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antiquité; & en changeant le ten c, ancien, anciennement, ancienneté, &c.

LA MARQUIS E.

Je me le rappelle préfentement. Je voudrois pouvoir faifir auili-bien que vous toutes les explications de Monfieur.

LE MILOR D.

Si j'avois quelque avantage fur vous dans cette étude, ce que je n'ai pas lieu de croire, je le devrois à la comparaifon que je fais continuellement de la langue françoife avec ma langue maternelle; celà peut donner beaucoup de facilité pour s'approprier les principes de l'une & de l'autre.

SOPHIE.

Vous avez écrit le mot devoirs par une s; cependant c'eft un infinitif: je dois, rous devons; je veux devoir, nous voulons devoir. Monfieur nous a dit que les infinitifs n'avoient ni pluriel, ni fingulier, ni mafculin, ni féminin.

L'ABBÉ.

Dans la phrafe de Madame, ce mot devoirs n'eft point un infinitif, mais un véritable fubftantif. Que de devoirs nous impofent les dons que le ciel nous prodigua! Ce font des devoirs impofés. Il y a plufieurs autres infinitifs qu'on emploie fubflantivement: on dit des diners, des foupers, l'abus du pouvoir, &c. alors ces fubftantifs peuvent, comme tous les autres, recevoir des adjectifs de toutes les efpèces; un devoir Jacré, un devoir importun; de grands dîners, des foupers d'apparat, un pouvoir limité, &c. ce qui n'a pas lieu pour les infinitifs. Allons dîner. Je viens de fouper. Je crois vous devoir quelques égards. I youdroit pouvoir vous obliger, &c.

Je ne voyois pas une faute que Madame a commife à la fin de cette phrafe: les dons que le

ciel nous prodiguât. Conjuguez, je vous prie, ce dernier verbe pour le temps où il fe trouve.

LA MARQUISE.

Les dons que je prodiguai, que tu prodiguas qu'il prodigua que nous prodiguâmes... C'eft au parfait de l'indicatif, & je croyois que c'étoit au fubjonctif; ainfi je ne devois mettre ni ni accent. Les dons que le ciel nous prodigua, & non nous prodiguát.

L'ABBÉ.

Ici le Milord s'eft trompé en vous dictant. Richeffes, grandeurs, lumières, tout doivent concourir au bonheur du prochain; il a cru que le verbe devoit fe rapporter aux trois fubftantifs richeffes, grandeurs, lumières, & c'eft au pronom indéfini tout, qui repréfente ces fubftantifs. Richeffes, grandeurs, lumières, tout doit concourir au bonheur du prochain, & non tout doivent concourir; parce que ce pronom indéfini, tout, eft au fingulier & non au pluriel.

LE COMT E.

Je ne veux pas oublier une petite chicane que j'ai à vous faire. Vous avez mis un point interrogant à la fin de cette phrafe: peut-on débiter de Jang froid cent réveries qui n'ont pas le fens commun? Il eft vrai que cette phrafe eft interrogative, mais elle eft auffi admirative; & c'est cette dernière qualité qui doit être exprimée par préférence: ainfi vous deviez mettre le point admiratif au lieu du point interrogant.

LA MARQUISÉ.

Voyons préfentement fi j'ai bien profité des critiques qu'on m'a faites.

1o. Il n'eft pas néceffaire qu'on ait un grand courage, mais feulement qu'on n'ait pas une ame pufillanime..

LE MILOR D.

Ecrivez, je vous prie, une âme lâche & timide, pour éviter ce pléonafme d'idées.

LA MARQUISE.

Mais feulement qu'on n'ait pas une âme lâche & timide, pour defendre le toit qu'habitent une tendre époule & des enfants chéris.

2o. Vous & nos amis, vous voyez mon cœur d découvert.

3o. Peut-on débiter de fang froid cent réveries qui n'ont pas le fens commun! On fent que c'en Jeroit affez pour étre rclégué aux petites maisons, Jans qu'on put s'en plaindre.

4. Ce qu'ont dit les anciens valoit-il beaucoup mieux que ce qu'on dit préfentement?

5°. Que de devoirs nous impofent les dons que le ciel nous prodigua! Richeffes, grandeurs, lumières, tout doit concourir au bonheur du prochain.

L'ABBÉ.

Voilà qui eft bien préfentement, tant pour le ftyle que pour l'orthographe. Je crois n'avoir rien oublié de tout ce que je voulois vous apprendre fur la conftruction des mots : je vais vous donner des tables étymologiques & analogiques, qui fupplécront, au moins dans les cas ordinaires, à ce que toutes les règles ne peuvent éclaircir.

LE MILOR D.

Avant de finir cet entretien, je vous prie de vouloir bien me dire un mot fur les diphthongues: vous avez promis de nous en parler.

LA MARQUISE.

Je me rappelle qu'une diphthongue eft une syllabe compofée de deux différents fons.

L'ABBÉ.

Oui, Madame. La connoiffance des diphthon

fur l'Orthographe Françoife.

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gues eft néceffaire, non-feulement pour faire & déclamer les vers de toute espèce, mais encore pour prononcer correctement la profe oratoire.

LE COMTE.

La diphthongue oi n'occafionne sûrement aucune difficulté, car les deux fons qu'elle fait entendre font toujours compris dans la même fyllabc. L'A B BÉ.

Oui, Monfieur, excepté dans quelques mots où ces deux fons font repréfentés par un o & un e qui appartiennent à deux fyllabes différentes. Ces mots font Noël, poëte, poefie & analogues, & quelques noms propres anciens, tels que Siloé, Gelboé Leucothoe, Chloé. On prononce No-el, po-éfie, po-éte, Silo-é, Gelbo-é, Leucotho-é, Chlo-é, &c.

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Dans tous les autres cas, l'o & l'e ne forment qu'une fyllabe, qui fe prononce exactement comme οι : coeffe, bo-ete, moel-leux, fe prononcent coi-fe, boi-te, moï-leux. On fubftitue même affez généralement un i à l'e dans tous ces mots, excepté moëlleux, moëlle, moëlleusement, poële, & peut-être quelques autres, que j'ai toujours vu écrire

par oe.

Il ne faut pas confondre ces mots avec ceux qui s'écrivent par ou fuivi d'une voyelle quelconque, tels que girouette, fouhait, fouet. Ce dernier, fouet, & fes analogues, fouetter, vous fouettates, & oui interjection, font les feuls dans lefquels ou forme une diphthongue avec la voyelle dont il eft fuivi dans tous les autres, cette voyelle compofée & les voyelles qui la fuivent, appartiennent à deux fyllabes différentes.

Il eft inutile de répéter que le nom de diphthongue ne convient point à la fucceffion de deux voyelles qui ne forment ensemble qu'un fon unique, comme ai dans p.ire, oi dans Hollandois ei dans peine, eu dans jeu, au dans faute, &c. Il ne convient pas non plus à la fucceffion de

deux voyelles, dont l'une eft muette ou perdue, comme l'o dans paon qu'on prononce pan; l'e dans pigeon, qu'on prononce pijon, & dans je prierai, qu'on prononce je prirai; l'u dans quatre, qu'on prononce catre, &c. Une diphthongue doit être compofée de deux fons diftincts, renfermés en une feule fyllabe, comme ia dans Diacre, ie dans miel, io dans nous faifions, ui dans fuite, oi dans bois, oe dans moelleux, &c.

Il ne nous refte plus rien à dire fur la diphthongue oi ou oe; toute notre attention doit fe porter fur celles dont la première partie eft un i ou un u. Pour procéder avec quelque ordre, nous obferverons,

1°. Que l'i ne forme jamais de diphthongue quand il fuit immédiatement une ou une r, précédée d'une autre confonne. Ouvrier, vous oubliez, nous voudrions, vous rompriez, fablière, se prononcent en féparant l'i de la voyelle qu'il précède, ou-vri-er, vous ou-bli-ez, nous vou-dri-ons; vous rom-pri-ez, fa-bli-ère, & non en renfermant ces deux voyelles dans une même fyllabe, ou-vrier yous ou-bliez, nous vou-drions, vous rom-priez, Ja-blie-re, &c. Cependant quelques bons autcurs font fan-glier de deux fyllabes.

SOPHIE.

Je conçois cela. Dans le conditionnel des verbes vouloir, venir, fuivre, on prononce nous vou-derions, vous vou-de-riez; nous vien-de-rions, vous vien-de-riez; nous fui-ve-rions, vous fui-ve-riez; & non en faifant une fyllabe de moins, nous von-drions, vous vou-driez, nous vien-drions vous vien-driez, nous fui-vrions, vous fui-vriez, &c. Cette dernière fyllabe drions, driez, vrions, vriez, auroit quelque chofe de trop dur.

L'ABBÉ.

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Vous faites une faute d'orthographe & de prononciation, Mademoifelle. On ne doit écrire ni

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