Imágenes de página
PDF
ePub

LE MILOR D.

Il n'y a qu'à mettre un accent circonflexe fur celles de ces voyelles qui fe prononcent longuement, & écrire, par exemple, gaimtent, vraiment, núment, &c. celà équivaudra parfaitement à l'effet de l'e muct; c'eft ce que je crois avoir vu dans quelques ouvrages bien imprimés.

LA MARQUIS E.

Il y a toujours une chofe qui me fait peine dans ces mots, c'eft que ai ne fe prononce pas de la même manière dans gaiement & vraiement. Dans le premier, il a le fon de l'e aigu alongé, guécment, & dans le fecond, celui de l'e ouvert vrment: ce font de ces chofes qu'on ne pourroit jamais deviner.

L'ABBÉ.

Nous avons déjà parlé de ces ai qui ont avant un e ou une s le fon de l'e aigu alongé, quoique les règles de la prononciation exigeaflent qu'ils euffent le fon de l'e ouvert: vous n'avez pas manqué fans doute de noter fur vos tablettes tous les mots où cette fyllabe fe rencontre. Dans l'impoflibilité d'écrire ces mots conformément à la prononciation fans y détruire toutes les traces d'étymologie & d'analogie, vous n'avez pas d'autre reffource que de les graver dans votre mémoire, ainfi que tous les autres mots irréguliers.

?

Pour ce qui concerne l'orthographe de cet adverbe gaiement, ceux qui en fuppriment l'e muct indiquent une prononciation trop brève : ceux qui fupplécroient à cet e retranché par un accent circonflexe, gaiment, rendroient le fon de ai trop ouvert le mieux eft d'écrire gaiement avec un e muct, comme on l'a fait jufqu'ici.

LE MILORD.

Il y a quelques adverbes dans lefquels la dernière

[ocr errors][ocr errors]

fyllabe ment, eft précédée d'un é aigu au lieu d'un

e muet.

L'ABBÉ.

Ce font premièrement ceux qui dérivent ou peuvent dériver des adjectifs terminés au mafculin par un é aigu: délibéré, délibérément; importune, im portunément; aveuglé, aveuglément; conformé, conformément; incommodé, incommodément, &c. & enfuite quelques autres, ou l'accent aigu eft ajouté pour adoucir la prononciation: ces derniers font commodément, communément, énormément expreffément, impunément, obfcurément, opiniâtre ment, précisément, fubordinément.

LA MARQUISE.

Ces e accentués font fort utiles, & on fait trèsbien de les conferver; mais pourquoi ne pas retrancher les e muets qui fuivent les confonnes comme on a retranché prefque tous ceux qui fuivent des voyelles? Feroit-on plus mal d'écrire belment, au lieu de bellement; clairment, au lieu de clairement; que d'écrire fenfément, poliment, ingénument, au lieu de Jenféement, poliement, ingénuement, &c.?

LE MILOR D.

Votre prononciation brève dérobe une fyllabe à chacun de ces mots. Vous dites en deux temps bel-ment, clair-ment, mais fi ces mots fe trouvoient dans des vers, vous prononceriez en trois temps bel-le-ment, clai-re-ment, &c. Il n'en est pas de même quand l'e muet eft précédé d'une voyelle; alors il ne fait rien au nombre des fyllabes. On prononce également en deux temps vraiement & vrat-ment, gaie-ment gai-ment; en trois temps fen-fée-ment & fen-fe-ment, u-nie-ment & u-ni-ment, &c. C'eft ce que Monfieur nous a clairement expliqué.

LE COMTE.

Nous avons quelques advcrbes terminés par ment,

qui ne dérivent d'aucun adjectif françois, ou qui en dérivent irrégulièrement ce font comment, inceffamment, inflamment, notamment, nuitamment, Sciemment, gentiment, fubordinément, profufément, impunément.

SOPHIE.

Par quelle règle forme-t-on les adverbes qui ne font point terminés par ment?

L'ABBÉ.

Il n'y a aucune difficulté pour ceux qui font compofés de plufieurs mots féparés, tels que toutà-fait, à-peu-près, dans huit jours, dès-lors. avant-hier, &c. parce que les parties qui les compofent doivent être connues fous d'autres rapports.

Il en eft à-peu-près de même de ceux qui font compofés de prépofitions inféparables, tels que dedans, dehors, deffus, deffous, devant, deçà, delà, depuis, compofés de la prépofition de unie aux prépofitions dans, hors, fur, fous, avant, & aux adverbes fimples, çà, là, puis, alors, après, compofés de la prépofition à unie aux prépofitions lors & près; auprès, auffi, compofés de l'article ou prépofition compofée au, & des prépofitions près & fi; néanmoins, auparavant, quelquefois, autrefois, toujours, exprès, compofés de néant & moins, c'eft-à-dire, rien moins, à le paravant quelque & fois, autre & fois, tous & jours, ex & près, &c. &c. Mais il y en a plufieurs dont quelques parties font fous-entendues, ou exprimées de manière qu'il eft très-difficile de les reconnoître : la mémoire & l'oreille font les feuls guides que vous puifliez fuivre à l'égard de ces mots. Ceux qu'il eft le plus utile de retenir, font ailleurs, lors, hier, jamais, déformais, dorénavant, affez, plus, moins, mieux, pas, point, peu, foudain fouvent, très, trop beaucoup, ainfi, tót, puis, volontiers, aujourd'hui, demain, &c.

LE COMTE.

Je reviens à votre définition de l'adverbe. Vous dites qu'il fert à modifier l'expreflion du verbe : il s'applique aufli aux adjectifs, comme on le voit quand on dit un bien très réel, des princes tendrement aimés. Les adverbes très & tendrement fe rapportent aux adjectifs réel & aimés.

L'ABBÉ.

On peut dire, malgré celà, que l'adverbe ne s'applique qu'aux verbes; car entre un fubftantif & fon adjectif, on fous-entend toujours le verbe étre un bien qui eft très-réel, des princes qui font tendrement aimés, &c. qui eft & qui font appartiennent au verbe étre, & c'eft visiblement à ces mots que fe rapportent les adverbes très & tendre

ment.

LE COMTE.

Cette raifon me paroît plaufible, & je vois dans le verbe étre, exprimé ou fous-entendu, la caufe d'une nuance que vous nous avez fait obferver entre la prononciation de l'adjectif fuivi de fon fubftantif, & celle du fubftantif fuivi de l'adjectif qui s'y rapporte. C'eft que la fucceffion de Padjectif & de fon fubflantif eft immédiate; de manière que la dernière fyllabe de l'un doit fon¬ ner, autant qu'il eft poflible, avec la première fyllabe de l'autre, bon ami, grand homme, doux inflant, &c. Il n'en eft pas de même quand le fubftantif précède l'adje&if; un charbon ardent, un marchand afforti, un moment heureux; c'cft comme fi on difoit un charbon qui eft ardent, un marchand qui eft efforti, un moment qui est heureux; voilà pourquoi il y a une liaifon moins étroite entre charbon & ardent, marchand & afforti, moment & heureux, qu'entre bon & ami, grand & homme, doux & inflant, &c.

L'A BB É.

Quelquefois le fens d'un adverbe eft modifié par un autre adverbe, de manière que les deux enfemble n'en font qu'un.

LE MILOR D.

J'ai vu celà bien des fois. Très-fort, bien fermement, fort bien, plus bien, moins bien, &c. LE COMTE.

Il n'eft jamais permis de dire plus bien, ni plus bon; il faut fubftituer à ces expreflions l'adverbe mieux & l'adjectif meilleur. Je fais mieux que vous, & non plus bien que vous; il eft meilleur que moi, & non plus bon que moi.

L'ABBÉ.

Il en faudroit exccpter, fi je ne me trompe, les cas où le mot plus fignifie plutôt. On devroit dire cette chofe eft plus bonne que muvaife, & non meilleure que mauvaije; on nous traite plus bien que mal, & non mieux que mal, parce que c'est comme fi on difoit plutôt bonne que mauvaife, plutôt bien que mul. C'eft pour une raifon femblable qu'on ait plus mal que bien, & non pis que bien; plus mauvais que bon, & non pire que bon: ce cui cffriroit un contre-fens. Il en eft de même quand le mot bon fignifie fimple & crédule. Vous étes bien bon de croire celà. Vous êtes plus bon encore de penfer que je m'en formalife.

LE MILOR D.

Je vois beaucoup d'adverbes qui gouvernent la prépofition de; mais la prépofition eft tantôt fimple, tantôt combinée avec l'article. Faut-il dire j'ai fuffisamment du bien, ou fuffifamment de bien? il avoit beaucoup de protecteurs, ou beaucoup des protecleurs?

L'ABBÉ.

La prépofition cft néceflairement combinée avec

« AnteriorContinuar »