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français pour chefs et pour libérateurs. Des mémoires écrits par ordre du duc de Choiseul indiquent qu'il n'était pas sans espoir de procurer à la France un salaire précieux des secours qu'elle prêterait à la Porte ottomane. Ses vues se portaient jusqu'à obtenir une cession de l'Egypte, sur laquelle la Turquie ne conservait plus qu'une suzeraineté illusoire. Enfin, cette diversion, quel qu'en fût le succès, offrait une chance favorable à la Pologne, et le duc de Choiseul attachait son honneur à sauver cette république.

Ce ministre était obligé de cacher à son maître le vaste plan par lequel il es→ pérait assurer l'indépendance des mers. Louis XV frémissait à l'idée d'être engagé dans une troisième guerre maritime. Les instructions pusillanimes que, dans sa jeunesse, il avait reçues à cet égard du cardinal de Fleury, n'étaient que trop confirmées dans son esprit par deux expériences malheureuses; mais du moins il semblait animé de quelque zèle pour confondre les desseins de la plus dangereuse puissance du Nord il prenait à la Pologne un intérêt que, par une bizarre précaution, il cachait à son ministre. Le prince de Conti et le comte de Broglie satisfaisaient sa curiosité

sur ce sujet, et entretenaient ses espérances. Le premier avait toujours eu les yeux fixés sur une couronne à laquelle son brillant aïeul avait été inutilement appelé. Le comte de Broglie, nommé ambassadeur en Pologne en 1754, crut, à l'aide du temps et des intrigues les plus compliquées, pouvoir réa→ liser les vœux du prince de Conti, et Louis XV devint le confident de l'un et de l'autre ; mais il exigea que cette correspondance fût ignorée de ses ministres et la cacha même à la marquise de Pompadour. Après la mort de cette favo, rite, il en fit également mystère au duc de Choiseul. L'histoire de la diplomatie n'a rien de plus énigmatique ni de plus puéril que cette correspondance. Le comte de Broglie la fit continuer par des agens sans mission, lorsqu'il eut quitté la Pologne. Quoique Louis XV et son ministre marchassent vers un même but, ils prenaient toujours des voies opposées. Les Polonais les plus dévoués à la France étaient trompés par des promesses contradictoires, et leur anarchie s'ac croissait par la frivole anarchie du cabinet de France. Cependant les confédérés de Bar, souvent vaincus par les Russes et jamais dispersés, habiles à tenter des surprises, se seryant des excès même de leurs vainqueurs

pour animer la haine du peuple et pour entraîner des grands trop indécis, crurent le succès de leur ligue assuré, lorsque la Porte ottomane osa déclarer la guerre à la Russie, et mit en mouvement ses armées. Un corps de troupes françaises allait bientôt traverser l'Autriche pour soutenir les confédérés de Bar. L'Autriche, si intimement unie avec la France, donnait, en accordant ce passage et en animant elle-même les Polonais, un gage spécieux de sa sincérité. La Suède pourrait profiter de ce mouvement pour se soustraire à l'influence chaque jour plus tyrannique de la Russie. Le roi de Prusse, quoiqu'il se tînt impénétrable, ne pouvait prendre qu'un parti conforme à sa gloire.A qui l'agrandissement de la Russie devait-il être plus importun?C'était ainsi que le duc de Choiseul croyait intéresser plusieurs puissances du Nord à la délivrance de la Pologne, pendant qu'il forcerait les deux branches principales de la maison de Bourbon à délivrer les colonies anglaises du joug de leur métropole. Deux peuples soulevés, l'un dans l'ancien et l'autre dans le Nouveau-Monde, lui offraient les moyens de prévenir les progrès de la Russie et d'arrêter enfin ceux de l'Angleterre. Voilà ce qu'il devait opposer aux in

trigues de ses rivaux et à la défiance de son maître. Les charges nouvelles qu'il aurait à imposer à la France, l'effrayaient peu. Les parlemens, avec lesquels il avait plus que jamais resserré son alliance, et qu'il soutenait contre ses propres ennemis, ne l'arrêteraient pas dans des projets glorieux. Mille querelles seraient étouffées par l'élan patriotique qu'il allait rendre aux Français. Une honteuse révolution qui se fit à la cour de France renversa les desseins du duc de Choiseul, livra la Pologne à ses oppresseurs, fit différer pendant huit ans la vengeance que les marines française et espagnole avaient à tirer de l'Angleterre, et entraîna les parlemens dans la chute du ministre leur protecteur. Un étrange effet de cette révolution fut de raffermir en apparence l'autorité du roi, mais en le livrant au mépris et à la haine de son peuple. Je présenterai ce tableau dans le Livre suivant.

FIN DU LIVRE DOUZIÈME.

LIVRE TREIZIÈME.

RÈGNE DE LOUIS XV.

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DE

E nouveaux Guise se sont emparés » de l'autorité souveraine, disaient les en→ » nemis des ducs de Choiseul et de Praslin : Intrigues

contre le due de Choi

seul.

>> Louis XV est dominé dans son âge avancé » comme Francois II l'était dans son ado- 1769. »lescence; la constitution de l'État s'altère, » tous les corps usurpent sur le monarque, » et les corps, à leur tour, sont en butte » aux outrages des séditieux. » Ce n'étaient point seulement des hommes de cour qui tenaient ce langage; des évêques et quelques magistrats portaient encore plus loin leurs alarmes les uns attaquaient dans le destructeur des jésuites un fauteur de l'irréligion, les autres se plaignaient de ce que leurs efforts étaient méconnus ou trahis par un ministre du roi, lorsqu'ils essayaient de défendre au parlement les droits de la cou→ ronne. Mais parmi ceux qui se liguaient contre le duc de Choiseul, nul ne se croyait assez puissant pour forcer un roi presque sexagé

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