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SOPHIE.

Premièrement, parce que ce n'eft pas ainfi qu'on parle; & enfuite, parce que ce n'cit pas la bonne amie à qui je parle qui eft dite, mais mon avis qui eft dit ; & quand, au lieu du mot avis, il y auroit un mot féminin, j'écrirois toujours le participe dit fans e muet, parce qu'il feroit prononcé avant ce mot féminin.

Mais j'ai mis un e muet à la fin des participes prévenue & donnée. Quoique tes amies t'aient prévenue, que tes amis aient prévenu toi; tu t'es donnéc des torts, tu as donné à toi des torts. C'eft la perfonne à qui je parle qui eft prévenue; & le participe prévenue eft mis après le t qui repréfente cette perfonne. C'eft pareillement cette même perfonne qui eft..... je me trompe : ce font des torts qui font donnés. J'ai eu tort de mettre un fecond e à ce mot là; & je l'écrirois par un s, s'il n'étoit pas mis avant le fubftantif pluriel des torts, auquel il fe rapporte.

LE MILOR D.

Il n'y a pas long-temps encore que j'aurois dit & écrit: tu t'as donné des torts, au lieu de tu t'es donné des torts, parce qu'on dit tu as donné des torts, & non tu es donné des torts; mais vous m'avez appris que, quand le pronom fe répète à la même perfonne, il faut toujours employer le verbe étre, & non le verbe avoir. Dans cet exemple, les deux pronoms font à la feconde perfonne, tu te; mais je dirois tu m'as donné des torts, & non tu m'es donné des torts, parce que le premier pronom eft à la feconde perfonne, & l'autre à la première

tu me.

L'ABBÉ.

Je fuis très content de cette explication & de celles de Mademoiselle Sophie. Il n'y a plus qu'une faute dans fon premier exemple.

SOPHIE.

Avifer, avis... tes amies... au féminin pluriel, il faut une & une s.... & que tes amies t'aient prévenue, aient prévenu toi... c'eft une troifième perfonne du pluriel; il faut à la fin du verbe aient une n & un t, quoique ces lettres ne s'y prononcent pas... tu t'es donné, tu es donné, c'eft une feconde perfonne, il faut une s & point de t.... dont il ne t'es plus poffible.... il n'eft plus poffible, il eft poffible... voilà ma faute, cette phrase eft à la troifième perfonne du fingulier, ainfi le verbe devoit finir par un t, & non par une s: dont il ne t'eft plus poffible de te défendre.

L'ABBÉ.

A merveille, Mademoiselle : analysez de même votre fecond exemple.

SOPHIE.

Quand nous entrámes... c'eft une première perfonne du pluriel, ainfi entråmes doit finir par une S... camper, camp... on gardoit... ceci eft une troifième perfonne du fingulier, à l'imparfait je gardois, tu gardois, il gardoit, ou on gardoit... Je n'ai point écrit par ai, on gardait, parce que je ne veux pas fuivre la nouvelle orthographe. Je voulois écrire par ent, on gardoient, mais je me fuis fouvenue que le pronom on demande toujours le verbe au fingulier, & non au pluriel... filence, c'eft apparemment un fubftantif gérondif; mais je ne connois point de verbes dont on puiffe l'avoir dérivé; ainfi je l'ai écrit par en, au licu que j'écris par an les fubftantifs gérondifs, dont l'origine m'eft connue.... ci profond.... profonde, profond, j'ai eu raifon de finir ce mot par un d.

LE COMTE.

Mais il ne falloit pas écrire ci par un c, parce qu'il eft adverbe fi profond, tellement profond,

Il en eft de même quand le mot fi eft conjonction. Si vous veillez, je puis dormir.

rapporte

à

L'ABBÉ.

Le mot ci ne s'écrit par un c que quand il fe ce qui eft plus près, ce qui eft en deçà. Cette maifon-ci, ci-devant, par- ci, par- là, &c. Continuez, je vous prie, l'examen de votre orthographe.

SOPHIE.

Je ne fus.... première perfonne au fingulier parfait du verbe favoir, qui n'eft pas de la première conjugaifon; ainfi j'ai eu raifon de finir ce mot

par une s.

LE COMTE.

Mais, comme vous ne fuivez pas la nouvelle orthographe, il falloit mettre un c après l's, je ne fçus, parce ce verbe a pour infinitif fçavoir, que tous les partisans de l'ancien ufage s'accordent à écrire par une s & un c, fçavoir; & non, comme les novateurs, favoir.

SOPHIE.

Je ne fçus... Je ne fçus qu'an panfer, que en panfer, ce que je devois panfer de celà: c'eft le mot que, joint au pronom compofé en: j'ai eu tort d'écrire qu'an panfer par un a; il falloit écrire je ne fus qu'en panfer. Je crois même que, quand cet a nafal forme feul un mot, il s'écrit toujours par a & jamais par e.

L'ABBÉ.

Pardonnez-moi, Mademoifelle; le mot an, année, s'écrit par un a, ainfi que fes analogues, annuel, anniversaire, bifannuel, &c. dans lefquels I'n eft toujours doublée. Ainfi dans cette phrafe : il ne faut qu'an & jour pour l'appropriement, on écrit qu'an par un a, parce que celà fignifie, il ne faut qu'un an & qu'un jour.

LE MILORD.

LE MILOR D.

L'appropriement! Voilà une espèce de fubftantifs que vous ne nous avez point encore expliqués.

L'ABBÉ.

Le méchanifme en est tout facile : ils font formés du fingulier préfent fubjonctif, augmenté de la fyllabe ment, telle qu'on l'emploie à la fin des adverbes que j'étonne, étonnement; que j'avertiffe, avertiffement; que je tournoie, tournoiement, &c. &c. de forte que cette fyllabe ment doit toujours être précédée d'un e muet, puifque cette lettre eft effentielle à la terminaifon du préfent fubjonctif. Cette règle n'a d'exception que dans les fubftantifs blanchiment, fourniment, & ceux qui dérivent des verbes de la première conjugaifon, dont l'r finale de l'infinitif eft précédée de deux e. Agréer, que j'agrée, agrément; fuppléer, que je fupplée, fupplément &c. Quelques perfonnes en exceptent encore d'autres fubftantifs, tels que dévouement enjouement, ralliement, & autres se permettant d'écrire fans e muet dévoúment, enjoúment, ralliment, &c. mais il eft plus exact de foumettre ces mots à la règle générale.

LE MILOR D.

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Je tire une conféquence de cette explication. Quand, dans ces efpeces de fubftantifs, la fyllabe finale ment eft précédéc du fifflement de l's, fi ce fifflement n'a pas lieu dans l'infinitif, c'eft toujours par s qu'il faut écrire, & non par c. Avertir, que Javertiffe, avertiffement; adoucir, que j'adouciffe, adouciffement; accroître, que j'accroiffe, accroiffement, &c.

L'ABBÉ.

Celà eft tout fimple: il en eft de même dans tous les autres cas où l'infinitif eft augmenté du fifflement de l's. Ravir, nous raviffons, raviffant, raviffe

Ss

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ment, raviffeur; naître, naissance, naissant,

&c. &c.

Mais quand ce fifflement eft effentiel à l'infinitif, il s'écrit par s ou par c, felon les règles de l'analogic. Placer, nous plaçons, que nous placions, placement, emplacement; paffer, paffant, nous paffames, passement, passe, paffage, &c. LE MILOR D.

Ces fubftantifs terminés par ment font ce qu'on appelle des fubftantifs verbaux.

L'ABBÉ.

Nous avons des fubftantifs verbaux de plufieurs efpèces. Il y en a fur-tout une grande quantité qui font terminés par ion, attention, occupation, précaution, compaffion, permiffion, &c.

LA MARQUISE.

Ces fubftantifs finiffent prefque toujours par tion & très-rarement par fion.

L'A BB É.

On n'y emploie guère l's que cuand elle est indiquée par l'analogie. Paffif, passion, compaffion; permife, permis, permiffion; prefer, preffion, impreffion, fuppreffion, &c.

Je parle des fubftantifs; car dans la conjugaison des verbes, où cette finale ions fe trouve fouvent à la première perfonne du pluriel, fi le fifflement qui la précède n'eft pas effentiel à l'infinitif, il s'écrit toujours par s & non par c. Paroître, nous paroiffions, que nous paruffions; parler, que nous parlaffions; dire, que nous difions, que nous diffions, &c.

Si ce fifflement fe fait entendre dans l'infinitif il fuit les règles de l'analogie. Tracer, que nous tracions; paffer, que nous paffions; balbutier nous balbutions; initier, nous initions, &c,

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