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rendre hommage, on je prépare des combats perpétuels; en chériffant la vertu, en n'ofant lui rendre hommage, on Je prépare des combats perpétuels. Quelques perfonnes trouvent de la grace dans ces exprellions équivoques; mais ceux qui écrivent ou qui parlent pour être entendus, déterminent l'affirmation, en plaçant le pronom on ou la prépofition en avant un mot qui commence par une confonne : nous fommes perdus, fi on veut en décider autrement; en chériffant la vertu, en lui rendant hommage, &c. & la négation, par un complément négatif: nous fommes perdus, fi on n'en décide pas autrement; en chériffant la vertu, en n'ofant jamais lui rendre hommage; ou en mettant immédiatement après la négative ne, un mot qui commence par une confonne : nous fommes perdus fi on ne veut en décider autrement; en chériffant la vertu, en ne fachant pas lui rendre hommage, &c. &c.

LE MILOR D.

Nous direz-vous un mot de la phrase admirative?

L'ABBÉ.

Ce que nous pouvons en dire n'eft pas fort effcntiel à notre but. On donne le nom de phrafes admiratives à toutes celles qui expriment les grands mouvements de l'ame, & qui renferment des exclamations. Ces phrafes font, comme nous l'avons déjà dit, caractérifées par le point admiratif ( ! ) qui fe met à la fuite de chaque exclamation, & qui, felon la remarque de Madame, devroit toujours précéder les expreffions qu'il caractérise. Ces phrafes expriment ou l'admiration :

Que je l'aimois alors ! Que je la trouvois belle ! ou le defir:

Que n'ai-je encore une âme,

Pour mieux fentir mon bonheur !

Dieu veuille que vous réuffiffez! Faffe le ciel

qu'ils vivent en paix! Puiffe-je vous revoir bientôt ! Plút à Dieu qu'on nous rendit juftice! Puffent-ils nous juger mieux! Ces phrafes de defir, qu'on appelle auffi phrafes optatives, gouvernent toujours l'infinitif ou le fubjonctif.

Ces phrafes expriment encore la fureur :

O rage! ô désespoir! 6 fortune ennemie !

ou l'horreur:

Dieux fon fang coule encor

Brutus... fon affaffin... ce monftre étoit fon fils!

ou la plainte:

Quels reftes, juftes Dieux, de la grandeur Romaine ! ou le reproche :

Quoi, Seigneur, vous ofez me tenir ce langage!
Vous, cruel!

ou le dédain:

Lui qu'un affaffinat ait pu troubler fon âme !
Moi, fléchir ! moi, ramper, lorfque je vis encore !
Moi, jaloux! Qu'à ce point ma fierté s'aviliffe!
Moi! Que je fache aimer comme l'on fait hair!
ou l'étonnement:

Elle vit : & c'eft vous qui venez me l'apprendre!
Ou fuis-je de Baal ne vois-je pas le Prêtre !
ou une admiration ironique:

O le fingulier perfonnage ! &c, &c.

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Ces exclamations font fouvent caractérisées par des mots ou expressions invariables qu'on appelle interjections, parce qu'elles font comme jettées parmi les autres parties du difcours, avec lesquelles elles n'ont abfolument aucune liaison. O... ciel.. juftes Dieux... O ciel... moi!... lui... &c. &c SOPHIE.

J'ai entendu quelquefois des hommes mécontents femer leurs phrafes de plufieurs mots qui ne m'y paroiffoient pas fort néceffaires. C'étoient apparemment là des interjections?

L'ABBÉ.

Oui, Mademoifelle.

SOPHIE.

Je ne me figurois pas que ces mots-là puffent tenir leur place parmi les parties du difcours.

L'ABBÉ.

Les interjections font quelquefois des phrafes dont le verbe eft fous-entendu, telles que celles-ci : Allons, ferme, mon cœur. Bon. A merveille. Courage. C'eft comme fi on difoit: Sois ferme mon cœur. Celà eft bon. Celà fait à merveille. Prenez courage, &c. &c.

LE MILOR D.

Toutes les phrases dans lefquelles on fous-entend les verbes, font-elles des interjections?

L'ABBÉ.

Non, Monfieur: il faut pour celà qu'elles puiffent être retranchées fans que le fens du difcours en foit moins complet. Par conféquent celles-ci ne peuvent être prifes pour des interjections: Pas un feul petit morceau

De mouche ou de vermiffeau

Point de tyran, point de flateur;
Sur-tout point d'amoureufe erreur :
Point de Philis qui nous foit chère.

Car, quoi rien d'affiré, point de franche lippée;
Tout à la pointe de l'épée.

Dans ces exemples, le verbe eft fous-entendu : c'eft comme fi on difoit Elle n'avoit pas un feul petit morceau, &c. n'ayons point de tyran, &c. vous n'avez rien d'affure, &c. vous avez tout à la pointe de l'épée. Mais toutes ces phrafes font des parties effentielles des difcours dans lefquels elles fe trouvent; ainfi ce ne font point, des interjections.

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LA MARQUISE.

Voilà donc tous les genres de phrafes expliqués? L'A B B É.

Pas encore, Madame: il nous refte à parler du gérondif & du participe gérondif.

LE COMTE.

Ce font des mots invariables, à l'égard defquels il eft impoffible de commettre aucune faute d'orthographe.

L'ABBÉ.

Celà feroit vrai, s'il étoit facile de reconnoître ces mots par tout où ils fe trouvent; mais on les confond fouvent avec des adjectifs qui ont la même forme, à la déclinabilité près. D'ailleurs, le bon ou le mauvais emploi des gérondifs & participes gérondifs peut beaucoup influer fur la clarté du difcours: toutes ces confidérations fourniront matière à un entretien fort intéreffant.

DIALOGUE XIX.

DU GERON DIF; DES PARTICIPES, ADJECTIFS, SUBSTANTIFS ET ADVERBES GÉRON DIFS.

LA MARQUISE, SOPHIE, L'ABBÉ, LE COMTE, LE MILORD.

J'AI

LE COMTE.

J'AI toujours vu traiter affez légèrement les gérondifs & participes gérondifs; je fuis curieux de voir la manière dont vous nous les ferez en vifager.

L'A B BÉ.

Nous avons déjà dit que le gérondif eft une phrafe adverbiale ou incidente, compofée d'un mot invariable dérivé du verbe, & toujours terminé par ant, précédé de la prépofition en, exprimée ou fous-entendue. Je m'inftruis en m'amufant. Ils s'échapèrent volant à tire d'aile, ou en volant à tire d'aile. En m'amusant, volant ou en volant, font des gérondifs; ils forment, comme vous voyez, des efpèces d'adverbes, qui peuvent fe traduire ainfi: pendant que je m'amuse, pendant qu'ils voloient à tire d'ailes.

LE COMT E.

Quelques grammairiens femblent ranger les gérondifs & les participes gérondifs dans la même claffe.

L'A B B É.

J'y trouve une différence affcz marquée. Il eft vrai que le même mot invariable fert à l'expreffion du participe & à celle du gérondif; mais le participe ne peut être précédé de la prépofition en, qui fait une partie effentielle du gérondif. D'ailleurs, nous venons de voir que le gérondif eft une expreffion adverbiale, qui peut fe tourner par la conjonction pendant que; & le participe gérondif eft une phrafe adjective, à laquelle on peut fubftituer le relatif qui, fuivi du verbe conjugué, comme on le voit dans cet exemple: Vous me voyez heureux, gai, content, m'amusant comme un Roi. Tapperçus ces oifeaux en l'air, volant d tire d'aile. C'eft comme s'il y avoit: Vous me voyez heureux, gai, content, qui m'amufe comme un Roi. J'apperçus ces oifeaux en l'air, qui voloient` à tire d'aile.

SOPHIE.

Cela fait une grande différence; & puis, vous ne diriez pas avec la prépofition en, vous me voyez

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