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LA MARQUISE.

C'eft comme dompter écrit par un p, ou domter écrit fans p.

L'ABBÉ.

Celà eft vrai, Madame; mais avec cette différence, que le p eft aufli déplacé dans ce dernier mot & dans fes analogues, indomté, indomtable &c. qu'il eft utile dans les premiers. Ceux qui écrivent par un p, dompter, je dompte, dompteur, indomptable, &c. font en contradiction avec l'étymologie latine, domitare, & avec l'analogie francoife dominer, domination, domaine, &c. cependant ils compofent le plus grand nombre : peu domde perfonnes fe permettent d'écrire fans p, ter, je domie, domteur, indomtable, &c.

LE MILOR D.

Eft-ce une règle générale, que tous vos noms pluriels finiffent absolument par s,x,ouz?

L'ABBÉ.

Il y a quelques exceptions. 1°. Quand on ne défigne les mots que par leur articulation, ces défignations ne prennent jamais d's accidentelle au pluriel. On écrit des oui, des non, des fi, des pourquoi, des alleluia, des item, des amen, & non des ouis, des nons, des fis, des pourquois, des alleluias, des items, des amens, &c. &c. Si on écrit avec une s finale, des in manus, des Sanctus, des Angelus, c'eft que ces mots finiffent effentiellement par s & qu'on dit pareillement au fingulier, un in manus, le Sanctus, l'Angelus, &c.

2o. Il en eft prefque généralement ainfi des mots étrangers que nous avons adoptés fans altération : on écrit également au fingulier un duo, un numéro, un quiproquo, un à-parté, un in-promptu; & au pluriel des duo, des numéro, des quiproquo, des à-parté, des im-promptu, &c. Cependant les poëtes

dérogent quelquefois à cette règle, & peut-être n'ont-ils pas grand tort. Boileau a dit:

Je mets tous les matins fix im-promptus au net.

3o. Les noms de famille employés au propre, font généralement indéclinables. On écrit les deux Corneille, les Condé; & non les deux Corneilles, les Condés, &c. mais quand ces noms font employés au figuré, pour qualifier ceux qui reffemblent aux perfonnes qui en ont été revêtues, ils fe mettent au pluriel comme les autres noms. Ces pédants fe croient des Virgiles. Nos foldats font autant de Céfars; & non, fe croient des Virgile, autant de Céfar, &c.

4o. Les noms de nombres, employés comme adjectifs, ne prennent jamais le caractère du pluriel à moins qu'ils ne l'aient par eux-mêmes. On écrit quatre hommes, cent jours, &c. fans que les mots quatre & cent foient terminés par une s. Celà est tout fimple, puifqu'alors la propriété effentielle de ces mots eft d'imprimer le caractère du pluriel aux fubftantifs ou adjectifs auxquels on les applique.

Mais fi on veut défigner les chiffres qui indiquent les nombres, les cartes, ou les dés marqués d'un certain nombre de points, les noms de nombres deviennent fubftantifs, & font fufceptibles du pluriel & du fingulier. On dit un fept & des fepts, un quatre & des quatres, un neuf & des neufs &c. Parmi ces noms, comme parmi tous les autres ceux qui font terminés par s ou par x, font les mêmes pour les deux nombres: on écrit également un trois & des trois, un dix & des dix, &c. Vous obferverez que tous ces fubftantifs numéraux font du genre mafculin.

LA MARQUIS E.

Je crois qu'on écrit pareillement quatre-vingts, cinq cents, dix milles, trois millions, &c. en ajoutant une s à ces mots pour marquer le pluriel,

L'ABBÉ.

Celà cft vrai de tous ces mots, excepté mille, qui, par une bizarrerie fingulière, ne prend jamais I's au pluriel. Deux mille écus, quatre mille ans, cent mille francs; & non deux milles écus, quatre milles ans, cent milles francs, &c.

Quelques perfonnes prétendent encore que le mot cent doit s'écrire au pluriel fans s, quand il est suivi d'une confonne: cinq cent livres, ou qu'il précède un autre nom de nombre: deux cent dix écus, huit cent un ans; mais ces diftinctions s'évanouiffent peu à peu. On trouve, dans ces cas, le mot cent écrit par une s finale: cinq cents livres, deux cents dix écus, huit cents un ans, comme l'ufage général le prefcrit partout ailleurs: cinq cents écus, huit cents ans, &c. LA MARQUISE.

Il me femble que j'ai vu le mot milles écrit par une s au pluriel.

L'ABBÉ.

Cela peut être, Madame. Il y a des pays où on 'donne le nom de mille à une mefure de diftance qui eft ordinairement de mille pas; & alors on écrit par s, deux milles, quatre milles : cette ville eft à dix milles de Rome, à trente milles de Florence &c. Dans ce fens, le mot mille eft un fubftantif bien différent de l'adjectif mille qui fignifie mille fois l'unité.

LE MILOR D.

N'écrit-on pas auffi quelquefois mil avec une feule 7, dans la fignification de mille?

L'ABBÉ.

Celà fe pratique feulement quand on parle de la date: l'an mil Jept cent foixante-feize. Le mot cent y eft pareillement indéclinable, c'eft-à-dire qu'il n'y prend point le caractère du pluriel. On dit que c'eft parce que cette expreffion eft l'abrégé des adjectifs d'ordre, millième, fept centième, foi

xante-feizième, comme fi on difoit la millième fept centième foixante-feizième année. Je ne fais fi cette raifon eft bien concluante, mais on s'accorde à la regarder comme telle: ainfi en parlant de l'année, il faut écrire mil fept cent, & non mille fept cents.

SOPHIE.

J'ai vu le mot un au pluriel, écrit par une s: cela paroît faire une contradiction.

LE COMTE.

Dans ce cas, le mot uns ne fignific pas le nombre un, l'unité; mais les perfonnes, les animaux les chofes, qu'on range dans une claffe, pour certaines confidérations, par oppofition à ceux qu'on range dans une autre.

Les uns font fous d'honneurs, les autres de richeffe,
Les autres de plaifir, & ce font les moins fous.

Ces fruits ne valent rien: les uns font verds & les autres font trop mûrs.

Parmi les animaux, les uns font admirables par leur énormité, & les autres par leur extréme petitesse.

LE MILOR D.

Pourquoi dans quatre-vingts ans, écrit-on le mot vingts avec une s, & le met-on fans s dans cent vingt ans?

L'A BB É.

C'eft que dans quatre-vingts, il s'agit de quatre fois vingt, quatre vingtaines; au lieu que cent vingt fignifie une fois cent & une fois vingt. Par la même raifon, fi on difoit encore fix vingts au lieu de cent vingt, il faudroit écrire vingts par une s: fix vingis

ans.

Il n'y a pas long-temps que perfonne n'ofoit écrire quatre-vingts avec une s.

LE COMTE.

· On l'écrit encore fans s, même dans les ouvrages les plus modernes, toutes les fois qu'il eft fuivi

d'un autre nombre. Quatre-vingt-un, quatre-vingtdix, quatre-vingt-onze, &c. Si on y mettoit une s, il faudroit prononcer quatre-vin-zun ans, quatreyin-zon zans, ce qui feroit une cacophonie.

L'ABBÉ.

Cette prononciation ne feroit pas néceffaire. On écrit fur les onze heures, vers une heure; cependant on ne prononce pas l's finale des mots les & vers. On dit : fur lé onze heures, ver une heure, & non fur le zon zeures, ver zune heure, &c. ainfi on peut très-bien écrire quatre-vingts-un & quatre-vingtsonze, & prononcer comme à l'ordinaire, fans articuler l's, le t ni l'n, quatre-vin-un, quatre-vinonze; d'autant mieux qu'on ne s'avife jamais de prononcer le z qui termine quatre-vingt, & de dire quatre-vin-tun, quatre-vin-tonze, &c. Il y a beaucoup d'autres circonftances où l'oreille exige que des confonnes finales foient muettes, lors même qu'elles précèdent immédiatement des voyelles ou des h non afpirées.

LE MILOR D.

Voilà une explication bien claire fur les genres & fur les nombres.

L'ABBÉ.

Elle n'eft pas complette : il y manque encore quelques points qui vous regardent.

LA MARQUISE.

Monfieur ne nous a point expliqué ce que c'eft que les vers mafculins & feminins.

LE COMTE.

Ceci n'a pas beaucoup de rapport à l'orthographe.

LA MARQUISE.

Vous avez raifon, Monfieur; ma question eft frivole & déplacée: fuppofons que je ne l'aie point

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