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toute ombre de liberté politique; d'ailleurs, la reconnaissance les enchaînait au duc de Choiseul. Le peuple souffrait, et ne voyait que les parlemens sensibles à ses souffrances. Lesystême d'unité, d'indivisibilité, de classes, s'était perfectionné par dix années d'épreuve. Les Pasquier, les Saint-Fargeau, les d'Ormesson, les Joly de Fleury, si long-temps fidèles à la cour, défendaient leur compagnie menacée. »>>>

Ces motifs donnaient aux chefs de l'opposition une telle sécurité, qu'ils ne songeaient pas à disposer les moyens d'une résistance active. La grande salle du palais ne retentissait plus de ces cris forcenés qui avaient excité le délire du régicide Damiens. Les épigrammes étaient trop délicates, trop spirituelles pour déceler un vif emportement; surtout il paraissait impossible qu'à cette époque de paix, de discussions et de mollesse, il s'élevât un cardinal de Retz, un duc de Beaufort, un prince de Condé.

L'usage était de profiter du temps des vacances pour négocier avec le parlement lorsqu'il résistait à la cour. Les conseillers, et surtout les présidens, isolés à cette épo que, livrés à de doux loisirs et loin des regards d'un public qui, sous peine du mépris,

leur prescrivait un courage inflexible, étaient plus accessibles à des propositions qui ména geaient un peu leur fierté. Mais le chancelier ne leur en fit aucune ; il s'occupait en silence de la formation d'un corps qui pourrait rendre la justice au défaut du parlement. Il avait à vaincre, non seulement l'irrésolution, mais l'incrédulité du roi, qui regardait comme impossible d'habituer la nation à d'autres magistrats qu'à ceux des compa gnies souveraines. Louis feignait avec les parlemens quand le chancelier lui recommandait de feindre; il se montrait irrité quand celui-ci lui conseillait la colère. Ce pendant il faisait entendre à ce ministre, qui lui inspirait peu d'estime, que la dis+ grâce la plus humiliante suivrait une tentative infructueuse. Un travail actif et mystérieux se faisait dans les bureaux de la chancellerie. Le parlement rentra sans avoir soupçonné qu'on eût conçu le projet ou trouvé les moyens de le remplacer. Bientôt son opiniâtreté donna lieu à un nouveau lit de justice qui fut tenu à Versailles; tout Ꭹ avait été calculé pour l'accabler de l'hu miliation la plus cruelle. Le duc d'Aiguillon y siégeait parmi les pairs, et insultait, d'un air froidement dédaigneux, à ceux qui pré

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tendaient avoir comblé son déshonneur. Le chancelier lut un édit dont le préambule résumait les différens torts du parlement de Paris, et les imputait à des motifs coupables. Il fallut dévorer cet affront. Le › roi fit transcrire cet édit sur les registres du parlement, auquel il défendit de se servir des térmes séditieux d'unité, d'indivisibilité, de classes (a). Le lendemain, tous les magistrats arrivent au palais transportés de fureur; ils n'ont qu'un cri : « Suspendons notre service! Nous qui pu»nissons les crimes, on nous traite en cri» minels. La constitution du royaume est » violée. Fidèles aux lois de la monarchie, >> nous ne devons être ni les organes ni les

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jouets de volontés despotiques. » Dans le tumulte de la passion, on convient d'une mesure qui semble avoir été inspirée par le chancelier lui-même : le parlement déclare

(a) Le roi défendait en outre au parlement de Paris d'envoyer aux autres parlemens des mémoires qui ne seraient pas spécifiés par les ordonnances; de cesser le service, sinon dans les cas que ces mêmes ordonnances ont prévus; de donner leur démission en corps; de ne rendre jamais d'arrêt qui retarde les enregistremens, le tout sous peine d'être

cassé.

que ses membres, dans leur douleur profonde, n'ont point l'esprit assez libre pour décider des biens, de la vie et de l'honneur des sujets du roi. Maupeou se félicitait de voir le parlement provoquer ainsi son abolition, mais il n'osait la faire déclarer par le roi avant que la chute du duc de Choiseul eût privé les magistrats de leur appui le plus fidèle. Tous ses associés redou→ blèrent d'instances et d'intrigues pour presser cette disgrâce. On produisit au roi des preuves que la guerre maritime était imminente. Louis fut irrité de ce que le duc de Choiseul l'eût concertée avec le roi d'Espagne, sans daigner l'en prévenir luimême. L'abbé Terrai déclara qu'il serait impossible d'en faire les fonds; que la crise des finances allait devenir sans remède; qu'avec de nouveaux impôts on porterait au comble la fureur du peuple ; qu'avec des réductions de dépenses on s'aliénerait Disgrace et pour jamais une cour à demi-révoltée. Louis de Choirul voulut que son règne fût affermi au-deet de Pras- dans, dût-il être encore une fois avili audehors; et le duc de La Vrillière fut chargé de porter au duc de Choiseul celle de toutes les lettres de cachet qu'il eut encore expé

lin.

a4 décembre

1770.

diée avec le plus de joie (a). Le roi l'avait écrite en ces termes :

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» Le mécontentement que me causent >> vos services, me force à vous exiler à Chanteloup, où vous vous rendrez dans vingt-quatre heures. Je vous aurais envoyé beaucoup plus loin, sans l'estime particu» lière que j'ai pour madame la duchesse » de Choiseul, dont la santé m'est fort in»téressante. Prenez garde que votre conduite ne me force à prendre un autre parti. Sur ce je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. »>

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Le duc de Praslin reçut le même jour une lettre d'une sécheresse encore plus offensante. La voici :

« Je n'ai plus besoin de vos services, et je vous exile à Praslin, où vous vous ren» drez dans vingt-quatre heures (b).

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(a) Le duc de Choiseul, après avoir reçu la lettre de cachet, dit au duc de La Vrillière, qui lui faisait quelques vagues protestations d'intérêt et de dévouement: Je ne doute point, M. le duc, de tout le plaisir que vous avez à m'apporter une semblable nouvelle.

(6) Les départemens que la disgrâce des ducs de Choiseul et de Praslin laissait vacans, furent d'a

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