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chan, ouvrié, artisan. Orgueilleú, infolan, impertinen. Orgueilleufeman, infolemman, impertinemmen. Il vien, inftrui, éclaire; que de dire, en faifant fentir les confonnes finales, Marchan, touvrié, rartifan. Orgueilleú, zinfolan, timpertinent. Orgueilleufeman, tinfolemman, timpertinemman. Il vien, tin firui, téclaire, &c. Ainfi, quoi qu'on ne puiffe pas dire que ces fucceflions foient défectueufes, elles ont rarement bonne grace dans La poëfie, & même dans le difcours foutenu.

La poëfie aime les fucceflions du pronom perfonnel avant fon verbe: vous allez, nous applaudirons; de l'adjectif avant fon fubftantif: mon ami, grand homme, faux honneur, le premier inftant, Javant auteur; de l'adverbe avant le verbe, l'adjectif, l'adverbe, ou même la prépofition qu'il gouverne tout entreprendre, ne rien exécuter, on a finement agi, fouverainement aimable, fort aifément, bien avant; de la prépofition avant fes divers régimes nous en ufons, il ne faut pas en abufer, avant elle, après eux, fur un air connu fous un beau dehors, &c. dans lefquelles la prononciation lie les mots le plus intimement poffible: you zallez, nou zapplaudirons, mo nami, gran tomme, fau zonneur, premié rinflant, Javan tauteur, tou tentreprendre, ne rié nexécuter, fineman tagi, fouveraineman taimable, for taifément, bié navant, nous en nufons, en nabufer, avan telle, apré zeux, fu run air connu, fou un beau dehors, &c. Ainfi, quelle que foit la terminaifon du mot qui précede, & l'initiale du mot fuivant, ils ne peuvent prefque jamais produire qu'un effet agréable.

Mais dans toute autre fucceffion, les mots ne fe lient pas auffi naturellement. Si le premier finit par une confonne muette, & que le fecond commence par une voyelle, on ne peut fauver l'hiatus que par une affectation pénible. Allez au fait viennent-ils avec moi, un jon aigu, un brigand

arrêté, un bien honnéte, ouvrier adroit, en vinton à bout? parlez-en au Roi, avant & après. A moins qu'on ne fe faffe une loi de faire fonner toutes les confonnes, on eft toujours porté à prononcer en formant des hiatus, allée au fait, viennent-i avec moi, un fon aigu, un brigan arrété, un bien honnéte, ouvrié adroit, en vinton à bout? parlez-en au Roi, avan & après; & non allée zaufait, viennent-i zavec moi? un fon naigu, un brigan tarrété, un bié nonnéte, ouvrié radroit, en vint-on na bout? parlez-en nau Roi, avan té après, &c. Ainfi ces fuccellions, dans les vers, ne peuvent produire qu'un effet défagréable, à moins que la fin du mot qui précède ne produife tout fon effet indépendamment de la fyllabe qui peut commencer le mot fuivant.

LE COMT E.

A force de réflexions j'entrevois que vos obfervations font juftes; mais vous me permettrez de vous dire qu'elles font un peu minutieuses.

L'ABBÉ.

Soit, mais vous conviendrez auffi que ceux qui négligent ces minuties & autres femblables, font fouvent des vers qui, malgré la beauté des penfées, font trouvés mauvais, fans qu'on cherche à en deviner la caufc.

LE COMT E.

Quelles entraves ne mettroit-on point au génie poétique, s'il falloit obferver fcrupuleufement toutes ces règles-là ?

L'ABBÉ.

Ceux qui ont l'oreille fenfible & délicate les obfervent fans y penfer; mais ceux qui ne croient pas devoir s'en rapporter à leur organe, n'ont qu'à pofer pour principe que le mot qui précède un repos, de quelque nature qu'il foit, ne doit point finir par une confonne muette, à moins que le

mot qui fuit ce même repos, ne commence par une confonne. On ne devroit jamais fe fouftraire à cette loi; mais plus les repos font marqués, & plus elle eft indifpenfable.

LA MARQUIS E.

Cette règle doit-elle auili fe fuivre dans la profe? L'ABBÉ.

Oui, Madame; mais pas auffi ftrictement que dans les vers. On obferve feulement que les hiatus de toute espèce reviennent le moins fréquemment qu'il eft poflible, & qu'ils ne nuifent pas trop fenfiblement à l'harmonie du difcours; d'ailleurs, cette attention eft beaucoup plus néceffaire dans le ftyle oratoire que dans toute autre espèce de ftyle.

LE MILOR D.

J'avois cru jufqu'ici qu'il fuffifoit, pour éviter les hiatus, qu'un mot terminé par une voyelle fonore ne précédât pas immédiatement un mot commençant par une voyelle; mais je vois que malgré cette précaution, on peut former un grand nombre d'hiatus tout auffi marqués que ceux qui en portent ordinairement le nom.

L'ABBÉ.

Nous citerons encore pour exemple cette période de M. de Montefquicu.

L'Empereur Maurice prit la réfolution de ne verfer jamais le fang de fes fujets. Anaftafe ne punifoit point les crimes. Ifaac l'Ange jura que, de fon règne, il ne feroit mourir perfonne.

En prononçant comme l'exige le fens du difcours, on forme néceffairement un hiatus: fujets. Anaftafe, & une élifion forcée: crimes. Ifaac. Ces mots font féparés par un repos, ainfi il faut prononcer Jujé, Anaftafe, crime, Ifaac; & non fujë zanaflafe, crime zifaac.

LE COMT E.

Ce font-là des repos parfaits: ils font marqués par un point; & il n'eft pas étonnant qu'ils detruifent toute liaifon entre le mot qui les précède & celui qui les fuit. Mais s'il n'y avoit qu'un fimple repos, auquel une virgule fuffit, ou qui ne fût indiqué que par la conjonction &?

L'A BB É.

Vous fourniffez vous-même la réponse à votre objection. Vous prononcez : ce font des repos parfai, i font marqués par un poin, é i n'eft pas &c. un fimple repo, auquel une virgule fuffi, ou qui ne fût, &c. & ce n'eût été que par une affectation femblable à celle de quelques mauvais lecteurs, que vous euflicz pu prononcer ce font des repos parfaits, zils font marqués par un poin té il n'eft pas, &c. un fimple repá, zauquel une virgule fuffi, tou qui ne fût, &c.

LE COMTE.

Mais ces derniers repos, à bien le prendre, ne doivent point empêcher la liaifon de la lettre qui les précède, avec celle qui les fuit.

L'ABBÉ.

Je conviens que ces derniers repos font moins marqués que les premiers; cependant vous venez encore de prononcer ces derniers repó, à bien le prendre; & non ces derniers repó, à bien le prendre, &c.

LA MARQUISE

Que de fautes on peut commettre dans les vers puifqu'ils doivent fe prononcer aufli naturellement que la profe, & pourtant ne former aucune espèco d'hiatus!

LE MILOR D.

Ces réflexions doivent être bien utiles aux muficiens qui emploient des paroles françoises.

L'ABBÉ.

Elles font d'un auffi grand fecours pour ceux qui veulent compofer des vers fur un air connu.

LA MARQUISE.

Je ne fuis pas connoiffeufe, mais il y a beaucoup de pièces de mufique dont l'air ne me permet pas toujours d'entendre le fens des paroles.

L'ABBÉ.

La poëfie & la mufique font deux genres de déclamation qui doivent concourir au même but: elles ont l'une & l'autre des inflexions, des repos plus ou moins mar ués, dont l'accord bien ménage fait fentir toutes les beautés de l'une & de l'autre. Mais fi les paroles ne font pas exactement faites pour l'air, ou l'air pour les paroles, l'oreille & l'efprit font dans une contention perpétuelle: l'un ne peut être fatisfait qu'aux dépens de l'autre. Delà vient que tant de perfonnes chantent des ariettes qui les flatent, fans en comprendre le fens, fans fe douter même qu'il puiffe être bien compris; de manière que les plus beaux vers ne font pour elles qu'une fuite de fyllabes variées, un peu moins défagréables que les fept monofyllabes ut, re, mi, fa, , Jol, la, fi, par lefquels on défigne les fept notes de la game. Tout le monde connoît cette romance d'on ne s'avise jamais de tout:

Jufques dans la moindre chofe

Je vois mon amant empreint :
Quand j'éparpille une rofe,

Dans chaque feuille il eft peint, &c.

Ces quatre vers conviennent parfaitement à la mufique, qui indique un repos léger à la fin du premier & du troifième, un repos plus marqué à la fin du fecond, & un repos prefque parfait à la fin du quatrième.

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