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LE MILOR D.

Vous ne faites rapporter le fubjonctif ni à la phrafe gérondive, ni à la phrase participe, ni à la phrafe infinitive. L'ABBÉ,

Ces trois derniers modes font auffi propres que les autres à gouverner le fubjonctif; mais comme ils ne défignent qu'un préfent ou un paffé vague: aller, étre allé, allant, étant allé; courir, avoir couru, courant, ayant couru, &c. ils ne peuvent déterminer le temps de la phrafe dans laquelle ils fe trouvent, ni par conféquent celui du fubjonctif qu'ils gouvernent. Par exemple, l'infinitif fimple permettre peut gouverner indifféremment tous les temps du fubjonctif.

PERMETTRE.

Que je m'explique

Que je m'expliquaffe,
Que je me fois expliqué
Que je me fuffe expliqué.

On pourroit à cet infinitif permettre, fubftituer le gérondif ou le participe permettant, ou les paffés de ces mêmes modes: avoir permis, ayant permis. LA MARQUISE.

Le temps de ces efpèces de phrafes n'eft donc jamais déterminé ?

L'ABBÉ.

Il l'eft ordinairement par d'autres verbes qui complettent l'expreffion. Si on dit, par exemple, en permettant qu'on m'accufe, vous devez permettre que je m'explique, le feul verbe vous devez, qui eft au préfent indicatif, fait voir que le gérondif en permettant, l'infinitif permettre, & le fubjonctif que je m'explique, font pareillement au préfent.

Mais fi on dit, en permettant qu'on m'accufe; vous devrez permettre que je m'explique, le verbe futur, vous devrez, imprime à toute la phrafe le caractère du futur; comme dans celle-ci: en per

mettant qu'on m'accusát, vous dûtes permettre que je m'expliquaffe, le verbe, vous dûtes, fait voir que la phrafe eft au temps parfait. En un mot qu'avec ce même commencement on dife fucceffivement pour la feconde partie de la phrase, vous deviez permettre, vous avez dú permettre, vous aviez dû permettre, vous devriez permettre, vous auriez du permettre que je m'expliquaffe, toutes les parties de la phrafe pafferont fuccellivement à l'imparfait, au préfent paffé, à l'imparfait paffé, au conditionnel, au conditionnel paflé, &c. &c. LE MILOR D.

Le gérondif, le participe & l'infinitif font donc toujours au même temps que le refte de la phrase? L'ABBÉ.

Non, Monfieur : ils peuvent encore être à un temps antérieur à celui de la phrafe; & alors on emploie le gérondif, l'infinitif & le participe paffés ou compofés, comme on les voit dans cette phrase: ayant permis qu'on m'ait accufé, vous devez avoir permis que je me fois expliqué, où le verbe, vous devez eft au préfent, & tout le refte au préfent paffé; dans celle-ci: ayant permis qu'on m'accusat vous devriez avoir permis que je me defendiffe où le verbe vous devriez eft au conditionnel fimple ou préfent, & le gérondif ayant permis, & l'infinitif avoir permis, au conditionnel paffé ou compofé.

LA MARQUISE.

Selon ce que je vois, toutes les fois que le verbe eft précédé de la conjonction que, il est au fubjonctif.

L'ABBÉ.

Il y a une exception générale à cette règle; c'eft quand le verbe qui gouverne n'exprime qu'une fimple affirmation ou perfuafion, fans y joindre l'idée du doute ni d'aucun autre fentiment; comme

quand on dit je crois que vous m'aimez préfentement, vous penferez que je ferai avec vous, ils gageroient que je ferois inftruit de l'affaire, je dis que vous n'étiez pas arrivé. On ne fe permettroit amais de dire avec le régime au fubjonctif, je crois que vous m'aimiez préfentement; vous penferez que je fois avec vous, ils gageroient que je fuffe mal inftruit de l'affaire, je dis que vous ne fuffiez pas arrivé, &c. &c.

LE COMT E.

Mais on emploie le fubjonctif dans la négation de ces mêmes phrafes. On dit je ne crois pas que yous m'aimiez, & non je ne crois pas que vous m'aimez; vous ne penserez pas que je fois avec yous, & non vous ne penserez pas que je ferai avec vous; ils ne gageroient pas que je fuffe inftruit de l'affaire, & non ils ne gageroient pas que je ferois inftruit de l'affaire ; je ne dis pas que vous fuffiez arrivé, & non je ne dis pas que vous étiez arrivé, &c. &c.

L'ABBÉ.

Celà eft vrai, Monfieur, à moins que le verbe gouverné, que nous appellerons le verbe régime n'offre abfolument une idée de réalité; comme on difoit je ne crois pas que vous m'aimez, & vous m'en donnez mille preuves; ma présence fe manifeftera par mes bienfaits, & vous ne penserez pas que je ferai avec vous; ils me verroient agir conféquemment, & ne gageroient pas que je ferois inftruit de l'affaire; je vous avois vu, mais je ne dis pas que vous étiez arrivé, &c. &c. Dans ce fens, l'indicatif, dans lequel je comprends le conditionnel me paroît bien plus énergique que le fubjonctif; cependant beaucoup de perfonnes y emploieroient exclufivement le dernier.

LA MARQUISE.

J'ai lu que les verbes qui marquent le defir ou le commandement, doivent être mis au fubjonctif.

L'ABBÉ.

Pardonnez-moi, Madame. Ce ne font pas les verbes qui expriment le defir, le commandement, ou tout autre mouvement de l'ame, qui doivent néceffairement être mis au fubjonctif, mais les verbes qui leur fervent de régime, & qui leur font unis par la conjonction que. Qu'on dife

par

exemple, je defire que vous réuffiffiez, le Roi ordonna que les chofes demeuraffent ainfi; ce ne font pas les verbes je defire, le Roi ordonna, qui font au fubjonctif, mais leurs régimes, que vous réuffiffiez, que les chofes demeurassent ainsi.

LE MILOR D.

Je vois cela. Si, au lieu des verbes je defire, le Roi ordonna, on employoit des verbes dans lefquels l'affirmation ne fût modifiée par aucun mouvement de l'ame, les verbes fuivants ne feroient plus au fubjonctif. On diroit, par exemple, je fais que vous réuffirez, le Roi apprit que les chofes demeureroient ainfi les phrafes régimes que vous réeuffirez, que les chofes demeureroient ainfi, prennent la forme indicative.

:

LA MARQUISE

Ainfi, quand je dis vous prétendez que nous fommes heureux, je ne mets point le fecond verbe au fubjonctif, parce qu'il exprime une idée pofitive; & que c'eft comme fi on difoit vous affurez, vous foutenez que nous fommes heureux.

SOPHIE.

Mais on dit auffi vous prétendez que nous foyons heureux; cependant, fi je ne me trompe, que nous foyons heureux eft une phrafe au fubjonctif que nous foyons, que vous foyez, &c.

L'ABBÉ.

Oui, Mademoifelle; mais ici le fubjonctif que nous foyons, donne au verbe vous prétendez, un

fens différent de celui qu'il a dans la phrafe de Madame. Vous prétendez que nous foyons heureux, celà fignific vous voulez, vous commandez, vous ordonnez que nous foyons heureux, & non vous aflurez, vous foutenez que nous fommes heureux.

nous

Il y a plufieurs autres verbes qui, felon qu'ils font pris dans un fens plus fimple ou plus compliqué, gouvernent, tantôt l'indicatif, tantôt le fubjonctif. Par exemple, on peut dire avec l'indicatif, nous répondons, nous entendons, nous décidons difons que ces perfonnes font eftimables; c'est-àdire nous affurons nous comprenons jugeons, nous affirmons que ces perfonnes font eflimables; & avec le fubjonctif, nous répondons, nous entendons, nous décidons nous difons que ces perfonnes foient eftimables, fi elles veulent être eftimées; c'est-à-dire, nous répondons à ce qu'on nous dit, qu'il faut que ces personnes foicnt eftimables; nous entendons, nous décidons, nous difons qu'il faut que ces perfonnes foient eftimables.

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Il eft inutile de dire que les infinitifs, les gérondifs & les participes influent, de la même manière que leurs verbes, fur les verbes qui leur fervent de régimes. On dira également avec l'indicatif, je crois que vous m'aimez, je dois croire que vous m'aimez, croyant que vous m'aimez; & avec le fubjonctif, je doute que vous m'aimiez, je puis douter que vous m'aimiez, doutant que vous m'aimiez, &c. Ceci ne demande pas de nouvelles explications, parce que les infinitifs, les gérondifs & les participes ont exactement les mêmes régimes que leurs verbes.

LE MILOR D.

Vous avez auffi des adjectifs qui gouvernent le fubjonctif, & d'autres qui gouvernent l'indicatif.

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur : ils influent encore, de la même manière que les verbes, fur les verbes qui leur

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