Imágenes de página
PDF
ePub

C'est un philofophe aimable, charmant & obli geant.

Dans le premier exemple, les mots charmant & obligeant font des participes, car ils n'éprouvent aucun changement, foit qu'on mette la phrase au mafculin, au féminin, au fingulier ou au pluriel:

C'eft un philofophe aimable, charmant & obligeant tout le monde;

C'eft une perfonne aimable, charmant & obligeant tout le monde ;

Ce font des philofophes aimables, charmant & obligcant tout le monde;

Ce font des perfonnes aimables, charmant & obligeant tout le monde.

Mais dans le fecond exemple, les mêmes mots charmant & obligeant font des adjectifs, car ils font fufceptibles des deux genres & des deux nombres :

Un philofophe aimable, charmant & obligeant. Une perfonne aimable, charmante & obligeante. Des philofophes aimables, charmants & obli

geants.

Des perfonnes aimables, charmantes & obli

geantes.

SOPHIE.

Je vois bien qu'on peut dire des perfonnes charmantes & obligeantes, & qu'il feroit fort ridicule de dire des perfonnes charmantes & obligeantes tout le monde; mais je ne devine pas d'où cette différence peut venir.

LE COMTE.

C'eft, comme dit Monfieur, parce que les mots charmant & obligeant font adjectifs dans un exem→ ple, & participes dans l'autre.

SOPHIE.

Mais à quelles marques pourrai-je diftinguer les

participes, des adjectifs?

L'ABBÉ

L'ABBÉ.

[ocr errors]

L'adjectif n'exprime qu'une fimple qualité s'il offre quelque idée du verbe, c'elt feulement d'une manière poffible & fans rapport à aucun temps. Quand on parle d'hommes charmants & obligeants on ne veut pas dire qu'ils charment & qu'ils obligent actuellement, ni qu'ils ont charmé & obligé, ni qu'ils charmeront & obligeront; mais feulement qu'ils ont en eux les qualités requifes pour charmer & obliger.

Le participe, au contraire, ne défigne aucune qualité; il exprime la réalité du verbe, appliquée à un temps grammatical. Si ce temps eft le même que celui de la phrafe dans laquelle fe trouve le participe, on emploie le participe fimple: C'étoit une perfonne aimable, charmant & obligeant tout le monde, c'eft-à-dire, une perfonne aimable qui charmoit & obligeoit actuellement tout le monde.

Si le temps du participe gérondif eft antérieur à celui de la phrase, on fe fert du paffé ou compofé. C'étoit une perfonne aimable, ayant charmé & obligé tout le monde, c'est-à-dire, qui avoit charmé & obligé tout le monde.

Il n'en eft pas ainfi de l'adjectif : il n'a par luimême ni présent ni paffé. Des hommes charmants & obligeants peuvent avoir déjà été & être encore dans la fuite des hommes charmants & obligeants; mais ils ne font, n'ont été, & ne feront peut-être jamais des hommes ayant charmé & obligé.

SOPHIE.

Voilà une remarque excellente l'adjectif eft le même pour tous les temps, mais le participe a un préfent & un paffé:

Une perfonne aimable, charmant & obligeant tout le monde.

Une perfonne aimable, ayant charmé & obligé tout le monde.

Qq

Cette confidération doit fuffire pour diftinguer le participe de l'adjectif.

L'ABBÉ.

Nous en pouvons voir encore un exemple dans cette phrafe, que la prononciation permet également d'écrire avec le participe, je vis dix enfants buvant & mangeant, ou avec l'adjectif, je vis dix enfants buvants & mangeants.

LA MARQUISE.

Je trouve que ces deux phrases ont précisément la même fignification.

L'ABBÉ.

Vous vous trompez, Madame. La première, dans laquelle on emploie le participe, fignifie que les dix enfants étoient actuellement à boire & à manger; & fi on tranfportoit la phrase à un temps poftérieur de quelques inftants, on pourroit dire avec le paffé du participe, je vis dix enfants ayant bu & mangé. Mais dans la feconde phrafe, où les mots buvants & mangeants font des adjectifs, & conféquemment déclinés, il eft question de dix enfants qui ont la faculté de boire & de manger; c'eft à-dire, qu'ils fe portent bien, ou du moins qu'ils font vivants; & à quelque temps que vous tranfportiez la phrafe, s'ils continuent de fe bien porter, ou de vivre, on dira toujours dix enfants buvants & mangeants, & non, dix enfants ayant bu & mangé.

Il fuit naturellement de ces obfervations, que l'adjectif ne peut avoir de régime direct, car n'exprimant que la poflibilité du 'verbe, il n'a aucun objet déterminé; au lieu que le participe doit avoir les mêmes régimes que le verbe, puifqu'il en tient la place, & qu'il a exactement la même fignifi

cation.

LA MARQUISE.

Ces participes gérondifs au paffé font donc com

[ocr errors][ocr errors]

pofes d'un participe adjectif joint au participe gérondif du verbe étre ou du verbe avoir?

L'ABBÉ.

Oui, Madame; & ce participe adjectif eft déclinable ou indéclinable felon les loix que nous avons expliquées en parlant des temps compofés de l'indicatif.

LE MILOR D.

Vous dites que l'adjectif gérondif n'a jamais de régime on dit pourtant avec l'adjectif des perfonnes ufantes & jouiffantes de leurs droits; des prés dépendants de la maifon; une balle de toile aunante deux cents aunes.

L'ABBÉ.

Ces façons de parler font un refte de l'ancien ufage. Autrefois on déclinoit tous ces participes gérondifs; ce qui devoit répandre bien de l'obfcurité fur le fens du difcours, comme vous vous le figurez fans doute en vous rappelant tous les exemples que nous avons cités à cet égard. Aujourd'hui on fait généralement les participes gérondifs indéclinables, pour les diftinguer des adjectifs Si on déroge encore à cette règle, c'eft dans le ftyle du barrcau, où on retrouve beaucoup d'expreffions anciennes dont le difcours ordinaire n'offre plus

aucune trace.

LE MILOR D.

Mais du moins le participe gérondif devient déclinable quand il eft précédé de fon régime, comme on le voit dans ces vers de la Fontaine.

N'étant pas de ces rats qui, les livres rongeants,
Se font favants jufques aux dents.

L'ABBÉ.

Cette déclinabilité eft d'autant plus contraire aux principes, que l'expreflion dont il s'agit, les livres rongeants, n'eft point un participe gérondif, mais

૨૧ 2

un véritable gérondif: ces rats qui, en rongeant les livres ; & qu'il n'y a jamais eu aucun doute fur l'indéclinabilité de cette partie du difcours. Si cette négligence cft fupportable dans les vers cités, c'eft que l'oreille met peu de différence entre le fingulier & le pluriel des mots terminés par ant. Mais M. de la Fontaine n'eût fûrement pas dit : De ces fouris qui, les livres rongeantes.

il eût dit, conformément aux principes:

De ces fouris qui les livres rongeant, qui, en rongeant les livres, &c.

LE MILOR D.

On m'a donné une règle pour diftinguer les adjectifs des participes. Ceux auxquels on peut appliquer le verbe étre font des adjectifs, les autres font des participes. Quand je dis des hommes craignant Dieu, le mot craignant eft un participe, & conféquemment indéclinable, parce qu'on ne pent pas dire avec le verbe étre, des hommes qui Jont craignants Dicu. Mais quand je dis, vous avez des tableaux charmants, raviffants, les mots charmants & raviffants, font adjectifs, & par conféquent déclinables, parce qu'on peut dire avec le verbe étre, des tableaux qui font charmants, ravillants.

LE COMTE.

Pour prouver qu'un mot eft adjectif, il faut que la fucceflion de ce mot au verbe étre, foit immédiate; car le verbe étre peut précéder un participe gérondif, pourvu qu'on y interpofe le moindre mot, comme on le voit dans ces phrafes: nous étions là pêchant, chaffant du matin au foir. Cet enfant eft gentil, parlant bien, répondant jufte à toutes les queftions qu'on lui fait: ces mots péchant, chaffant, parlant, répondant, quoique précédés & gouvernés par le verbe étre, font de véritables participes gérondifs, car il eft queftion

[merged small][ocr errors]
« AnteriorContinuar »