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un hiatus nafal: c'eft ce qui fe voit dans ces phrafes parlons-en avec respect, prenez-en auffi. Ce feroit fort mal parler que de dire parlons-en navec refpect, prenez-en nauffi, &c.

Mais quand le mot en eft une prépofition, l'n fe prononce double toutes les fois que le mot fuivant commence par une voyelle. En été, en hyver, en allant vers le nord, fe prononcent en nété, en nyver, en nallant vers le nord, &c.

SOPHIE.

Quand eft-ce qu'on peut favoir fi le mot en eft une prépofition?

L'ABBÉ.

Quand il peut être entiérement fupprimé, ou remplacé par la prépofition dans. Ainfi au lieu de dire en été, en hyver, en allant vers le nord, on peut dire avec la prépofition dans, dans l'été, dans l'hyver, & fans prépofition, allant vers le

nord.

LA MARQUISE.

Si je ne me trompe, on m'a dit que l'n de la prépofition en s'écrit quelquefois double.

L'ABBÉ.

Cette duplication n'a jamais lieu. Ce qui fait illufion, c'eft que dans les négations, c'eft-à-dire dans les phrafes qui fervent à nier, à dire qu'une chofe n'eft pas, on emploie ordinairement le petit mot ne, qui fe conferve entier, fi le mot qui fuit commence par une confonne vous ne venez pas; je ne vous trompe point, &c. & dont l'e fe change en une apoftrophe, file mot fuivant commence par unc voyelle. Vous n'allez pas, on n'y peut pas tenir, &c.

De forte que quand la prépofition en précède une phrafe négative, ce qui n'a licu qu'au gérondif, fi elle eft immédiatement fuivie d'un compofé du petit mot ne, & d'un autre mot commençanı

Kk

par une voyelle, l'n qui commence ce compofé paroît provenir de la prépofition en, en n'allant pas loin, en n'y penfant pas, en n'ayant rien à fe reprocher, &c.

Dans ce dernier cas, la négation n'eft pas toujours bien fenfible à l'oreille; ce qui fe voit en comparant ces phrafes affirmatives, en y penfant à peine, en ayant peu de chofes à fe reprocher, avec ces phrafes négatives, en n'y penfant qu'à regret, en n'ayant rien à fe reprocher.

Pour déterminer le genre de la phrase, il n'y a qu'à faire entendre après la prépofition en, un mot qui commence par une confonne. Subftituons, par exemple, ccs phrafes à celles que nous venons de citer. En le penfant à peine, en trouvant peu de chofes à fe reprocher... En ne le penfant qu'à regret, en ne trouvant rien à fe reprocher: cette fubftitution de le à y, & de trouvant à ayant, oblige de prononcer le petit mot ne dans les dernieres phrafes, & ne permet plus de le foupçonner dans les deux premières; ce qui fait voir qu'on doit écrire fans négation en y penfant à peine, en ayant peu de chofes à fe reprocher, & avec la négation en n'y penfant qu'à regret, en n'ayant rien à fe reprocher.

LE MILOR D.

Vous prononcez ayant comme s'il y avoit éiant; j'ai vu des perfonnes qui voudroient qu'on prononçât a-iant.

L'ABBÉ.

Cette dernière prononciation n'eft adoptée que par un petit nombre de perfonnes, qui femblent vouloir fe diftinguer. Tout le monde s'accorde à écrire ayant par un y, & nous avons vu que cette lettre produit l'effet de deux i: ai-iant, ce qui se prononce é-iant, & non a-iant. C'eft par la même raifon que les mots ayons, ayez, fe prononcent é-ions, é-iez, & non a-ions, a-iez, &c. Ceci eft

encore confirmé par les règles de l'analogie. Que j'aie, que tu aies, ou fi on veut, que j'aye, que tu ayes, fe prononcent que j'ée ou que j'eie; que tu ées ou que tu éies: perfonne n'oferoit prononcer que j'a-ie, que tu a-ïes, &c.

SOPHIE.

Il y a, je crois, un autre petit mot dans lequel I'n fe prononce double comme celle du mot en.

L'A B B É.

Oui, Mademoiselle, c'eft le pronom général an; mais cette prononciation n'a licu que quand il précède un verbe dont il eft pronom perfonnel, & que ce verbe commence par une voyelle ou une h muette. On aime Dieu, on arriveroit, se prononcent on naime Dieu, on narriveroit, &c. Avant les phrafes négatives, le pronom on peut produire les mêmes équivoques de prononciation que la prépofition en. On aime, on n'aime pas; fi on y prend garde, fi on n'y prend garde. Ces équivoques fe détruifent comme les premières, en faifant entendre après le pronom on, un mot qui commence par une confonne: on chérit, on ne chérit pas; fi on veut prendre garde, fi on ne veut prendre garde, &c. ce qui montre évidemment les phrafes où le mot ne ou n' doit être employé.

SOPHIE.

J'y fuis: on aiment, doit s'écrire fans doubler I'n, parce que dans on parlent, on ne prononce point le mot ne; mais il faut écrire en doublant I'n, on n'aiment pas, parce que le mot ne fe fait fentir dans on ne parlent pas.

LE COMT E.

Le pronom général on eft toujours à la troifième perfonne du fingulier, ainfi vous avez eu tort d'écrire par nt, on aiment, on parlent; on n'aiment pas, on ne parlent pas : il falloit écrire par un e

fimple, on aime, on parle, on n'aime pas, on ne parle pas. En celà le pronom on reffemble à tous les autres pronoms finguliers indéfinis: on écrit au fingulier, perfonne ne parlera, aucun ne vient; & non au pluriel, perfonne ne parleront, aucun ne viennent, &c.

LA MARQUISE.

Je favois bien que le pronom on demandoit toujours le verbe au fingulier. Où peut-on être mieux, qu'au fein de fa famille? Peut-on affliger ce qu'on aime? Le verbe peut eft au fingulier, car on ne dit pas Où peuvent-on être mieux? Peuvent-on affliger ce qu'on aime?

L'ABBÉ.

Vous dites, en doublant l'n, où peut-on nétre mieux... peut-on naffliger?

LA MARQUIS E.

Oui, Monfieur, & c'eft ainfi que prononcent tous ceux qui chantent les airs dont ces vers font partie.

L'ABBÉ.

C'eft une faute que le poëte a rendue néceffaire, & qu'on ne pourroit éviter fans former un hyatus défagréable. L'n du pronom on ne doit fe prononcer double que quand il précède le verbe dont il eft le pronom perfonnel. Examinons les phrases citées, & nous verrons que le mot on gouverne le verbe pouvoir, & non les verbes étre & affliger: ces phrafes, mifes dans l'ordre pòfitif, feroient on peut être mieux qu'au fein de fa famille, on peut affliger ce qu'on aime.

LA MARQUISE.

Il faudroit donc prononcer en faisant un hiatus, où peut-on étre mieux, peut-on affliger, comme quand on dit, un fon éclatant, un charbon ardent, &c. ?

L'ABBÉ.

Oui, Madame, fi on veut parler avec cxactitude
LA MARQUISE.

Cette prononciation ne feroit pas fouffrable.
L'ABBÉ.

Cela eft vrai, Madame. Les poëtes ne fauroient éviter trop foigneufement ces conftructions, qui forcent le chanteur ou le déclamateur d'opter entre une exactitude qui choque l'oreille, & une délicateffe que le bon fens défapprouve.

LE MILOR D.

Vous ne dites jamais l'on, en ajoutant l'article au pronom on.

L'ABBÉ.

Non, Monfieur; cette addition ne me paroît pas naturelle.

LE COMTE.

Cependant elle eft fouvent néceffaire pour éviter la cacophonie ou les hiatus. Si on veut, en cas qu'on compte fur moi. Il eft bien plus doux de dire: fi l'on veut, en cas que l'on compte fur moi

L'ABBÉ.

Ce que vous dites eft très-plaufible: j'ai même lu dans je ne fais quelle grammaire, que le pronom on eft une abréviation du fubftantif homme, & qu'on peut auffi bien dire avec l'article, l'on fait, l'on dit, que l'homme fait, l'homme dit, &c. Cependant, fans blâmer ceux qui emploient cet article, j'aime mieux former un hiatus, ou changer la conftruction de ma phrafe.

SOPHIE.

Voulez-vous corriger les autres fautes de mon

verbe?

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