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Etat des colonies fran

Expédition de la Guya

ne.

les relations de la France avec ses colonies et avec les nations étrangères.

Le duc de Choiseul cherchait à consoler çaises. les Français de la perte du Canada et de la cession de la Louisiane. On avait joui, en imagination, de la prospérité à laquelle de1764. vaient s'élever ces deux vastes contrées; mais leur possession n'avait cessé d'être onéreuse. Saint-Domingue, la Martinique et la Guadeloupe suffisaient pour dédommager de sacrifices plus pénibles à l'orgueil du gouvernement qu'à ses intérêts. Un excellent régime colonial faisait fleurir ces îles, dont les habitans se plaisaient à resserrer leurs liens avec la métropole. Le duc de Choiseul n'eut besoin, pour ranimer leur industrie que de réparer avec activité la marine qui devait les protéger. Lui et le duc de Praslin furent heureux dans le choix des administrateurs qu'ils leur envoyèrent. Parmi eux on distingua surtout d'Enneri (a), homme

(a) D'Enneri commandait à la Martinique, Nolivos à la Guadeloupe, le comte d'Estaing à SaintDomingue. Il y eut dans cette dernière colonie quelques légers troubles au sujet de la milice qu'on voulait y introduire, mais, en général, on peut féliciter les ministres de Louis XV, et surtout les I ducs de Choiseul et de Praslin, d'avoir établi pour les colonies une administration ferme et judicieuse.

si habile, si judicieux et si juste, que les Anglais le proposaient pour modèle aux gouverneurs de leurs îles. Mais le duc de Choiseul voulut frapper l'imagination par un établissement nouveau ; il y mit du faste et de la précipitation. Les suites de sa légèreté furent désastreuses. On se souvint, après la paix de 1763, qu'on possédait dans le Nouveau-Monde une partie de la contrée inculte qu'on appelle Guyane. Les armateurs français qui l'avaient visitée, effrayés de l'insalubrité de ce climat, n'avaient fait aucune tentative pour y fonder des habitations; ils s'étaient bornés à cultiver l'île de Cayenne. Leurs travaux et leurs dépenses n'y avaient obtenu qu'un succès médiocre. Le duc de Choiseul jeta les yeux sur ce malheureux pays, et crut qu'on pouvait, en peu de temps, le mettre en état de rivaliser avec les sages et puissans établissemens des Anglais dans l'Amérique septentrionale. On imita, moins par cupidité que par orgueil, l'expédition que Law, dans son ivresse, avait ordonnée pour un pays bien plus favorisé de la nature. Toutes les fautes qui avaient été commises en 1719 furent fidèlement copiées. Le ministre, et les hommes qui l'avaient séduit par un tableau mensonger, n'admirent

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aucune précaution lorsqu'il s'agissait d'abattre, sous la zone torride, les plus vieilles forêts du monde, de domter des tribus sauvages, et de prévenir la malveillance des Hollandais et des Portugais. Ils voulurent que la colonie nouvelle, qu'ils décoraient du nom de France équinoxiale, parût s'élever par enchantement. De bons cultivateurs de l'Alsace furent arrachés, par des promesses trompeuses, à cette fertile province. On les fit embarquer, avec leurs familles, sur des bâtimens auxquels on n'avait pas donné les vivres suffisans pour une longue traversée. Ces malheureux, en descendant sur les bords du Kourou dans l'horrible saison des pluies, n'avaient déjà plus assez de force pour se construire des cabanes ni pour se procurer des alimens; ils demandèrent en vain qu'on les laissât reprendre des forces dans l'île de Cayenne, ils n'obtinrent pas même pour refuge un lieu dont les navigateurs craignent l'insalubrité. Jamais on ne vit une destruction plus prompte ni plus déplorable. Quand le chevalier Turgot, qui avait présenté ce fatal projet, partit pour prendre soin de la nouvelle colonie et pour réparer, s'il en était encore temps, les effets de l'imprévoyance et de l'inhumanité d'un premier agent, il ne

trouva plus que soixante familles languissantes, hâves, exténuées, restes d'un embarquement de huit ou dix mille hommes. On gémit en France de ce malheur, mais pas autant qu'on l'aurait dû dans un siècle voué à la philanthropie. Le ministre principal avait trop de fautes à se reprocher pour faire pu nir les hommes qui avaient tendu un piége cruel à sa vanité: Les rivages de cette contrée devaient encore être funestes à d'autres victimes.

Le duc de Choiseul rendit quelque activité au commerce des Français dans les Indes orientales. Les Français avaient été trop humiliés sur la côte de Coromandel pour tenter d'y jouer de nouveau le rôle brillant de Dupleix. Pondichéry, qui leur avait été rendu, survivait à sa splendeur. La compagnie des Indes, forcée de renoncer à des opérations politiques et guerrières, et dirigée du sein de la métropole par des hommes habiles, recueillait les fruits de sa sagesse (a).

(a) Jusqu'à l'année 1768, les affaires de la compagnie des Indes parurent florissantes. Le contrôleur général Laverdi s'en prévalut. Il fit trop intervenir le gouvernement dans ses opérations. Les fautes qu'il commit à cet égard entraînèrent la chute de cette compagnie et la sienne.

Projet d'une nouvelle

Genève.

Les îles de France et de Bourbon, qui, pendant la guerre, avaient su se faire respecter et craindre des Anglais, devinrent, après la paix, plus florissantes qu'elles ne l'avaient été, même sous le régime de l'illustre et malheureux Labourdonnaie. Elles en étaient redevables à l'activité et au génie de leur intendant, de Poivre.

L'entreprise que fit, ou plutôt qu'essaya ville près de le duc de Choiseul, de fonder une ville 1768. française sur le lac de Genève, serait peu digne d'être mentionnée dans l'histoire, si elle n'offrait un nouvel exemple des progrès de l'esprit philosophique. On s'exagérait à Paris les effets des troubles de Genève; on croyait ces républicains fatigués des luttes journalières et peu sanglantes, qui s'élevaient dans leurs murs: mais cette agitation leur plaisait. Le duc de Choiseul supposa que s'il ouvrait un asile aux partis qui s'opprimaient tour à tour, les Génevois donneraient, par leurs discordes, naissance à une ville rivale de Genève même. Il fit tracer des rues à Versoy, et annonça que la religion réformée y serait professée avec la plus grande liberté. Voltaire souriait à un plan qui devait, en quelque sorte, étendre le petit domaine où il régnait, et surtout propager ses principes

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