Dubarri le firent quelquefois rougir de sa complaisance. Le duc de Chartres, d'un esprit plus vif et d'un caractère

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(a) La plus brillante de ces productions fut la Partie de Chasse de Henri IV. Collé était célèbre par l'originalité et le tour heureux de ses chansons; quoique cet auteur se plût ordinairement à des tableaux licencieux, il n'en était pas moins, ainsi que Piron son ami, l'ennemi des philosophes. Ses mé moires ont révélé en lui une misanthropie que sa gaieté ne laissait pas soupçonner. Collé, dans sa vieillesse, vivait dans la plus grande intimité avec Fabbé de Mabli, qui était à la fois une espèce de républicain et un dévot. 9 Jan Jos

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plus impétueux, joignait à un libertinage précoce un ton de mépris pour la religion, les mœurs et l'autorité. On prenait en lui pour l'impulsion d'une ame ardente et généreuse, un penchant indéfini pour toute espèce d'innovation. Il avait mis dans son opposition plus d'emportement que les autres princes; on fut étonné de le voir solli citer son retour comme un enfant timide. Il manqua de fermeté pour des actes hono rables, et depuis il en manqua même pour des actes criminels.

Quand le chancelier eut montré la fragilité de cette ligue des princes, et qu'ik les eut tous ramenés à la cour, à l'exception du prince de Conti, il lui fut facile de faire abjurer à treize ducs et pairs une protes tation qui avait eu moins d'éclat et de publicité. Mais ce qui étonna le plus, ce fut de voir des membres du parlement de Paris descendre à des prières auprès du chancelier, , pour obtenir la levée de leur exil et le remboursement de leurs charges. Le roi en avait déjà prononcé la confiscation. A mesure que le gouvernement concut de la sécurité, il se rapprocha de la justice. Le remboursement d'un si grand nombre d'of

fices supprimés dans toute l'étendue de la France, faisait un capital de cent millions, et par conséquent augmentait de cinq millions la dette de l'État. Le contrôleur général, quoiqu'il soutînt avec beaucoup de flegme la réputation d'un financier impitoyable, fut le premier à solliciter dans le conseil un acte de modération et d'équité. On fit de la liquidation des charges la récompense des anciens membres du parlement de Paris, qui consentiraient à donner leur démission: peu d'entre eux la refusèrent. L'exil du plus grand nombre fut successivement levé. En revenant à Paris, ils eurent le chagrin d'y voir les audiences du nouveau parlement suivies, et les procès instruits avec célérité. Les avocats s'étaient d'abord ligués pour ne point paraître devant le nouveau parlement; mais l'épreuve fut trop longue pour ne pas ébranler leur résolution. Gerbier, le plus brillant des orateurs du barreau, céda D'autres l'imitèrent. Leurs talens et la célébrité nouvelle de Linguet, avocat fécond en sarcasmes, forcerent le public à s'occuper plus que jamais de discussions judiciaires. On n'en admirait pas moins le silence courageux de Target et de quelques autres qui conti

Tous les parlemens

contente

ment du

nuaient à résister aux menaces et aux offres les plus séduisantes du chancelier.

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L'archevêque de Paris triomphait de la disgrâce d'un corps contre lequel il avait soutenu tant de combats, et qui avait dispersé les jésuites. Il parlait de respect aveugle pour la volonté royale, après en avoir si souvent bravé les ordres absolus (a).

Avant la fin de l'année 1771, tous les dissous. Mé- parlemens de province furent supprimés et recomposés. Le chancelier Maupeou avait développé les plus puissantes ressources de l'intrigue pour tenir ces corps désunis. Les uns avaient cédé après d'humbles remontrances, et les autres après des protestations violentes. Mais l'exil de plusieurs magistrats considérés avait répandu dans les provinces le mécontentement le plus profond qui eût existé depuis le commencement de ce règne.

Le duc de La Vrillière se chargea de contenir les assemblées des États pendant que le chancelier réprimait l'orgueil des parle

(a) L'archevêque de Paris avait fourni au chancelier Maupeou quelques-uns de ses parens pour entrer dans le nouveau parlement, et ce fut lui qui dit la messe de la Saint-Martin, lorsque ce corps reprit ses travaux après les vagances.

mens. Le roi avait déjà bravé les clameurs des Etats de Bretagne, en confiant, au mois de mai 1771, le porte-feuille des affaires étrangères à ce duc d'Aiguillon qu'ils avaient poursuivi avec tant d'opiniâtreté. On fit passer un grand nombre de troupes dans cette province agitée. Les Etats furent me nacés d'être dissous en vingt-quatre heures, s'ils continuaient de résister aux ordres du roi.

Les Bretons cédèrent à la crainte de perdre à la fois tous leurs priviléges; mais leur indignation n'était enchaînée que momentanément. Leur silence était si farouche, qu'il pouvait se changer en une révolte ouverte. Les Etats de Languedoc et de Bourgogne avaient également pris le parti de la soumission; mais comme leur existence n'avait plus qu'une garantie très-équivoque, l'esprit de résistance fermentait dans leur sein. Les nobles avaient fait, dans quelques provinces, des protestations en faveur des magistrats. On avait vu quelques commandans refuser de porter aux parlemens les ordres sévères du roi (a). De

(a) Le duc de Duras, commandant en Bretagne, et le prince de Beauveau, commandant en Langue

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