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LE COMTE.

La fucceffion eft tout aufli naturelle, en paffant du fubftantif à l'adjectif.

L'ABBÉ.

Pas toujours, Monfieur. Prenons pour exemple ces expreflions: un fouverain aimable, un tifon ardent, une faux aiguifée, un guerrier inhumain, un plafond orné, un pont élevé. On ne fe permettroit pas volontiers, dans le difcours ordinaire, de dire un fouverai-naimable, un tifo-nardent, une fauzaiguifée, un guerrié-rinhumain, un plafon-torné, un pon-télevé, &c. il y aura beaucoup moins d'affectation à dire, en faisant des hiatus, un fouverainaimable, un tifon-ardent, une fau-aiguifée, un guerrié-inhumain, un plafon-orné, un pon-élevé &c. Ainfi il s'en manque beaucoup que ces fucceflions foient auffi propres à la poëfie que les premières; puifqu'elles mettent dans l'alternative de faire des hiatus, ou de prononcer avec affectation. Il y a toutefois des cas où celà pourroit revenir au même, c'eft quand le fubftantif eft terminé par une s ou une x bois épais, voix agréable; parce que ces confonnes produifent un fifflement doux qui fait toujours plaifir.

SOPHIE.

Vous avez regardé le mot fouverain comme adjectif, & enfuite comme fubftantif.

L'ABBÉ.

C'est qu'en effet ce mot eft adjectif dans le premier cas le fouverain arbitre, où il eft queftion d'un arbitre qui eft qualifié de fouverain ; & qu'il eft pris pour fubftantif dans le fecond cas: un fouverain aimable, où il s'agit d'un fouverain qui eft qualifié d'aimable. Il en eft de même d'une infinité de mots. Savant, méchant vilain, plaifant, faux, font employés comme fubftantifs dans ces expreffions: un favant agréable, un méchant abandonné, un

S

vilain embarraffe, un plaifant infipide, un faux avéré; & comme adjectifs dans celles-ci: favant homme, méchant habit, vilain ufurier, plaifant original, faux honneur, &c. auffi ces derniers mots fe lient-ils bien pius exactement que les premiers. LE COMTE.

Celà eft vrai. Un favan-agréable, favan-thomme; un méchan-abandonné, un méchan-thabit; un faúavéré, un fau-zhonneur, &c.

L'ABBÉ.

On pourroit, en quelque forte, déduire de cette obfervation, la raifon pour laquelle certains adjectifs ne précèdent jamais certains fubftantifs: pourquoi, par exemple, on ne dit pas un fin homme, un prompt homme, un fort air, un profond art, quoiqu'on dife bien un fin matois, un prompt fecours, un fort aloyau, un profond abyme, &c. C'eft que ces premieres expreffions fe prononcent un finum, un prontum, un fortèr, un profontar, ce qui forme comme des mots étrangers on barbarcs, qui font illufion, & empêchent de diftinguer les deux parties qui les compofent.

Après ce que nous avons dit des adjectifs & des fubftantifs, relativement aux genres & aux nombres il nous refte à faire quelques réflexions fur ceux qui font les mêmes au pluriel & au fingulier. La plupart fe reconnoiffent par leurs analogues. L's finale des fubftantifs bois, lambris, pas, compas, progrès, eft indiquée par les mots boifer, lambriffer paffer, compaffer, progreffif; & celle des adjectifs gris, épais, confus, gras, gros, par leurs féminins grife, épaiffe, confufe, graffe, groffe, ou autres analogues, tels que grifaille, épaifir, confufion, graffement, groffier, &c.

La première difficulté qui fe présente, confifte dans les x muets, qui fe manifeftent exactement comme des s; ce qu'on voit dans les mots paix prix, croix, faux, dont les analogues paisible,pri

fer, croifer fauffement, prouvent feulement qu'ils font les mêmes au pluriel & au fingulier: le mot flux eft le feul dans lequel l'analogie indique pofitivement l'x final: il fe trouve dans le mot fluxion.

Rien ne peut donc nous difpenfer d'apprendre par cœur les mots de ce genre de terminaifon : voici la lifte de ceux qu'on emploie le plus fouvent.

Subftantifs.

Chaux, pierre calcinéc; choix, courroux, croix, crucifix; faix, fardeau; arrière-faix, porte-faix'; faux ou faulx, inftrument propre à faucher; flux, reflux, noix, la paix, perdrix; poix, forte de réfine; prix, valeur; la toux, action de touffer; la voix, fon qu'on fait entendre quand on chante ou quand on parle.

Adjectifs.

Dix, doux, jaloux, roux, fix, & tous ceux à la fin defquels on fait entendre la voyelle compofée eu: heureux, joyeux, orgueilleux, &c. à l'exception du feul adjectif bleu, qui fait un pluriel bleus.

Pour les noms terminés par s, nous ne noterons que ceux dans lefquels cette s finale n'eft pas affez clairement indiquée par les analogues: voici les plus ufités.

Subftantifs.

Accès; amadis, forte de manche; appentis, bois; buis, forte de bois; cas, circonftance; cens, ferme ou métairie; chaffis, chenevis, chervis, coloris; corps humain, cours, courfe; concours, décours, difcours, recours, fecours, un dais, damas, décès, dervis religieux mahométan; échalas, engrais; fois, une fois, deux fois; gâchis, glacis; glas ou clas, fon des cloches, pour annoncer la mort de quelqu'un; hachis, haras, harnois; jais, forte de minéral; laquais, lavis; legs, fomme qu'on légue; lilas, lys, fleurs; marais, matelas; mets, ce qu'on mange; mois, partie de l'année; mors de la bride

'du cheval; os de viande; palais; panais, racine; panaris, paradis, parvis, pas, pâtis, patois, pavois ; pays, contrée; pilotis; poids, qui pèfe; pois, légume; pourpris, procès, progrès, propos; puits, où on puife; rabais, repas, repos, ris; rubis balais; fas, qui fert à faffer; fens, ce qui rend fenfible ou fensé; fouris, fuccès, taffetas, tamis, tas ; temps, mesure de la durée; palle-temps, contretemps, tournois, treillis, vernis, vers, envers, revers, &c. &c.

Pour les adjectifs, ils font tous indiqués par leurs féminins: furprife,furpris, confufe, confus, épaiffe épais, &c. On n'en excepte que frais, abfous & diffous, qui font au féminin fraiche, abfoute & diffoute.

LE COMTE.

Je crois que votre lifte n'eft pas complette à beaucoup près: il y manque plufieurs mots néceffaires, tels que mépris, abus, univers, travers, &c.

L'ABBÉ.

Il fe peut faire que j'aie omis quelques mots qu'il eût été utile de noter; mais l'orthographe de ceux que vous citez eft fuffifamment indiquée par leurs analogues mépriser, abufif, univerfel, traverfer, &c. Il y en a même plufieurs dans ma lifte qui ne s'y trouvent que pour plus de facilité, & dont l'orthographe pourroit être indiquée fans beaucoup de peine, ou par leurs analogues, comme celle de fas, tamis, tas, accès, repos, par les mots faffer, tamifer, entaffer, acceffible, repofer, &c. ou par quelque autre confidération, comme dans chaffis, lavis, treillis, appentis, qui font des fubftantifs d'une espèce particulière. Quand les règles de l'analogie nous feront devenues familières, cette lifte nous fera prefque entièrement inutile; il en fera à-peu-près de même de toutes les autres: plus on tire parti de fon jugement, & moins on a befoin de mémoire.

Je vous prie, Mesdames, jufqu'à notre premier entretien, de comparer les mêmes adjectifs aux deux genres & aux deux nombres; c'eft-à-dire, au mafculin, au féminin, au fingulier & au pluriel. SOPHIE.

Je m'appliquerai tant, que vous n'aurez prefque point de fautes à corriger du moins ne retomberai-je pas dans celles que j'avois commifes la derniere fois.

وعند اع

DIALOGUE IX.

SUR LES PRONOMS, LES ARTICLES
ET LES CONJONCTIONS.

LAMARQUISE, SOPHIE, L'ABBÉ,
LE COMTE, LE MILORD.

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LE MILOR D.

E fuis curieux de voir l'ouvrage de Mademoiselle Sophie.

SOPHIE.

Le voilà, Monfieur: je ne fuis pas auffi contente de moi que je me l'étois promis.

Une politeffe offerte, agrée & dédégnée.
Un préfant offert, agré & dédégné.
Des politeffes offerte, agrées & dédégnées.
Des préfants offerts, agrés & dédégné.

Une douceure fauffe & affectée.
Un compliment faux & affecté.
Des douceures fauffes & affectées.
Des compliments fauxs & affectés.

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