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de la Russie.

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Un homme qui portait dans son républicanisme un enthousiasme chevaleresque, le maréchal de la diète, Mokranouski, avait depuis long-temps formé le projet de délivrer sa patrie de la domination étrangère. Il se flattait d'avoir engagé dans cette cause la France et l'Autriche. Froidement accueilli par le roi de Prusse, il ne désespérait pas de se faire entendre un peu plus tard d'un roi si vigilant. Ses négociations secrètes avaient eu plus de succès auprès de la Turquie. Cette puissance avait autrefois donné un exemple de sagesse et de générosité, en imposant au czar Pierre Ier, par une des conditions du traité de Pruth, si pénible à l'orgueil de ce héros, l'engagement de ne plus intervenir dans les affaires de la république de Pologne. Quoiqu'elle eût souffert plus d'une violation de cet article du traité, les alarmes que lui causait la Russie étaient trop pressantes pour ne pas l'arracher à son inaction. Malheureusement pour les projets de Mokranouski, les plus nobles familles de la Pologne étaient tellement divisées par de vieilles haines et par des querelles récentes, que, d'accord sur le but, elles ne pouvaient s'entendre sur l'exécution. Les

Czartorinski, furieux d'avoir été joués par Catherine, brûlaient de se venger, mais ils voulaient conduire seuls un mouvement qui leur paraissait demander autant d'efforts de prudence que de courage. Les Radziwill leur disputaient cet honneur, et les Potoki le réclamaient de leur côté. Enfin, dans cette bizarre et tumultueuse aristocratie, tout homme opulent avait un parti, excepté le roi, dont chacun méprisait les inutiles gémissemens. Mokranouski, désespéré du peu d'accord de ses concitoyens, partit bientôt pour aller implorer les secours de la France.

tion de Bar.

L'évêque de Kaminieck se chargea de Confédéra venger l'évêque de Cracovie; il concerta un 1768. mouvement avec Pulauski, patriote plus distingué par l'énergie de son zèle que par sa naissance et ses talens militaires. Une république sujette à tant de troubles offrait un grand nombre de ces hommes dont il est plus aisé d'exciter que de contenir l'audace; capables de s'enthousiasmer pour un but généreux, mais non de s'en tenir, pour y atteindre, aux seules voies que l'honneur indique. Enfin le parti qui se forma ressemblait à ces armées que la Pologne opposait à la hâte à ses ennemis, et qui auraient porté

au loin la gloire de cette république, si la discipline y eût égalé la valeur. Les patriotes, trop faibles encore pour attaquer les Russes dans la capitale, s'emparèrent de Cracovie et de la forteresse de Bar. Ce fut là qu'ils scellèrent leur confédération. Mais dès le premier moment, ils affaiblirent l'intérêt qu'elle devait exciter, en signalant comme partisans des Russes des nobles qui n'osaient, encore se déclarer, et en dévastant leurs possessions sous un faux prétexte de vengeance.

Les représailles de la Russie furent cruelles. L'impératrice Catherine, avant d'envoyer des renforts à une armée qui avait à soute→ nir un choc si redoutable, déchaîna sur la malheureuse Pologne des tribus féroces, bien plus à craindre que des armées. Les Cosaques, et un peuple entier de brigands étrangers à toutes les lois, nommés les Zaporoves, inondèrent l'Ukraine de sang, et prouvèrent qu'ils étaient les instrumens des Russes en égorgeant sans distinction d'âge ni de sexe tout ce qui n'était pas de la religion grecque. Le nombre des victimes fut évalué à plus de cinquante mille. On ne voyait dans l'Ukraine que des villes et des villages brûlés. L'impératrice Catherine n'avait pas prévu, sans doute, que les

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Politique dn

seul.

Zaporoves porteraient si loin leurs excès, Elle y mit un terme en faisant entrer des troupes russes dans cette province dévastée. L'Ukraine reçut comme des libérateurs ceux qui avaient lancé sur elle un si terrible fléau, Depuis long-temps le duc de Choiseul avait les yeux ouverts sur les desseins de la Russie. Quoique la révolution qui coûta le trône et la vie à Pierre III, eût d'abord servi les intérêts politiques de la France, Louis XV due de Chuine pouvait s'empêcher de montrer de l'horreur pour cette catastrophe, Son ministre avait fait d'inutiles efforts pour obtenir sur la cour de Pétersbourg l'ascendant qu'il croyait avoir sur celle de Vienne. L'impératrice Catherine l'inquiétait à la fois par ses liaisons avec l'Angleterre, par la perfidie de ses manoeuvres en Pologne, et enfin par l'orgueil indiscret avec lequel elle annonçait le projet de repousser les Turcs dans l'Asie. Le duc de Choiseul voulait empêcher la Russie de joindre ses forces navales à celles de l'Angleterre dans le mouvement qu'il allait tenter contre cette puissance; sauver le commerce du Levant, si précieux pour l'activité de nos ports et de nos manufactures, et prouver que la France, malgré ses derniers revers, ne laissait point tomber la balance de l'Europe. Pour par

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venir à ce but sans envoyer au loin de puissantes armées, il croyait suffisant d'exciter la jalousie et l'orgueil de l'Autriche, de joindre quelques milliers d'auxiliaires aux Polonais qui brûlaient de combattre pour leur indépendance, et d'engager la Porte ottomane à prévenir les coups qui allaient lui être portés. Il ne se dissimulait pas que les Turcs, frappés de terreur depuis les victoires de Munnich, et toujours indisciplinés, laissaient peu espérer de succès contre les Russes, dont les armées venaient de remporter des succès glorieux sur celles du plus habile capitaine de l'Europe. Le comte de Vergennes, ambassadeur de France à Constantinople, lui avait fait un tableau fidèle de l'incapacité militaire du sultan Mustapha, de l'apathie de ses ministres, et du désordré qui régnait dans des levées tumultueuses. J'armerai avait-il écrit au duc de Choiseul, les Turcs contre la Russie aussitôt qu'il vous conviendra, mais je vous préviens qu'ils seront battus. Loin d'être découragé par ce pronostic, le ministre français se flattait que les Turcs étudieraient les causes de leurs revers, chercheraient à s'instruire dans la tactique européenne, et accepteraient des officiers

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