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vante, sur le lieu du supplice, ses précieux restes... Un chanoine de Rouen, ex-conseiller du roi d'Angleterre, a dit ceci aux enquêtes de la réhabilitation: « De l'ordre du cardinal d'Angleterre, ses restes furent aussitôt jetés dans la Seine. »>

LOUIS DE LUXEMBOURG, que sa ruse et sa finesse avaient fait surnommer le Renard, le propre frère de celui qui vendit Jeanne d'Arc; évêque de Thérouenne en 1414, et chancelier de France pour les Anglais dès 1425; un des Français les plus engagés dans la cause de Henry VI. Il fut avec Cauchon, sa créature et son ami, le lien le plus puissant qui unit à l'Angleterre le parti antinational français. C'était un fanatique des plus dangereux, dont l'ardeur dépassait toutes les bornes. Son double caractère en faisait un fonctionnaire politique et religieux de premier ordre. Vivant familièrement avec le cardinal et le régent, qui puisèrent trop souvent leurs inspirations auprès de lui, on peut dire qu'il fut avec Cauchon le mauvais génie de la France auprès du gouvernement anglais. L'acte odieux de son frère puiné, qu'il eût pu empêcher et qu'il favorisa de tout son pouvoir, suffirait à mesurer l'énorme responsabilité qui pèse sur lui dans cette lamentable histoire. Et cependant, grâce aux soins qu'il a pris de se tenir dans l'ombre comme un criminel, son rôle semblerait avoir été secondaire, et s'être borné à la séance du 19 mai et aux actes des 24 et 30 mai, qu'il a hautement couverts, ceux-là, par sa présence. Ses relations avec Cauchon dataient de loin on l'avait vu, dès 1421, n'étant encore qu'évêque de Thérouenne, accompagner celui-ci à sa prise de possession du siége de Beauvais. Dans le procès, Cauchon a été, avant tout, l'exécuteur des hautes œuvres du gouvernement anglais. Hiérarchi

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quement, Luxembourg, comme chancelier, se place entre Beaufort et Bedford dont il reçoit les ordres, et Cauchon auquel il les transmet. — Il poussa jusqu'à l'absurde son dévouement à la cause anglaise, et on le vit, lui chancelier et évêque, marcher à la tête des troupes envoyées au secours des villes assiégées par Charles VII. Il avait le gouvernement de Paris lorsque Jeanne d'Arc vint en tenter la prise au mois de septembre 1429; son autorité, qui s'appuyait sur une garnison anglaise, ne contribual pas peu à contenir la population. « Les Parisiens, dit le chroniqueur Monstrelet, qui estoient dedens leur ville accompaignés de Loys de Luxembourg, évêque de Therewane et chancelier de France pour le roy Henry et de quatre cents combattans, se défendirent vigoureusement. » Aussitôt Jeanne partie, Luxembourg n'eut rien de plus pressé que de faire enlever de l'église Saint-Denis, au grand scandale des moines de l'abbaye, les armes que Jeanne venait d'y déposer par dévotion, après avoir été blessée sous les murs de Paris. Après cela, on peut s'imaginer avec quelle joie il reçut à Paris le 25 mai suivant la lettre de son frère qui lui annonçait la prise de Jeanne d'Arc le jour même, il s'empressa d'en aller porter lui-même la nouvelle en plein Parlement. — Il ne quitte guère Rouen pendant le procès, où son action fut de tous les instants à partir du jour où, grâce à son insistance, son frère, capteur de Jeanne, consentit à vendre sa victime. Le meurtre consommé, il se rend à Paris pour le sacre de Henry VI, où il tint la première place à la suite du cardinal d'Angleterre. En 1436, voulant empêcher autant qu'il était en lui la réalisation de ce que Jeanne avait prédit, il ne recula pas devant la pensée de soutenir dans Paris un siége en personne contre les Français à cette époque, il était le gouverneur de

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cette ville avec Cauchon. Depuis le récent traité d'Arras, qui avait amené la paix entre Charles VII et Philippe le Bon, le sol de la capitale tremblait sous les pieds des Anglais, et pour s'y maintenir ils avaient cru ne pouvoir mieux faire que d'en confier la garde aux deux Français les plus compromis pour leur cause. Ils avaient bien calculé : Luxembourg et Cauchon se montrèrent les plus opposés à toute transaction, et furent encore pour la résistance quand déjà les Anglais s'étaient reconnus impuissants. La population ayant chassé ses oppresseurs, Luxembourg se jeta dans la Bastille, disposé à y combattre jusqu'à la dernière extrémité. Mais les sept cents Anglais qui en formaient la garnison refusèrent de pousser les choses plus loin et réclamèrent une capitulation qui leur fut accordée. Ce fut au milieu des outrages du peuple affranchi que les deux séides de la royauté de Henry VI

sortirent de la Bastille. Au Renard! au Renard! criait-on après Luxembourg. On le conduisit, en longeant les murs d'enceinte, jusque sur le quai du Louvre, où on le mit sur un bateau qui le descendit à Rouen. Il put, en arrivant dans cette ville, dire au gouvernement anglais qui y siégeait alors, et qui continua d'y siéger pendant quatorze ans encore, de quels sentiments étaient animées les populations françaises redevenues libres symptôme trop manifeste d'une ruine prochaine complète! effet trop certain de l'idée mise au jour par la vierge de Dompremy! Mais rien ne put guérir Luxembourg de son aveuglement insensé. — Un lien plus étroit avait fini par l'unir à la dynastie des Lancastre en 1433, il avait amené Bedford, veuf depuis quelques mois seulement par la mort de la sœur de Philippe le Bon, à épouser sa propre nièce, fille du comte de Saint-Pol-Luxembourg, un de ses frères, et par là il était devenu l'oncle du régent. Ce mariage avait

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eu lieu en sa ville de Thérouenne'; les noces avaient été faites magnifiquement en son hôtel, où des fêtes splendides avaient été célébrées, « car il étoit pour ce temps un des principaux gouverneurs et conseillers du duc de Bedford », a dit à ce propos même le chroniqueur Monstrelet. A quelques années de là, l'archevêché de Rouen, puis bientôt après la pourpre, étaient venus ajouter encore aux dignités dont il était accablé. - Au milieu de l'ivresse des honneurs et du succès, la tête tourna à cet ambitieux, qui osa rêver pour sa puissante maison un état indépendant. Mais tout cela lui coûta cher cette union d'un de ses vassaux avec une maison royale, offensante pour le duc de Bourgogne à l'insu duquel elle avait été contractée, fut pour beaucoup dans la rupture de Philippe le Bon avec les Anglais. Une démarche personnelle du cardinal de Beaufort, du régent et de Louis de Luxembourg, qui se rendirent à cet effet en personne à Saint-Omer dans un but de réconciliation, fut impuissante à enlever de l'esprit de Philippe une irritation qui alla toujours croissant jusqu'au traité d'Arras, signé deux ans après.

Réfugié en Angleterre à la suite des désastres de son parti, Louis de Luxembourg y mourut en 1443, sans avoir voulu reconnaître le royauté de Charles VII.

Malgré son fanatisme, le remords sembla traverser son àme sur la place du Vieux-Marché, le 30 mai, au dénoùment du drame dans lequel il venait de jouer un si grand

1 Thérouenne, aujourd'hui simple bourgade de sept cents habitants (département du Pas-de-Calais, arrondissement et à deux lieues de SaintOmer), fut au moyen age une cité puissante. Comme Harfleur et bien d'autres villes de ce temps, elle a dû sa destruction à son patriotisme. Prise deux fois par les Anglais, en 1380 et 1513, rétablie par François Ier, reprise en 1535 par Charles-Quint, elle fut détruite par celui-ci en punition de sa défense héroïque, et ne s'est pas relevée depuis.

rôle. « L'évêque de Thérouenne pleurait noine André Marguerie.

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WILLIAM ALNWICH, évêque de Norwich en Angleterre et garde du sceau privé de Henry VI, ce qui le place à la suite du chancelier de Luxembourg. Et en effet, ces deux noms, et celui de l'évêque de Noyon dont on va parler, se trouvent ensemble dans les actes du procès. Ce haut personnage était en France à raison de ses fonctions politiques de garde du sceau, qui en faisaient un fonctionnaire essentiel, un agent intime des Lancastre. Pour lui, la personne de Jeanne d'Arc ne pouvait être qu'un ennemi de la royale maison dont il était le dévoué serviteur. A coup sûr, ce ne fut pas comme évêque et comme juge d'une cause de foi qu'il se rendit, le 24 mai, sur la place Saint-Ouen, et quelques jours après sur la place du VieuxMarché. Sa présence le 24 mai, au milieu de toute la cour, à côté du cardinal, du chancelier, de l'évêque de Noyon, de Cauchon et de tous les hauts fonctionnaires anglais, suffit à démontrer qu'il a joué au procès un rôle des plus accentués. Peut-être même a-t-il mis la main aux actes royaux qui ont été dressés avec un si grand art et une si profonde hypocrisie par la chancellerie de Henry VI, dans le but d'égarer l'opinion et de la gagner à la cause des

meurtriers.

JEAN DE MAILLY, évêque de Noyon, à ce titre un des grands vassaux de la couronne de France et pair ecclésiastique, ce qui lui donnait le privilége de tenir une des premières places au sacre de nos rois, privilége dont il usa à la cérémonie du sacre de Henry VI, auquel il prit part à Paris avec Louis de Luxembourg et Cauchon, à la suite du cardinal de Beaufort. A son titre d'évêque, qui le consti

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