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aimé & labouré font des adjectifs qui fe rapporten au pronom il & au fubftantif champ; dans la feconde & la quatrième, les mots aimer & labourer font des infinitifs de la première conjugaifon, qui pour cette raifon, finiffent par des r muettes.

LE COMTE.

J'ai auffi mes doutes à vous communiquer. Fautil dire avec le participe décliné,

La fortune s'eft rie de nous;

Ils je font moqués des dangers ;
Elles fe font emparées des Juffrages?
Ou, avec le participe indéclinable,
La fortune s'eft ri de nous ;
Ils fe font moqué des dangers;
Elles fe font emparé des fuffrages?

L'ABBÉ.

On s'accorde affez généralement dans tous ces cas, à décliner le participe felon le genre & le nombre du nominatif de la phrafe: le bon fens exige même cette déclinabilité dans le dernier exemple, elles fe font emparées des fuffrages. Ce font vifiblement des perfonnes emparées des fuffrages.

Mais dans les deux premiers exemples, il me femble que le participe ne devroit point être décliné; car il ne s'agit pas de dire que la fortune eft rie ni que les gens dont on parle font moqués: le vrai fens eft, fi je ne me trompe, la fortune a ri de nous à foi, ils ont moqué à eux des dangers. Ainfi, dans ces phrafes, le pronom conjoint fe eft un régime indirect, à foi, à elle, à eux; par conféquent il ne doit point influer fur le genre & le nombre des participes ri & moqué. J'écrirois donc avec le participe indéclinable, la fortune s'eft ri de nous, ils fe font moqué des dangers; & je crois que c'eft par abus qu'on écrit prefque généralement avec le participe décliné, la fortune s'eft rie de nous, ils fe font moqués des dangers, &c. je dirois

de même, avec le participe indéclinable, nous nous femmes plu à faire le bien, elles fe font déplu à la campagne, parce qu'il n'eft pas queftion de dire que nous fommes plus, ni qu'elles font déplues, mais que nous avons plu à nous-mêmes en faisant le bien, qu'elles ont déplu à elles-mémes étant à la campagne.

LE MILOR D.

Je fais que quand les verbes n'ont point de régime direct, leurs participes font déclinables ou indéclinables, felon qu'ils fe conjuguent avec l'auxiliaire étre ou avoir; mais je ne fais prefque jamais lequel de ces deux auxiliaires on doit employer.

L'ABBÉ.

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Dans quelques verbes qui fe conjuguent indifféremment avec l'un & l'autre auxiliaire, tels que périr, accourir, apparoitre, comparoître, difparoitre, croitre, décroitre, accroître, recroître, &c. on fe fert de l'auxiliaire avoir, quand le verbe a une fignification plus active que paffive, quand il s'agit d'exprimer l'action, le moment du verbe : l'auxiliaire étre s'emploie quand il s'agit moins d'exprimer l'action du verbe, que les conféquences qui résultent de cette action; de forte qu'alors le participe devient en quelque forte un adjectif, & qu'il doit prendre le genre & le nombre du nominatif de la phrafe. Je dirois donc avec l'auxiliaire avoir, ces vaiffeaux ont péri fous mes yeux, la foule avoit accouru fur mes pas; & avec l'auxiliaire étre ces vaiffeaux font péris depuis mon arrivée; la foule étoit accourue, & on n'avoit encore rien préparé.

Au refte, ceux de ces verbes dont les adjectifs font abfolument empruntés du gérondif, & non du participe adjectif, fe conjuguent avec l'auxiliaire avoir. A caufe qu'on dit, des perfonnes languif fantes, riantes, & non des perfonnes languies &

ries; un chien courant, & non un chien coura; une eau dormante, & non une eau dormie ; il faut dire, ces perfonnes ont langui, ces perfonnes ont ri, ce chien avoit couru, nous aurons dormi; & non ces perfonnes font languies, ces perfonnes font ries, ce chien étoit couru, nous ferons dormis, &c.

Si l'adjectif peut être emprunté du participe adjectif, alors le verbe fe conjugue ordinairement avec l'auxiliaire étre. Parce qu'on peut dire, une perfonne partie, allée, venue, née, morte; il faut dire, je fuis parti, elles font allées, vous étes venus, rous fommes nés, ils étoient morts, & non j'ai parti, elles ont allé, vous avez venu, &c.

LE MILOR D.

On dit un vaiffeau échappé du danger: cependant j'ai lu qu'on pouvoit dire avec l'auxiliaire avoir, ce vaiffeau a échappé de grands dangers. L'ABBÉ.

Je ne me permettrois guère cette façon de parler; d'ailleurs ceux qui s'exprimeroient ainfi, donneroient au verbe échapper un régime direct, de grands dangers; & nous parlons préfentement des verbes qui n'ont point de régime direct, ni exprimé ni fous-entendu.

LE COMTE.

Voici pourtant une difficulté que toutes les règles ne peuvent réfoudre. On dit également avec le verbe étre, cette perfonne eft demeurée à Paris, ou avec le verbe avoir, cette perfonne a demeuré à Paris.

L'ABBÉ.

Ces deux phrafes n'ont pas le même fens : la première fuppofe dans tous les temps du verbe, que cette perfonne eft reftée à Paris jufqu'à ce qu'elle puiffe ou qu'elle veuille en fortir: c'eft, c'a été ou ce fera une perfonne demeurée à Paris pour fes affaires, pour fon plaifir, &c. Cet adjectif

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demeurée, eft tout femblable au participe paflif: ainfi dans ce fens, le verbe demeurer doit fe conjuguer avec l'auxiliaire étre : cette perfonne eft demeurée à Paris.

Dans la feconde phrafe, il s'agit d'une demeure fixe: c'eft, ç'a été, ce fera une perfonne demeurante à Paris. Cet adjectif demeurante, eft emprunté du gérondif demeurant; ainfi, dans ce dernier fons, le verbe demeurer doit fe conjuguer avec l'auxiliaire avoir : cette perfonne a demeuré à Paris.

LE MILOR D.

Je vois que l'auxiliaire avoir marque toujours une action finie, au lieu que l'auxiliaire étre offre une certaine idée de permanence. On dit qu'un temoin a, avoit ou aura comparu, parce que c'eft l'action du moment, & que ce témoin ne refte pas comparu. Mais il faut dire qu'un vaiffeau eft, étoit ou fera arrivé, parce que le vaiffeau refte au moins arrivé pendant un certain temps.

LE COMTE.

Relativement aux vaiffeaux, le verbe arriver a deux fignifications bien différentes: venir au port & céder au vent. On dit avec le verbe étre, Que le vaiffeau eft arrivé à bon port; & avec le verbe avoir, qu'il a arrivé vent arrière; parce que dans le dernier fens, arriver, céder, obéir au vent, n'eft qu'une action momentanée.

SOPHIE.

Cette explication du verbe arriver m'eût été bien néceffaire il y a quelques jours, pour comprendre le récit qu'un navigateur faifoit de fon voyage. Je trouvai qu'il arrivoit au moins vingt fois pour une. Quand il vit la tempête trop violente, il arriva pour ne pas rompre fes mâts & fes cordages. Je conçois celà préfentement: il céda au vent, qui l'auroit fracaffé, s'il lui avoit oppofé trop de réfiftance.

L'ABBÉ.

Les termes d'arts offrent mille équivoques femblables. Je me rappelle toujours la méprife de cet homme qui ignoroit qu'au jeu du Tridrac, s'en aller, fignifie défaire le jeu & remettre les dames comme elles étoient au commencement de la partie. Il étoit demeuré fort tard dans un tripot, feul auprès de deux joueurs obftinés. Il furvint une contestation; on voulut s'en rapporter au jugement du spectateur. A moi, Mefsicurs, dit-il ? Je ne connois point du tout ce jeu-là; mais comme vous difiez à tout moment, je m'en vas, je penfois toujours que votre partie alloit finir, & que j'aurois profité de la compagnie de Monfieur, qui demeure dans le même quartier que moi.

LE MILOR D.

Nos queftions ont fufpendu vos explications fur la conjugaifon des verbes.

L'ABBÉ.

Ces digreffions n'ont rien qui foit étranger à notre but nous aurions été obligés d'y venir tôt ou tard. Nous allons préfentement parler du conditionnel, c'eft-à-dire, comme nous l'avons déjà expliqué, du mode qui fuppofe des conditions.

Ce mode n'a qu'un temps fimple & un temps compofé. Le temps fimple du conditionnel reffemble au futur de l'indicatif, à la terminaifon près, qui eft tout-à-fait femblable à celle de l'imparfait.

SOPHIE.

L'écrit-on auffi par oi ou par ai, felon qu'on veut fuivre l'ancienne ou la nouvelle orthographe ?

L'A BB É.

Oui, Mademoiselle. C'eft ce que vous allez voir par quelques exemples dans lefquels nous comparerons le futur & le conditionnel,

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