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Opérations

sans vengeance. Le maréchal de Richelieu faisait avec plus de grâce pressentir à son ancien ennemi une chute prochaine. Il vit un jour le duc de Choiseul qui, se ren dant à pied chez le roi, fut surpris dans la cour du château par une forte pluie; il vint avec empressement le mettre à couvert sous un parapluie, et lui dit en le quittant: Soyez sûr, M. le duc, de me trouver toujours dans les temps d'orage.

Déjà l'abolition des parlemens s'effectuait. lier Mau Celui de Paris avait été entraîné dans le

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piége que lui avait tendu l'astucieux chef 1770. de la magistrature. Le roi,après s'être montré fatigué de l'opiniâtre différend élevé entre le duc d'Aiguillon et les procureurs généraux du parlement de Bretagne, laissa se ranimer une affaire qu'il avait voulu étouffer par une déclaration solennelle, et feignit de vouloir satisfaire enfin aux plaintes que la Bretagne renouvelait contré son commandant. Le chancelier Maupeou avait donné au roi le conseil d'évoquer ce procès au parlement de Paris, comme cour des pairs, en annullant la procédure com→ mencée en Bretagne, Personne ne savait mieux que lui combien le parlement, fier d'avoir à juger son adversaire le plus dan

gereux, laisserait éclater de passion. Afin que le roi vît de plus près l'orgueil qui régnait dans ce corps, il le pressa d'assister aux premières séances de la cour des pairs.

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Louis fit cet effort sur sa paresse et sa Procès timidité; mais le parlement sut se con- d Aiguillon. tenir tant que Louis vint prendre part à 1770. ses délibérations. Les chefs de l'opposition montraient eux-mêmes une déférence respectueuse. Sur chaque incident, l'avis du roi était suivi d'un suffrage unanime. Commencée sous de tels auspices, la proeédure paraissait tendre à la justification du commandant de la Bretagne. Maupeou, déconcerté par une apparence pacifique qui faisait avorter ses desseins contre le parlement, engagea le roi à prendre sans nécessité un ton plus impérieux, à renoncer aux séances de la cour des pairs avec un dédain affecté, et enfin à donner des signes éclatans de faveur au duc d'Aiguillon. Le parlement s'irrita, et fit bientôt tourner contre l'accusé la liberté que l'absence du monarque rendait à ses délibérations. On reçut les dépositions de ceux qui avaient le plus signalé contre lui leur inimitié; on se plaignit de l'exil arbitraire des deux La Chalotais, on discuta les lettres de cachet, on fit trembler

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tous les conseillers d'État qui, dans cette affaire, avaient provoqué les mesures de la cour. Le roi ne pouvait arrêter ce mouvement sans tomber dans une contradiction nouvelle, en prescrivant encore une fois sur cette affaire un silence que lui-même avait rompu. La versatilité du gouvernement avait été si souvent attestée, que le public cessait de s'en étonner et le roi d'en rougir. Un lit de justice fut tenu peu de temps après la fatale fête du mariage, et lorsque la capitale gémissait à la fois d'une banqueroute partielle et d'une espèce de disette. Le roi révoqua les lettres-patentes par lesquelles il avait renvoyé le procès du duc d'Aiguillon à la cour des pairs, et défendit au parlement de s'en occuper. On avait voulu irriter le parlement, mais non l'effrayer au point de lui faire perdre toute idée de désobéissance : il désobéit. La protection que le duc d'Aiguillon recevait de la cour fut regardée comme une preuve de ses crimes. La procé-dure n'était pas assez avancée pour qu'on pût. prononcer sa condamnation: on se crut en droit de prononcer son déshonneur. Par un arrêt du 4 juillet, le duc d'Aiguillon fut déclaré prévenu de faits qui entachaient son' honneur, et suspendu des fonctions de la

pairie jusqu'à son jugement. Quand le parlement rendait des arrêts qu'il était sûr de voir annullés le lendemain par le conseil d'État, il se hâtait d'en faire imprimer des milliers d'exemplaires. Paris, et bientôt toute la France, répétaient : le duc d'Aiguillon est entaché, au moment où ce seigneur jouissait de l'intimité du roi. Le chancelier, qui ne voulait terminer ce combat que par l'abolition du systême entier de l'ordre judiciaire, n'employa point toutes les forces de l'autorité royale pour répondre au défi le plus audacieux qu'on lui eût encore porté. Il se contenta de répéter une défense si souvent violée, et de faire arracher du greffe du parlement toute la procédure de l'affaire de Bretagne. Oubliant toute dignité, le roi se mit à la tête de l'expédition qui vint procéder à cet enlèvement. De si faibles mesures persuadèrent aux magistrats que la cour n'oserait pas même renouveler contre eux les exils, les suspensions momentanées dont ils étaient accoutumés à se jouer. Le duc de Choiseul les animait secrètement à poursuivre leur ennemi commun, le duc d'Aiguillon.

Situation du parti par

Les chefs de l'opposition parlementaire s'animaient entre eux par des considérations lementaire. spécieuses. Ils disaient : « Que le roi n'était

jamais sorti vainqueur des différentes luttes qu'on lui avait fait soutenir contre l'opi nion publique et contre les corps qui en sont les organes les plus épurés et les plus imposans. Qui pouvait lui inspirer, dans celle-ci, plus de vigueur et de constance? Une courtisane abjecte dirigerait-elle ses conseils avec plus de fermeté que les Fleury, les d'Argenson? Le complaisant de cette favorite, le chancelier Maupeou, magistrat sans dignité et sans talent, opéreraitil ce que d'Aguesseau et Lamoignon avaient jugé impossible et surtout condamnable? C'était la première fois qu'on voyait le roi abandonné et même bravé par les princes de sa maison. Tous, à l'exception du comte de La Marche, se rangeaient du parti du parlement. Dans d'autres occasions, la plupart des pairs s'étaient dévoués aux intérêts de la cour; maintenant il n'en était pas un seul qui ne s'indignât de siéger à côté du duc d'Aiguillon entaché. Des seigneurs aussi distingués par leurs lumières que par la noblesse de leurs sentimens, faisaient de la cause du parlement la cause de l'honneur. Les écrivains, les philosophes, comprenaient qu'aucun de leurs vœux ne pouvait se réaliser, si la nation perdait

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