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Le même accord règne dans les deux premières ftrophes de cette ariette; mais il n'en eft pas ainfi de la troifième, qui fe chante fur l'air de la première.

Qu'un fon frappe mon oreille,
J'écoute ; &, dans tous mes fens,
Mon âme, qui toujours veille,
Croit entendre fes accents.

Il s'en faut bien que la fin du fecond vers offre, comme dans la première ftrophe, un repos plus marqué que ceux qui fuivent le premier & le troifieme le fens des paroles permet à peine qu'on s'y arrête. Le véritable repos, dans ces vers, eft après le verbe j'écoute, où la mufique n'en admet point. Cette difcordance obfcurcit tellement le fens des vers, que j'ai plufieurs fois entendu chanter cette ftrophe fans y pouvoir rien comprendre. LE MILOR D.

Qu'un fon frappe mon oreille,
J'écoutai dans tous mes fens :
Mon âme, qui toujours veille,
Croit entendre fes accents.

Je fuis faché qu'on ait mis le fecond vers au paffé, & tout le refte au préfent. Il faudroit dire pareillement au préfent:

J'écoute dans tous mes fens.

LA MARQUISE.

C'eft auffi une réflexion que j'ai faite.
L'ABBÉ.

Je vois bien que la mufique vous a fait illufion comme à moi fur le fens de ces vcrs. Je vous avoue que je ne les comprendrois point encore, fi je ne les avois vus écrits. Lifez-les avec attention, & vous fentirez que c'eft ainfi qu'il faut entendre:

Qu'un fon frappe mon oreille, j'écoute; & mon áme qui toujours veille dans tous mes fens, croit entendre fes accents. Vous voyez que tout y eft au préfent, & rien au paffé.

LE COMTE.

Mon me qui toujours veille dans tous mes fens Cette belle idée ne fe préfente point quand on entend chanter l'ariette, quelque effort que le chanteur faffe pour la faire fentir; parce que la mufique preferit un repos très-marqué à la fin du fecond vers: j'écoute, & dans tous mes fens, pendant qu'il faudroit paffer rapidement au refte de l'expretion, qui fe trouve dans le troifième vers. Mais les fautes de cette efpèce doivent être fort

rares.

L'ABBÉ.

J'avoue qu'on en trouve peu d'auffi frappantes que celle-là; mais on n'auroit jamais fini s'il falloit relever toutes celles qui fe rencontrent dans nos airs connus, & qui, toutes légères qu'elles font ne laiffent pas de choquer les oreilles délicates. If eft rare qu'on obferve affez bien le rapport qui doit règner entre les quantités muficale & poëtique; & on n'y réuffira jamais que par hafard, fi on n'a pas fait une étude particulière des règles & du génie de la langue.

LE MILOR D.

Il faudroit qu'on écrivit de manière à indiquer le nombre & la nature des différents repos qui fe trouvent dans le cours de chaque période; & alors il ne feroit plus permis de s'y tromper.

L'ABBÉ.

L'exécution de ce projet feroit impraticable: ces repos font fi variés, qu'il faudroit une multitude de caractères pour en marquer fidèlement toutes les nuances.

LE MILOR D.

On devroit du moins joindre par des traits d'union tous les mots qu'il faut prononcer fans intervalle. Puifque cette règle eft déjà établie à l'égard des phrases interrogatives, des adverbes ou autres mots

qui font partie d'une expreflion compofée, il n'y auroit plus qu'un pas à faire pour lui donner toute la généralité dont elle cft fufceptible.

LE COMTE.

Outre que cette orthographe n'a encore été propofée par aucun auteur il y a des cas où elle exigeroit un prodigieux effort d'attention. D'ailleurs, cette multitude de traits d'union furchargeroit l'écriture, & pourroit en rendre la lecture plus difficile.

L'ABBÉ.

Ces traits ne feroient pas auffi multipliés que vous paroiffez le croire; & ceux qui fe piquent d'écrire avec exactitude les placeroient bientôt entre l'adjectif & fon fubftantif, entre le pronom nominatif & fon verbe, & dans d'autres cas femblables, tout auffi naturellement qu'ils l'interpofent au verbe interrogatif & à fon pronom perfonnel ou nominatif, aux parties de quelques mots compofés, &c. &c.

Mais, fans vouloir décider entre la raifon & l'ufage, je me borne à vous expofer les principes de l'orthographe, vous laiffant la liberté d'en tirer les conféquences qui s'accorderont le mieux avec votre goût ou avec votre pofition.

Voilà tout ce que je puis vous dire fur les diverfes parties du difcours, relativement à la conftruction des mots & à leur prononciation : demain nous ferons quelques réflexions fur les divers analogues qui peuvent dériver des mots primitifs ou regardés comme tels.

وعندمي

DIALOGUE XX.

DES PIEONASMES, RÉPÉTITIONS,

NOMINATIFS, DIPHTHONGUES, &C. LA MARQUISE, SOPHIE, L'ABBÉ, LE COMTE, LE MILORD.

SOPHIE.

MONSIEUR
ONSIEUR le Comte m'a fait faire des fautes

d'orthographe tant qu'il a voulu : il m'a dicté des
chofes fi difficiles, que je n'y entends prefque rien.
1. Quoique je t'es dit mon avis & que tes amies
t'aient prévenue, tu t'es donnée des torts dont il
ne t'es plus poffible de te défendre.

2. Quand nous entrâmes dans le camp, on gardoit un filence ci profond, que je ne fus qu'an panfer. Quand à la diftribution, je n'ai rien vu qui en approcha.

3. Nous avons paffés au milieu d'une compagnie de grenadiers rangée fur notre chemin.

4. L'avant eft le temps qui fe paffe avant la féte de Noël, & pendant lequel on fait abftinance L'ABBÉ.

Il y a des fautes dans ces phrafes, mais beaucoup moins que je ne l'aurois penfé. Il paroît que vous avez faifi nos principes; il vous eft encore très-difficile d'en faire l'application c'eft le feul pas qui vous refte à faire. Redoublez vos efforts; montrez-moi chaque jour les exemples que vous aurez écrits, nous les expliquerons ensemble; vous en corrigerez vous-même les fautes, & vous orthographierez bientôt tout auffi bien que vous le pouvez defirer. Examinons préfentement les mots dans

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lefquels vous avez péché contre les principes. Quoi que je t'es dit. Quel eft l'infinitif de cette phrafe là? SOPHIE.

Quoique je t'es dit, quoique j'aie voulu t'avoir dit. L'infinitif eft avoir.

L'ABBÉ.

Cet infinitif commence par un a qu'il faut conferver, autant qu'il eft poffible.

SOPHIE.

M'y voilà. J'écrirai par ai, j'ai dit; il faut écrire de même par ai, quoique je t'ai dit.

LE COMTE.

Vous n'avez pas penfé que dans cette phrafe le verbe eft au fubjonctif.

SOPHIE.

Cela eft vrai je dirois avec le verbe favoir quoique je fache, & non quoique je fuis; ainfi j'écrirai par un e muct, quoique je t'aie dit mon avis, parce que le fingulier du préfent fubjonctif finit toujours par un e. Je ne mettrai point d's après l'e, parce que cette phrafe eft à la première perfonne, je t'aie dit, & que l'e muet à la fin de la première perfonne du fingulier ne doit jamais être fuivi d'une s. Mon apoftrophe étoit bien placée. L'ABBÉ.

Oui, Mademoifelle. Quoique je t'aie dit mon avis; quoique j'aie dit mon avis à toi : le t fignifie à toi.

SOPHIE.

Et le participe dit: je l'ai fini par un t, parce qu'on dit au féminin dite.

LE COMTE.

Pourquoi n'avez-vous pas écrit par un e muet, après le participe, quoique je t'aie dite mon avis?

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