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fi on le mettoit à un autre temps, il y auroit trois mots qui changeroient :

Je vins, je vis & je vainquis.

Je viendrai, je verrai & je vaincrai.

il n'y en a qu'un dans le fecond & dans le troifième :

Et nous n'acquérons plus à vieillir, que des ans.
Et nous n'acquimes plus à vieillir, que des ans.

Et tu mettois Bourbon au rang de tes amis,
Et tu mettras Bourbon au rang de tes amis.

deux dans le quatrième :

Vous exprimez beaucoup, vous fentez davantage,
Vous exprimerez beaucoup, vous fentirez davantage,

Je vins, je viendrai ; je vis, je verrai ; je vainquis, je vaincrai; nous n'acquérons plus, nous n'acquimes plus, tu mets, tu mettras; vous exprimez, vous exprimerez; vous fentez, vous'fentirez, &c. Cette manière de reconnoître les verbes me paroît toujours fort aifée & fort commode. Vous dites auffi que les verbes changent felon les perfonnes.

L'ABBÉ,

Oui, Mademoiselle. C'eft ce que vous allez voir en appliquant une phrafe fucceflivement aux trois perfonnes, tant du fingulier que du pluriel. Dites, par exemple, à la première perfonne, j'aime la vertu ou nous aimons la vertu ; vous direz, à la feconde perfonne, tu aimes la vertu ou yous aimez la vertu ; & à la troifieme, il ou elle aime la vertu, ils ou elles aiment la vertu; cet homme ou cette femme aime la vertu, ces hommes ou ces femmes aiment la vertu.

SOPHIE.

Ceci eft au temps préfent; mais dans les autres temps, feroit-ce la même chofe?

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Première perfonne : j'ai aimé la vertu, ou j'aimai la vertu; nous avons aimé la vertu, nous aimâmes la vertu.

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Seconde perfonne tu as aimé la vertu, ou tu aimas la vertu; vous avez aimé la vertu, ou vous aimâtes la vertu.

Troifième perfonne : cet homme ou cette femme a aimé la vertu, ou cet homme ou cette femme aima la vertu ; ces hommes ou ces femmes ont aimé ou aimèrent la vertu.

Les pronoms de la première & de la feconde perfonne je, nous; tu, vous, font les mêmes pour les deux genres. Il n'en eft pas ainfi de ceux qui s'appliquent à la troifième perfonne : il, celui-ci, ceux-là, tous, quelqu'un, &c. portent le caractère du mafculin; & elle, celle-ci, celles-là, toutes &c. portent celui du féminin.

LE MILOR D.

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Vous voyez que quand le verbe ne commence pas par une confonne, l'e du pronom je fe change en une apoftrophe: j'apprends, j'habite, &e. SOPHIE.

Monfieur nous a dit celà en parlant de l'apoftrophe il en eft de même des pronoms me, te, fe, ce, &c.

L'ABBÉ.

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Comme le verbe eft la feule partie de la phrafe qui varie par rapport aux différents temps il pourroit paroître inutile dans nos exemples de répéter les autres mots qui la compofent; cependant je

voudrois que de temps en temps on mit fous les yeux des perfonnes qui étudient, des phrafes entières, répétées avec les variations dont elles font fufceptibles.

SOPHIE.

Les verbes ont un fingulier & un pluriel comme les noms?

L'ABBÉ.

Oui, Mademoiselle: c'eft ce que vous avez pu voir dans les exemples que nous avons cités.

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SOPHIE.

Ont-ils auffi un mafculin & un féminin ?

L'ABBÉ.

Non, Mademoiselle : j'ai déjà eu l'honneur de vous le faire obferver.

LE MILOR D.

Je crois pourtant que les verbes caractérisent les genres. Qu'un homme dife je fuis venu, qu'une femme dife je me fuis promenée, plufieurs hommes, nous fommes venus, plufieurs femmes, nous nous fommes pramenées, les mots venu & venus marquent qu'on parle au mafculin, & promenée & promenées indiquent le genre féminin.

L'ABBÉ.

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Cela eft vrai, Monfieur; mais nous fommes convenus de n'appeller verbe que la partie de la phrase qui varie felon les temps, ce qui n'a pas lieu pour les mots venu & venus, promenée & promenées. Ils ne varient point, foit qu'on dife au futur, je ferai venu, nous ferons venus, je me ferai promenée nous nous ferons promenées; foit qu'on dife au paffé, je fus venu, nous fúmes venus, je me fus promenée, nous nous fumes promenées. Ils portent feulement le caractère du fingulier, du pluriel, du mafculin & du féminin, felon que l'exige le fens du difcours.

Dans toutes ces phrafes, le verbe eft je fuis & nous fommes, je Jerai & nous ferons, je fus &. nous fumes, &c. les autres mots n'y font ajoutés que comme des adjectifs, pour en completter l'expreffion. D'après cette convention, nous pouvons établir que les verbes ne reconnoiffent ni le mafculin ni le féminin, & qu'ils font feulement fufceptibles du fingulier & du pluriel.

SOPHIE.

Quand les verbes font au fingulier, fuffit-il auffi d'y ajouter une s pour en faire des pluriels?

L' A B B É.

Non, Mademoifelle; les verbes font foumis à des règles qui leur font particulières. Quelques-unes de ces règles font communes à toutes les espèces de verbes. Les voici :

1o. La feconde perfonne du fingulier & la première du pluriel, finiffent toujours par une s.

LA MARQUISE.

Nous allons, nous vinmes, nous irons: voilà des premières perfonnes du pluriel, parce qu'on parle au nom de plufieurs perfonnes, dans le nombre. defquelles on eft compris; ainfi ces mots doivent finir par s.

SOPHIE.

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La feconde perfonne du fingulier, c'eft quand on parle d'une feule perfonne à elle-même vous donnez, vous tiendrez, vous alliez, &c. Mais je me rappelle que ces mots doivent finir par un 2, & non par une s.

LE COMTE.

Celà eft vrai, Mademoifelle; mais le verbe n'eft cenfé à la feconde perfonne du fingulier, que quand on emploie le pronom fingulier tu, tu donnes, tu tiendras, tu allois, &c. &, dans ce cas, le verbe finit toujours par une s. Il eft vrai que la politeffe françoife exige fouvent qu'on parle à une perfonne

comme à plufieurs: vous donnez, vous tiendrez, vous alliez, &c. Mais alors le verbe eft cenfé à la feconde perfonne du pluriel, comme fi on adreffoit la parole à une compagnie, à une armée, &c. SOPHIE..

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Il n'eft donc pas poffible de favoir quand on parle à une perfonne, ou à plufieurs?

LE COMTE.

Non, Mademoiselle, à moins que le nombre ne foit déterminé par quelque autre mot que le pronom perfonnel ou le verbe, comme dans ces phrases :

Vous, Seigneur, vous ofez me tenir ce langage!
Vous auriez fort bien pu vous paffer d'être belle.
Innocents animaux, n'en foyez point jaloux.
Où fuyez-vous, Divinités charmantes!

L'ABBÉ.

La feconde perfonne du pluriel ou du fingulier poli, ne finit pas toujours par ez: quand la dernière fyllabe cft muette, elle eft écrite par es.

Vous êtes citoyenne avant que d'être mère.

Si on écrivoit par un 7, vous étez, il faudroit prononcer la dernière fyllabe comme dans vous chantez; ce qui feroit tout-à-fait contraire à l'ufage. LE MILOR D.

C'eft dommage que vous ne voulicz pas permettre qu'on finiffe toutes les fecondes perfonnes du pluriel par es, fauf à mettre un accent aigu fur l'é dans ceux que vous terminez par ez.

LE COMT E.

Pour moi je trouve cez très-commode; & au lieu de le retrancher dans la feconde perfonne du pluriel des verbes, je voudrois qu'on l'eût confervé dans les pluriels des mots terminés par un é aigu, tels que cité, bonté, civilité; & qu'on écrivit, non comme aujourd'hui, des bontes, des cités, des civilités; mais comme autrefois, des bontez, des citez, des civilitez, &c.

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