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heureux, gai, content, en m'amufant comme un Roi; & encore moins: j'apperçus ces oifeaux en l'air, en volant à tire d'aile.

LE COMT E.

Je fais bien que cette prépofition n'auroit pas de fens commun; mais je ferois bien en peine de dire pourquoi.

L'ABBÉ.

Si vous y faites attention, vous verrez que le gérondif fe rapporte effentiellement au nominatif de la phrafe dans laquelle il eft inféré, & qu'il femble gouverner, comme le défigne fon nom venu du verbe latin gerere, conduire.

Je fais, en bien mangeant, l'éloge des morceaux. C'eft-à-dire, pendant que je mange bien.

Ces femmes hardies

Qui, goutant dans le crime une profonde paix, Ont fu fe faire un front qui ne rougit jamais. C'est-à-dire, pendant qu'elles, ces femmes hardies, ont goûté dans le crime une profonde paix.

Ainfi, fi on difoit j'ai vu ces oifeaux en l'air en volant à tire d'aile, celà fignifieroit pendant que je volois à tire d'aile; ce qui feroit une abfurdité.

LE COMTE.

Cela eft tout fimple. Si je dis vous me parlez en riant, c'eft-à-dire, pendant que vous riez, & non pendant que je ris. En commençant, je leur ai parlé d'affaires, c'cft-à-dire, quand j'ai commencé, & non quand ils ont commencé... Mais je ne crois pas que des François puiflent fe tromper fur cet article.

L'ABBÉ.

Cela fe rencontre plus fréquemment que vous ne croyez. Je peux vous citer à cet égard une période, tirée de la préface d'une célèbre grammaire.

Mes queftions méme ont été caufe qu'il a fait

diverfes réflexions fur l'art de parler, dont m'ayant entretenu dans la converfation, je les trouvai fi Jolides, que je me fis confcience de les laiffer perdre, &c.

Le gérondif, dont m'ayant entretenu dans la converfation, paroît dans ce difcours fous deux rapports incompatibles. Par la place qu'il occupe, il devroit gouverner la phrase dont il eft fuivi, je les trouvai fi folides, &c. & par conféquent avoir le même nominatif, c'eft-à-dire, la perfonne qui parle. Mais, par l'idée qu'il préfente, il fe rapporte à la perfonne dont on parle; car dont m'ayant entretenu, fignifie lui m'en ayant entretenu, après qu'il m'en eut entretenu, &c.

La conftruction feroit bien plus conféquente, fi le gérondif & la phrafe qu'il gouverne étoient à la même perfonne. Mais le fens du difcours ne permet pas de dire, en mettant l'un & l'autre à la troifième perfonne, Les vrais fondements de l'art de parler, dont m'ayant entretenu dans la converfation, il les trouva fi folides, qu'il me fit conscience de la laiffer perdre.

Il ne permettroit pas non plus de les mettre tous deux à la première perfonne : Les vrais principes de l'art de parler, dont m'étant inftruit dans la converfation, je les trouvai fi folides, que je me fis confcience de les laiffer perdre.

LA MARQUISE.

Il me femble que j'entends celà. En faifant bien, je vous promets que vous réuffirez. Ce gérondif, en faisant bien, se rapporte au nominatif de la phrafe je, qui eft à la première perfonne, & fignifie pendant que je fais ou que je ferai bien... Mais cette phrafe eft donc fauffe, car ce n'eft pas-là ce que j'entends je voudrois dire, pendant que vous ferez ou que vous faites le bien, je vous promets que vous réuffirez.

L'ABBÉ.

C'est que votre gérondif n'eft pas bien placé: il doit précéder immédiatement la phrafe qu'il gouverne. Or, puifque vous l'entendez à la feconde perfonne pendant que vous faites ou que vous ferez bien, il ne peut s'appliquer à votre première phrafe, je vous promets, qui eft à la première perfonne, mais à la dernière, vous réuffirez, qui eft à la feconde perfonne. Il falloit donc dire je vous promets qu'en faifant bien, vous réuffirez; & non, en faifant bien, je vous promets que vous réuffirez.

Cet exemple prouve que la fignification du gérondif peut dépendre de la place qu'il occupe : c'est à quoi on ne fauroit faire trop d'attention, pour ne pas former des phrases fauffes ou ambiguës.

LE MILOR D.

Je crois que le participe gérondif fe rapporte toujours au régime de la phrafe. Je vous ai trouvée cueillant des fleurs; c'est-à-dire, J'ai trouvé vous qui cueilliez des fleurs.

Mais fi j'ajoute la prépofition en Je vous ai trouvée en cueillant des fleurs, alors le participe fe changera en gérondif, & fe rapportera au nominatif je Je vous ai trouvée, moi cueillant des fleurs, pendant que je cueillois des fleurs.

L'ABBÉ.

Cette règle a généralement lieu après l'expreffion du régime. Mais il peut arriver que le régime ne foit point encore exprimé, ou que la phrase n'ait point de régime, ou que le régime foit le même que le nominatif. Dans tous ces cas, le participe fe rapporte, comme le gérondif, au nominatif de la phrafe.

C'eft une perfonne fort gaie, riant, chantant,' folâtrant du matin au foir.

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Nous nous fommes trouvés contents, ne defirant plus rien.

C'eft-à-dire, qui rit, qui chante, qui folâtre, qui ne defirions plus rien.

LE COM TЕ.

C'eft dans ces derniers cas qu'on peut fe permettre de fupprimer la prépofition en du gérondif, parce qu'alors il ne peut y avoir d'équivoque. Qu'on dife avec la prépofition, je fuis venu en courant, ou fans prépofition, je Juis venu courant, le gérondif courant, ou en courant, ne peut fe rapporter qu'au nominatif je. Il eft même affez indifférent que ce mot courant, foit pris pour gérondif ou pour participe, & qu'on entende je Juis venu pendant que je courois, ou je fuis venu moi qui

courois.

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur; mais il y a des cas où cette diftinction eft fort importante. Qu'on dife, par exemple, que de perfonnes ruinées jouant gros jeu & voyant nombreuje compagnie! faut-il entendre que ces perfonnes Je font ruinées pendant qu'elles jouoient gros jeu, & voyoient nombreufe compagnie; ou que des perfonnes ruinées jouent encore gros jeu & voient encore nombreufe compagnie? Dans le premier cas, la prépofition en eft indifpenfable: que de perfonnes ruinées en jouant gros jeu, & voyant nombreufe compagnie! Dans le fecond cas la phrafe feroit abfolument équivoque, & il faudroit prendre un autre tour d'expreffion.

Il ne faut pas confondre la prépofition en avec le pronom compolé en, dont nous avons parlé, qui eft formé de la prépofition de, jointe à un nom ou pronom. Vous avez ufé de vos droits, vous en avez joui, vous en avez abufé.

Ce pronom en produit toujours un mauvais effet, quand il précède immédiatement un gérondif ou un participe gérondif.

Vous avez appéfanti vos chagrins, en faifant un mystère à votre ami.

"C'est un bon chrétien, pardonnant à fes ennemis, en parlant avec charité.

D'abord on entend pendant que vous avez fait un mystère à votre ami; pardonnant à fes ennemis pendant qu'il en parle avec charité. Il faut un peu de reflexion pour démêler le vrai fens de ces phrafes.

Vous avez appéfanti vos chagrins, pendant que yous en avez fait un mystère à votre ami: pendant que vous avez fait à votre ami un mystère de ces chagrins.

C'est un bon chrétien, pardonnant à ses ennemis, parlant d'eux avec charité.

Il est inutile de répéter ce que nous dîmes hier fur la prononciation de la prépofition en.

LA MARQUISE.

Je me rappelle les équivoques de prononciation que cette prépofition peut occafionner dans les gérondifs ceci eft du ftyle. Mais, puifque les gérondifs & les participes gérondifs finiffent toujours par ant, fans être fufceptibles d'aucune variation, ils ne doivent rien avoir d'intéreflant pour l'orthographe.

L'ABBÉ.

Celà eft abfolument vrai du gérondif, parce qu'il eft impoffible de le méconnoître par-tout où il fe trouve, vu, comme nous l'avons dit, qu'il eft ou peut toujours être précédé de la prépofition en. Mais il n'en eft pas de même du participe gérondif on le confond aifément avec des adjecrifs qui font pareillement terminés par ant, & qui dérivent auffi des verbes, avec cette différence qu'ils font déclinables, comme tous les autres adjectifs, au lieu que les participes font indéclinables.

C'est un philofophe aimable, charmant & obligeant tout le monde.

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