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L'ABBÉ.

une

On a eu raifon de fubftituer l's au z dans le pluriel des noms fubftantifs ou adjectifs, & de la conferver à la feconde perfonne du pluriel des verbes. Nous avons déjà vu que le z donne à l'e qui le précède un fon aigu & alongé, à peu près femblable à celui de l'é aigu fuivi de l'e muct; de manière que vous donnez, vous allez, fe prononcent prefque comme une chofe donnée, allée, &c. Or il eft clair que ces derniers mots se prononcent plus fortement que des confeils donnés, ils font allés, &c. Ainfi on peut faire cette gradation, un confeil donné, des confeils donnés, une chofe donnée ou vous donnez; de forte que és tient le milieu entre l'é aigu bref & l'é aigu allongé, exprimé par deux e ou par ez.

LE MILO R D.

N'eft-ce qu'à la feconde perfonne que le verbe & le pronom laiffent douter fi on parle à une feule perfonne ou à plufieurs?

LE COMT E.

Non, Monfieur; & même cette indécifion nc fe rencontre fi généralement à la feconde perfonne que parce que Monfieur reftraint le nom de verbe à la partie qui varie felon les temps.

L'ABBÉ.

La première perfonne offre quelquefois, à l'égard du pluriel & du fingulier, la même difficulté que la feconde. Un Souverain dans fes édits & autres déclarations, parle de lui-même au pluriel. Nous commandons, nous ordonnons, nous mandons à nos amés & féaux Confeillers, &c, Ce ftyle cft encore affez ordinaire à ceux qui parlent feuls. Dans la comédie des Plaideurs, Dandin dit en s'échappant :

Cà, pour nous élargir, fautons par la fenêtre;
Hors de Cour,

LE MILO R D.

La politeffe françoife eft une jolie chofe; mais je fuis faché qu'elle répande tant d'incertitude fur mes connoiffances. Quand je voyois un verbe au pluricl, je penfois toujours qu'il s'agiffoit de plufieurs perfonnes, & je vois tous les jours de nouvelles occafions où cette règle eft en défaut.

LA MARQUISE.

Vous penfez peut-être auffi qu'en parlant de ceux à qui on adreffe la parole, on fe fert toujours de la feconde perfonne du verbe.

LE MILOR D.

Oui, affurément : vous venez, tu cours, ferezyous de la partie, &c.

LA MARQUISE.

Hé bien, la politeffe vient encore une fois brouiller vos idées. Quand on veut témoigner beaucoup de refpect à quelqu'un, on lui parle de lui-même à la troifième perfonne. Ainfi, au lieu de dire à la feconde perfonne, viendrez-vous, Madame? Je vous prie de m'excufer, on dit à la troifième perfonne Madame viendra-t-elle ? Je prie ces Meffieurs de m'excuser, &c.

:

LE COMT E.

On va plus loin on perfonifie les titres. Au lieu de dire je vous supplie, je me jette à vos pieds; permettez-vous? On dit je Jupplie votre Grandeur: je me jette aux pieds de votre Majefté; fon Alteffe permettra-t-elle ? &c. felon la dignité de la perfonne à qui on parle.

LE MILOR D.

Ces dernières façons de parler font communcs à plufieurs langues : j'aurois dû les préfumer & les chercher dans la vôtre; mais quand on étudie une langue étrangère, tout arrête, tout étonne, & les

applications les plus fimples deviennent toujours très-difficiles.

SOPHIE.

Y a-t-il auffi des règles pour la troifième pcrfonne ?

L'ABBÉ.

Oui, Mademoiselle. La troifième perfonne du pluriel finit toujours par une n & un t, précédés d'un o ou d'un e. Dans le premier cas, ces trois lettres forment une voyelle nafale: ils vont, ils viendront, elles étudieront, &c. dans le fecond cas, elles n'équivalent qu'à l'effet de l'e muet: on prononce ces Dames viennent, travaillent, étudient, comme s'il y avoit ces Dames vienne, parle, étudie, &c.

SOPHIE.

Y a-t-il encore d'autres mots dans lefqucis ent fe prononce comme un e muet?

L'A B B É.

Non, Mademoiselle.

SOPHIE.

Cette règle eft beaucoup moins difficile que je ne le croyois. J'écrirai par ent muct ces villageoifes me paroiffent bonnent, doucent, gaient, &c. Je trouve pourtant celà un peu extraordinaire. LE MILOR D.

Vous prenez des adjectifs pour des verbes. Mettez votre phrafe à un autre temps: au paffé, par exemple.

SOPHIE.

Ces villageoifes parurent doucent, bonnent, gaient, &c.

LE MILOR D.

Lequel de ces mots avez-vous été obligée de changer?

SOPHIE.

Je dis ces villageoifes parurent, & j'ai dit ces villageoifes paroiffent.

LE MILOR D.

C'eft donc le feul mot paroiffent ou parurent qui cft le verbe, & qui doit finir par ent. Les mots fuivants font des adjectifs qui fe rapportent au mot féminin pluriel villageoifes; & qui par conféquent doivent finir par un e muet, à caufe du féminin, & par une s, à cause du pluriel: douces, bonnes, gaies, &c. LA MARQUISE.

Monfieur n'a pas encore donné de règles pour la première & la troifième perfonne du fingulier. L'ABBÉ.

Il y en a peu qui conviennent à tous les temps & à tous les genres de phrafes; ainfi nous n'établirons rien à cet égard, jufqu'à ce que nous ayons expliqué en détail toutes les inflexions du verbe. SOPHIE.

Y a-t-il bien des fortes de phrases?
L'ABBÉ.

Autant qu'il y a de différentes manières d'exprimer & de modifier une pensée.

LA MARQUISE.

Ce détail doit être immense.

L'ABBÉ,

Oui, Madame; mais nous nous contenterons de divifer les phrafes relativement à l'influence qu'elles peuvent avoir fur les mots qui les compofent.

Nous avons d'abord la phrafe indicative; c'eftà-dire, la phrafe qui indique, qui expofe la penfée d'une manière fimple & indépendante. Je vous ai attendu, vous arrivez nous partirons.

2o. La phrafe conditionnelle, qui fuppofe des conditions.

Si j'avois fu votre départ, je vous aurois attendu, vous arriveriez & nous partirions.

La première phrafe : fi j'avois fu votre départ, exprime une condition : le refte contient trois phrafes conditionnelles: Je vous aurois attendu, vous arriveriez, & nous partirions.

3°. La phrafe interrogative, qui fert à interroger. Vous ai-je attendu? Arriverez-vous? Partirons-nous ?

. La phrase infinitive, qui ne rapporte l'expreffion du verbe à aucune perfonne, & qui par conféquent n'a point de pronom perfonnel. Il est défagréable d'attendre, d'arriver & de partir trop tard. Ces phrafes ne font point mention de ceux qui attendent, qui arrivent & qui partent.

5o. La phrafe gérondive, qui n'eft autre chofe que le verbe employé d'une manière adverbiale, fans pronom perfonnel, & représenté par un mot invariable que terminent les trois lettres ant, & qui eft ou peut toujours être précédé de la prépofition en.

Je me fuis amufé en vous attendant, vous me réjouiffez en arrivant, nous piquerons des deux en partant.

C'eft à peu près comme fi on difoit en fubftituant des adverbes aux phrafes gérondives: en vous attendant, en arrivant, en partant, je me fuis amusé d'abord, vous me réjouiffez préfentement, nous piquerons bientôt des deux.

6o. La phrafe participe, dans laquelle le verbe eft représenté par un mot tout femblable au gérondif, à celà près qu'il ne peut être précédé de la prépofition en. Ce participe attribue l'idée du verbe d'une manière adjective à quelque nom ou pronom dont il eft ordinairement précédé.

J'étois trifte, inquiet, craignant de vous attendre en vain; mais je vous vois, arrivant en bonne fanté, & l'aurore nous trouvera demain volant vers notre patrie,

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