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On prononce orore, otorité, othentique, nous orons,
il ora, vous oriez, &c. Il feroit contraire à l'ufage,
à l'étymologie & à l'analogie d'écrire ces mots par
un o. Il faudroit donc qu'on mît un circonflexe
fur l'u de au dans les mots où cette voyelle a le
fon de l'o alongé; & on la prononceroit naturelle-
ment comme l'o bref quand on la trouveroit écrite
fans accent.
LE COMTE.

Vous propofez à tout inftant quelques innovations.

L'ABBÉ.

Non, Monfieur, je fais que les vieux préjugés fe détruifent difficilement & ne cèdent qu'à la réunion d'un grand nombre de fuffrages. Mais plus on refpecte les bifarreries de l'ufage, & plus il eft indifpenfable de les bien connoître.

LE MILOR D.

Il vous refte je crois, peu de chofes à dire fur les voyelles fimples & compofées.

L'ABBÉ.

Nous en avons démontré les différents ufages autant qu'on le peut faire avant d'avoir défini & expliqué les parties du difcours. Nous ajouterons relativement aux noms des caractères qu'on appelle voyelles, que celui de l'e fe prononce d'une manière longue & aigue: on dit un grande, un petit e, comme s'il y avoit un grand ée, un petit ée, &c. & que ceux des quatre autres voyelles fimplés fe prononcent longuement & fortement, comme s'il y avoit, avec l'accent circonflexe, un á, unî, un ó, un ú?

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On le prononce comme celui de l'i fimple: un bel i grec, un grand i grec,

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Nous pourrions placer ici quelques explications fur les voyelles perdues; mais elles ne font employées fous ce titre que comme acceffoires de certaines confonnes; & en démontrant les propriétés de ccs confonnes, nous examinerons les marques ou caractères qui fervent à les modifier.

LE COMTE.

Vous avez parlé de oi comme voyelle compofée, & vous n'en avez rien dit comme diphthongue.

SOPHIE.

Qu'est-ce qu'une diphthongue? Vous n'avez point encore parlé de ce mot-là.

LE COMTE.

Une diphthongue eft la fuite de deux fons prononcés en une feule fyllabe: telle eft la première fyllabe du mot dia-cre, dans laquelle on fait entendre fucceffivement l'i & l'a; celle de mots fuite, fui-vre, qui réunit les fons de l'u & de l'i.

SOPHIE.

C'eft donc quand il y a deux points fur l'i que oi fait une diphthongue? In-tro-it.

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L'ABBÉ.

Non, Mademoiselle: alors l'o & l'i appartiennent à deux fyllabes différentes intro-it; au lieu que la diphthongue ne forme qu'une feule fyllabe. Quand oi eft diphthongue, le fon de l'i fe change en ce lui de l'e, comme on le voit dans voile, armoire, voifin, qu'on prononce voéle, armoére, voéfin, &c. Cette diphthongue oi eft la feule dans laquelle le fon des voyelles foit altéré: on prononce diftinctement i, a dans diacre, i, e dans miel, i, o dans fiole, u, i dans fuite, &c.

SOPHIE.

Quelle différence faites-vous donc entre oi voyelle compofée, & oi diphthongue?

L'ABBÉ.

La voyelle compofée oi ne forme qu'un fon qui eft celui de l'e, comme on le fait entendre dans paroître, je connois, il vouloit, qu'on prononce parétre, je connès, il voulet, &c. au lieu que, comme vous venez de le voir, la diphthongue oi indique deux fons distincts, celui de l'o & celui de l'e. SOPHIE.

J'entends cela. Monfieur ne voudroit pas qu'on employât oi comme voyelle compofée: il ne voudroit mettre ces deux lettres que quand elles fe pro

noncent comme oc.

LE MILOR D.

Toutes les voyelles fimples peuvent-elles entrer dans la compofition des diphthongues?

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Non, Monfieur. Les deux i qu'exprime le caractère y fe combinent toujours de manière que le premier fait partie de la fyllabe qui précède & le fecond de celle qui fuit. Si la voyelle qui précède eft un a ou une, elle forme avec la première partie de l'y, l'équivalent de la voyelle compofée ai ou ei, comme on le voit dans rayer, je m'affeyois qu'on prononce rai-ier, je m'affei-iois, ou ré-ier, je m'affe-iois, &c. Si la voyelle qui précède eft un u, il forme avec la première branche de l'y, une diphthongue tout-à-fait femblable à ui: ce qu'on voit dans appuyer, nous fuyons qu'on prononce appui-ier, nous fui-ions, &c. Enfin fi la voyelle qui précède eft un o, il forme avec la premiere partie de l'y, la diphthongue altéréc oi, comme

dans envoyer, royal, qu'on prononce envoi-ier; roi-ial, ou plutôt envoé-ier, roé-ial, &c.

Mais quelle que foit la voyelle dont l'y eft fuivi, cette voyelle forme toujours une diphthongue avec la feconde branche de l'y: ce qu'on voit dans voyage, payeur, ellayer, rayure, je fuyois, nous voyons, qu'on prononce voé-iage, pé-ieur, effui-ier, réiure, je fui-iois, nous voé-ions, &c. de forte que l'y peut appartenir à deux diphthonges différentes, comme on le voit dans voyage, je fuyois, &c.

LE MILO R D.

Avez-vous auffi des triphthongues?

LA MARQUIS E.

Les triphthongues font apparemment des fyllabes compofées de trois fons.

Oui, Madame.

L'ABBÉ.

LE COMTE.

Nous n'avons point de triphthongues dans la lan¬ gue françoise.

L'ABBÉ.

Pardonnez-moi, Monfieur. Dans quelques mots l'y cft fuivi d'une diphthongue, avec laquelle la feconde partie de l'y forme une vraie triphthongue, au moins pour l'oreille. Tels font les mots voyiez & effayiez dans ces phrafes: il faut que vous voyiez vos torts & que vous effayiez de les reparer. On prononce voi-iiez ou voé-iiez, effai-iiez ou efféziez, de forte que la dernière fyllabe de ces mots réunit le fon de deux i & celui d'un e, ce qui fait bien réellement une fyllabe compofée de trois fons. LE MILOR D.

Vous avez auffi une diphthongue oe qui fe rencontre dans quelques mots comme boete, coëffe, poëte, &c. y auroit-il grand inconvénient à écrire ces mots par oi, boite, coiffe, poite, &c. ?

L'ABBÉ.

L'A BB É.

Ce changement eft déjà adopté dans quelques mots: on écrit par un iau lieu d'un e, boite, coiffe, emboiter, &c. on en pourroit faire autant dans tous les cas où l'o & l'e appartiennent à la même fyllabe, ce qui a lieu dans les mots boëte, coeffe, & quelques autres, tels que coëffer, moelle, moelleux, emboëter, &c. Il n'en eft pas de même quand ces deux voyelles fe prononcent en deux temps, comme poete, poëtique, poëtiquement, poëfie, poëme,Noël, Chloé, Leucothoé, & peut-être quelques autres: alors l'e eft abfolument néceffaire, & la prononciation ne permet pas de lui fubftituer un i.

LA MARQUISE.

Je fens bien que dans les mots Chloé & Leucothoé, l'o & l'e font deux fyllabes à part; mais je trouverois auffi naturel qu'on les prononçât en une feule fyllabe dans poëfie, poëme, Noël, que dans boete, coeffe, coeffer: ainfi on pourroit aufli-bien écrire poifie, poime, Noil, que boîte, coiffe, coiffer, &c. L'ABBÉ.

Cette divifion eft peu fenfible dans la profe, mais elle eft effentielle dans les vers. Boileau à dit:

Si-fon-af-tre en-naif-fant-ne-l'a-for-mé-po-ë-te.
Un-fon-net-fans-dé-faut-vaut-feul-un-long-po-e-me.

Il y a un cantique qui commence par ce vers:
No-el-pour-l'a-mour-de-Ma-rie.

Vous voyez que dans ces vers l'o & l'e des mots poëte, poëme, Noël, fe prononcent en deux temps: ainfi on commettroit une faute groflière en écrivant ces mots par oi au lieu de oe.

LA MARQUISE.

Et dans d'autres mots, ces deux lettres ne forment qu'une fyllabe, même en poefie.

G

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