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ner à la cour le signal de la défection. Elle alla dans les provinces exhaler ses fureurs contre son heureuse et indigne rivale. Le roi méditait souvent de faire expier au duc de Choiseul les outrages qu'il recevait d'une femme emportée; mais le mariage du dauphin avec une fille de Marie-Thérèse soutint pendant quelque temps ce ministre contre la colère de son maître.

dauphin.

1770.

Quand le duc de Choiseul vit Louis XV Mariage du se plaire chaque jour davantage dans ses chaînes honteuses, il perdit l'espérance de l'engager à un second mariage, et crut son crédit aussi bien assuré par l'union du dauphin avec l'une des filles de Marie-Thé rèse. Le lien politique le plus étroit avait précédé cette alliance. S'il avait été funeste à l'époque où il fut formé, il devenait favorable aux desseins que le duc de Choiseul avait conçus pour sauver le nord de l'Europe de l'ambition de la Russie. La nation ne pouvait qu'applaudir à un mariage qui en resserrerait les nœuds. Le duc de Choiseul n'ignorait pas que le dauphin avait reçu de sinistres impressions sur la mort de son père, et que si ses instituteurs avaient eu trop d'équité pour l'attribuer au poison, ils avaient au moins fait connaître au jeune prince les

chagrins amers auxquels le premier dauphin avait succombé.

Une jeune princesse, habituée à entendre prononcer avec affection le nom du duc de Choiseul à la cour de sa mère, pouvait devenir l'égide de ce ministre contre ses ennemis les plus dangereux. Il se hâta de négocier une alliance si précieuse pour l'Etat et pour lui-même, avant que les Dubarri eussent porté leur influence jusque sur les combinaisons politiques. L'archiduchesse MarieAntoinette annonçait les qualités les plus propres à lui mériter l'amour du jeune prince, du roi, et de tous les Français. Ses traits, assez réguliers, avaient de l'expression, et surtout celle de la dignité; son teint était d'une blancheur éblouissante. Son maintien avait autant de majesté que de grâce. On jugeait que l'âge ajouterait encore à sa beauté : elle n'avait pas encore quatorze ans. Marie-Thérèse, qui la chérissait de prédilection entre toutes ses filles, l'avait comme élevée pour occuper le trône de France, et avait développé en elle les moyens et le désir de plaire. Cette reine, qui avait trouvé son bonheur et même sa gloire dans ses sentimens d'épouse et de mère, se pressait elle-même de déposer l'étiquette dès

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qu'elle rentrait dans sa famille. Les jeux de
ses filles l'amusaient. Elle ne leur imposait
jamais le
genre de contrainte qui détruit la

gaieté.

occasion.

Le mariage du dauphin fut annoncé au Fêtes à cette public dans le moment où l'on éprouvait la satiété du scandale. Quoiqu'on n'osât plus espérer que faiblement un retour du roi aux penchans nobles et réservés de sa jeunesse, on supposa qu'il verrait avec une tendre complaisance le couple auguste qui allait faire briller autour de lui le bonheur le plus pur, et qu'un tableau d'innocence le ramenerait par degrés au dégoût du vice et de la bassesse. On s'entretenait des fêtes qui devaient avoir lieu. La galanterie pouvait reparaître dans une cour d'où la licence l'avait chassée. Malheureusement, le peuple éprouvait alors des souffrances qui condamnaient la profusion à laquelle on allait se livrer. Depuis l'année 1768, le prix du pain avait beaucoup augmenté. Les économistes et leurs adversaires se reprochaient réciproquement cette apparence de disette. Voilà, disaient les uns, le fruit d'un funeste systême de liberté d'exportation. Voilà, disaient les autres, l'effet de mille gênes qu'on

apporte à cette liberté, et des terreurs qu'on répand tantôt avec imprudence et tantôt avec perfidie. La disette, en effet, s'était accrue par des alarmes exagérées. On avait écrit, parlé, consulté, multiplié des assemblées de magistrats et de notables, pour arrêter un mal qu'on n'étouffe jamais mieux que par le silence.

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Les opérations financières de l'abbé Terrai, dont je parlerai plus bas, excitaient d'autres murmures; ils devinrent plus vifs lorsqu'on entendit parler des dépenses excessives pour les fêtes projetées, et qu'on prétendait devoir s'élever à vingt millions. L'abbé Terrai avait en vain voulu les modérer (a). Louis XV, sans gloire, avili jusque dans sa cour, résolut de surpasser la magnificence des fêtes que Louis XIV, adoré de son peuple et redouté de l'Europe, donnait au retour des campagnes où Turenne,

(a) Après le bal magnifique qui fut donné à Versailles au dauphin et à la dauphine, le roi dans l'ivresse, demanda à l'abbé Terrai comment il avait trouvé les fêtes : Ah! situ, impayables! répondit le contrôleur général. Ce bon mot le réconcilia avec ceux qui souffraient de sek

. mesures.

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Condé, Luxembourg, avaient porté si loin l'honneur de ses armes..

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Plusieurs signes de faveur furent donnés au négociateur de ce mariage. Il fut présenté le premier des ministres à la princesse que le roi et le, dauphin étaient venus recevoir à Compiègne. On s'arrêta quelques jours dans ce château. La pompe du cortège de la dauphine avait commencé dès son arrivée à Strasbourg. Son entrée à Paris eut le plus grand éclat. Elle soupa au château de la Muette avec le roi et le dauphin. La comtesse: Dubarri fut admise à cet auguste banquet. On fut indigné de cette profanation d'une scène de famille. Deux jours après, le dauphin et la dauphine reçurent la bénédiction nuptiale dans la chapelle du roi. Les fêtes commencèrent à Versailles et à Paris. Des difficultés d'étiquette qu'on porta dans des bals, un défaut marqué de précaution, des détails négligés qui détruisaient des effets magiques, et l'aspect importun d'une foule de mendians qui erraient autour du château, ôtèrent l'apparence d'une grandeur véritable à ces fêtes dispendieuses. Un malheur causé par une coupable imprévoyance fit de la dernière de ces fêtes une scène de désola

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