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sauva cet auteur, en supprimant son ouvrage. On s'entretint de ses vertus, de sa bienfaisance ses principes inspirèrent moins de dégoût et de crainte; cependant ils n'eurent jamais qu'un petit nombre de partisans déclarés (a). Peu de personnes osèrent avouer qu'elles rapportaient toutes leurs actions, toutes leurs pensées à l'intérêt personnel, et cette pudeur sauva la morale.

Dans un intervalle de douze années, de

dix-huitiè

me siècle.

-1758 à 1770, la littérature française fut Athées du souillée par un grand nombre d'ouvrages où l'athéisme était ouvertement professé. Imitant un stratagême honteusement inventé par Voltaire, les auteurs de ces ouvrages

(a) Dans un excellent mémoire sur la librairie, M. de Malesherbes, qui dirigea long-temps cette importante et difficile partie de l'administration, rend compte de l'effet que produisit le Livre de l'Esprit, et parle surtout du censeur qui l'approuva et qui perdit sa place. Voici quelques traits du récit de M. de Malesherbes.

<< Le Livre de l'Esprit a fait au moins autant de bruit que l'Encyclopédie le cri fut général. Le censeur fut M. Tercier. Il n'était point ami de l'auteur. Homme de lettres, il était assez instruit pour découvrir le danger d'un livre où tout le monde disait que les propositions dangereuses n'étaient pas même déguisées. Premier commis des

les annonçaient comme les productions posthumes de littérateurs obscurs et modestes, fraude infâme par laquelle un homme circonspect et dévot, ainsi que l'avait été Mirabaud (a), était représenté après sa mort comme un athée énergumène qui avait crié en offrant un poison: Voilà le plus salutaire des remèdes! Je suis le bienfaiteur du genre humain, je le délivre de Dieu. La critique s'est exercée pour restituer ces ouvrages à leurs véritables auteurs : ce serait les punir que les nommer. Où trouver un homme qui ait puisé une belle inspiration de l'ame dans le Systéme de la Nature, dans le livre des

affaires étrangères, la politique avait dû l'habituer à la prudence. Il fut averti plusieurs fois, et même de la part des amis de l'auteur, de se tenir en garde, parce que sa complaisance pourrait leur être funeste à tous deux. Enfin il était protégé par la feue reine, qui gémissait continuellement sur les mauvais livres dont le public était inondé, et attaché à la personne du dauphin. Cependant il donna une approbation qui le perdit.

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M. de Malesherbes ajoute : « S'il n'avait pas été le censeur du Livre de l'Esprit, je suis persuadé qu'il aurait dit comme tout le public: Comment le censeur a-t-il pu approuver un pareil ouvrage ?

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(a) Auteur d'une faible traduction de la Jérusalem délivrée.

Trois Imposteurs, dans le Bon Sens, attribué au marquis d'Argens, dans l'Essai sur les Préjugés, attribué faussement à Dumarsais, et dans vingt autres écrits où un triste raisonneur se met, sans le savoir peut-être, en communication avec la conscience de l'homme vicieux et coupable? Aucun de ces auteurs n'expia, même par une légère persécution, son odieuse tentative. La circulation de leurs ouvrages n'éprouva qu'un genre d'entraves qui les fit plus avidement rechercher. Mais les écrivains et les hommes publics qui honoraient alors la nation, n'en parlèrent jamais qu'avec mépris ou qu'avec horreur. Les vrais philosophes-pratiques, Turgot, Malesherbes, Trudaine, et les publicistes laborieux qui secondaient leurs bienveillantes combinaisons, déplorèrent cet égarement de l'esprit. Voltaire, sacrifiant un intérêt de parti, protesta contre les principes et le but de ceux qui affectaient de se ranger sous ses étendards. Des hommes de lettres qui ouvraient alors leur carrière avec assez d'éclat, Thomas, Marmontel, La Harpe, annoncèrent que l'athéisme ne pervertirait jamais leur raison. L'athéisme, qui semble révéler quelque mauvais penchant du cœur, est taciturne

Voltaire.

Ses pani

phlets irré

pays

de sa nature. La France, de tous les
celui où les sentimens aimables sont le plus
impatiens de s'épancher, est un sol où il
ne peut pousser des racines profondes.

Les ouvrages dirigés contre la révélation chrétienné furent beaucoup plus nombreux. Si plusieurs furent empreints de cette licence grossière qui presque toujours accompagne l'irréligion, d'autres malheureusement furent ornés des grâces piquantes du style (c'étaient ceux de Voltaire), ou conduits avec les plus subtiles ressources de la dialectique (c'étaient ceux de J. J. Rousseau). Le moment est venu de montrer dans une sorte de parallèle ces deux hommes qui, environnés de tant d'illustres contemporains, semblèrent se partager l'empire du dix-huitième siècle.

Si Voltaire dans sa vieillesse eût pu jouir avec tranquillité de ses premiers succès qu'il phere Voyait confirmés par le temps, s'il se fut ligieux contenté de la gloire de défendre des opprimés avec une chaleur qui prévenait toute oppression nouvelle, d'adopter noblement la petite-nièce du grand Corneille, de fonder à Ferney une heureuse colonie, de réunir les plaisirs de la liberté aux plus doux priviléges de l'opulence, de rappeler l'en

jouement et la philosophie d'Horace dans ses productions légères, d'opposer enfin à des systêmes pernicieux autant de fermeté qu'aux innovations du mauvais goût, peu de tableaux seraient plus imposans et plus sereins que celui de ses dernières années. Mais il conserva l'activité inquiète du génie, lorsqu'il n'en conservait plus la puissance. Comme il arrive à tous ceux qui refusent de se laisser tempérer par l'âge, sa passion fut de la faiblesse. Arraché sans cesse à luimême, et se privant, par l'excès du travail, des avantages d'une méditation paisible, il exagéra ses erreurs au lieu de les rectifier, Sa gaieté maligne corrompit son bonheur. Il ne cessa d'écrire, quoiqu'il craignît luimême que l'avenir ne s'effrayât de sa fécondité. Il se déguisa sous différens noms, et mit la supercherie à côté de la gloire. On eût dit qu'il craignait d'être vénéré. Il repoussait le respect par les tristes jeux d'un vieillard espiègle. Sans doute il y aurait une grande injustice à lui reprocher d'avoir montré de faibles productions sur la scène française, qu'il avait enrichie par ses chefsd'œuvre. L'ingratitude du public ne fait que trop expier ces dernières tentatives du génie ; d'ailleurs il est heureux que Voltaire ne se

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