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Entretiens

5o. Le verbe pouvoir, qui perd au futur toute la dernière fyllabe de l'infinitif, excepté l'r qui la termine :

Je pourai, tu pouras, il poura;

- Nous pourons, vous pourez, ils pouront.

On écrit encore ce futur par une double r:

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Nous pourrons,

vous pourrez,

ils pourront.

Ces deux orthographes font également ufitées. 6o. Les verbes valoir, falloir, faillir & leurs compofés, dont le futur fubftitue ud à la fyllabe féche ou mouillée qui précède l'r.

VALOIR.

PREVA-
LOIR.

FALLOIR.

Je vaudrai, tu vaudras il vaudra;

Nous vaudrons, vous vaudrez, ils vaudront.
Je prévaudrai, tu prévaudras, il prevaudra ;
Nous prévaudrons, vous prévaudrez, ils pré-
vaudront.

FAILLIR. Je faudrai, &c.
DÉFAILLIR. Je défaudrai,

&c.

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Ces deux derniers futurs font d'un usage très-rare. Le verbe vouloir peut être rangé dans cette claffe, à cclà près que l'u du futur fe trouve dans l'infinitif.

Je voudrai, tu voudras, il voudra ;

Nous voudrons, vous voudrez, ils voudront.

LA MARQUISE.

Ce qu'il m'eft le plus néceffaire de retenir à l'égard du futur, c'eft qu'on met un e muet avant I'r dans les verbes de la première conjugaifon; encore n'y vois-je d'autre utilité que de prouver qu'on fait à quel infinitif un verbe se rapporte.

L'ABBÉ.

Cela pourroit fe dire à l'égard des verbes dans l'infinitif defquels er eft précédé d'une voyelle, tels que ceux-ci:

PLIER.

Je plierai, tu plieras, nous plierons, &c. AVOUER. J'avouerai, nous avouerons, ils avoueront, &c. parce que l'e muet du futur n'y produit pas plus d'effet qu'un accent, vu qu'il ne fert qu'à donner un peu de force à la voyelle dont il eft précédé.

Mais quand cette finale er eft précédée d'une confonne, l'e muet cft effenticl au futur, & ne pourroit en être retranché fans que la quantité en fouffrit. Soit pour exemple le verbe fauver, dont le futur eft:

Je fau-ve-rai, tu fau-ve-ras, il fau-ve-ra;

Nous fau-ve-rons, vous fau-ve-rez, ils fau-ve-ront.

de manière que chaque perfonne y contient trois fyllabes.

En fupprimant l'e muet, ces trois fyllabes fe réduiroient à deux :

Je fau-vrai, tu fau-vras, il fau-vra;

Nous fau-vrons, vous fau-vrez, ils fau-vront.

Il fuit de-là que pour employer le futur dans la poëfie, il faut favoir à quelle conjugaifon il appartient, fur-tout dans les cas où on fait entendre une confonne avant l'r qui commence la dernière fyllabe, fans celà on feroit expofé à donner aux vers une fyllabe de plus ou de moins qu'ils n'en doivent

avoir.

SOPHIE.

Il faudroit faire bien peu d'attention, pour ne pas donner aux mots qu'on écrit le nombre de fyllabes qui leur convient.

L'A B B É.

C'eft pourtant une faute qui fe commet affez fréquemment. Ecrivez, je vous prie, les vers que je vais prononcer comme fi c'étoit de la profe.

SOPHIE écrit.

J'en confervrai,
Tant que je vivrai

La douce mémoire.

LE MILOR D.

Mademoiselle s'eft trompée dès le premier vers j'en conferverai. Quel eft l'infinitif de ce verbe-là ? SOPHIE.

Je veux... Je vois mon erreur: ce verbe eft de la première conjugaifon; l'infinitif eft conferver, ainfi je devois écrire le futur avec un e avant l'r.

J'en conferverai,
Tant que je viverai.

LE MILOR D.

Vous vous trompez encore, Mademoiselle : je vivrai n'eft point un verbe de la première conjugaifon.

Je veux vivre

SOPHIE.

...

Celà eft vrai: il ne faut point

mettre d'e avant l'r dans le futur de ce verbe-là.

J'écrirai donc:

J'en conferverai,
Tant que je vivrai

La douce mémoire.

L'A BB É.

Oui, Mademoifelle. Par ce moyen ces trois vers feront égaux, & chacun de cinq pieds, fans compter la fyllabe muette qui termine le troifième.

LE COMTE.

Mais Mademoiselle a très-bien trouvé la terminaifon de fes verbes j'en conjerverai... je vivrai SOPHIE.

Celà eft tout fimple: il faudroit dire à la feconde perfonne: tu en conferveras, tu vivras. Cet a doit fe trouver pareillement à la première perfonne, & on n'y ajoute un i que pour favorifer la prenon

ciation,

LA MARQUISE

Il en eft de même du parfait fumple. J'écrirois

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par ai, je donnai, je pliai, je paffai, parce qu'on
dit à la feconde perfonne, tu donnas, tu plias, tu
paffas, & fi l'ufage ne fe plaifoit pas à contredire
toutes les règles, j'écrirois également par ai à la
troifième perfonne du pluriel, ils donnairent, ils
pliairent, ils paffairent, &c. mais pour fuivre la
mode, j'écrirai par un e: ils donnèrent, ils plièrent,
ils paffèrent, &c.
L'ABBÉ.

Outre le préfent, le parfait fimple & le futur, le mode indicatif a un quatrième temps fimple, c'eft-à-dire qui n'emprunte le fecours du verbe étre ni du verbe avoir, c'est le passé imparfait, ou tout fimplement l'imparfait.

Ce temps, comme fon nom le défigne, exprime le paffé d'une manière imparfaite, qui laiffe toujours quelque chofe à défirer, comme on le voit dans cette phrafe: hier nous parlions beaucoup aujourd'hui nous parlons bien, dont la première partic, qui eft à l'imparfait, rend l'autre indifpenfable. Mais fi on y fubftitue le véritable paffé, que pour cette raison, on appelle le parfait: hier nous parlames beaucoup, alors l'expreffion fera complette & on n'attendra plus rien.

Les littérateurs font partagés fur l'orthographe du paffé imparfait. Les uns veulent qu'il finiffe au fingulier par ois, ois, oit, & à la troifième perfonne du pluriel, par oient; ce font les partifans de l'ancienne orthohraphe. Les autres, pour se conformer à la prononciation, fubftituent un a à l'o, & terminent les mêmes temps par ais, ais, ait, aient : c'eft ce qu'on appelle la nouvelle orthographe. Nous avons fuffifamment parlé de l'avantage & du défavantage de ces deux méthodes.

LE COMTE.

Meffieurs les novateurs ne devroient pas faire les chofes à demi. Au lieu d'écrire par ai voulais, tu voulais, il voulait, ils voulaient, il

n'y auroit qu'à écrire ces mots par un e fimple ou accentué d'une manière convenable. Je voulès, tu voulès, il voulet, ils voulèent. Cette orthographe a été propofée par M. Ménage, & je la trouve préférable à celle qu'on voudroit présentement introduire.

LE MILOR D.

Si on admettoit ce changement de oi en e, ce feroit alors que vos livres actuellement imprimés deviendroient indéchiffrables. Il y a bien plus loin pour la forme de oi à l'e fimple, grave ou aigu, que de oi à ai, qui font l'un & l'autre des voyelles compofécs. D'ailleurs ces imparfaits écrits par un e au lieu de oi, pourroient quelquefois être pris pour des préfents. Par exemple, cette phrafe imparfaite : tu parlès bien, ne différeroit que par l'accent de cette phrafe préfente: tu parles bien. Ainfi l'omiflion de cet accent pourroit occafionner une équivoque dangereufe, qui ne fe rencontrera fûrement point en écrivant la phrafe imparfaite par ai: tu parlais bien. L'ABBÉ.

Après quelques entretiens, nous pourrons choifir le genre d'orthographe qui nous plaira le micux, & le varier même à notre gré, pourvu que ce ne foit pas dans la même lettre ou dans le même difcours; car il feroit ridicule de trouver, dans la même page, les imparfaits écrits par ai & par oi, & les mêmes confonnes tantôt doubles & tantôt fimples dans les mêmes cas.

LA MARQUIS E.

Je conçois cela. Et même, fi dans une lettre on écrit les imparfaits par ai, on doit mettre ai pour oi dans tous les autres mots où l'oreille peut le permettre. La vue feroit choquée de voir par ai je venais, ils paient, tu courais, & par oi connoitre, paroitre, foible, affaiblir, françois, anglais je voudrois alors écrire connaître, paraitre, faible, affaiblir, français, anglais, &c.

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