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par le caractère qu'il imprime aux adjectifs qui s'y rapportent. Il exige le féminin dans ceux qui le précèdent, & le mafculin dans ceux dont il est suivi. On dit au féminin:

Les bonnes gens font fans foins, fans affaire. & au mafculin:

Ces gens font bons, francs & loyaux.

L'ABBÉ.

Il n'y a, ce me femble, qu'une exception à cette règle; c'eft l'adjectif tout, qui cft toujours au mafculin pluricl quand il fe rapporte au mot gens, foit qu'il le précède, foit qu'il en foit précédé. Nous avons charmé tous ces honnétes gens-là; tous les gens de bien nous applaudiffent; & non toutes ces honnêtes gens-là, toutes les gens de bien, &c. encore rentre-t-il dans la règle générale, quand il précède immédiatement le mot gens. Il se réclame à toutes gens; c'est un brave à qui toutes gens font peur, & non à tous gens, à qui tous gens font peur; & même l'académie a décidé qu'il doit être mis au féminin, toutes les fois qu'il précède un adjectif décidément féminin: toutes les vieilles gens, toutes les bonnes gens, &c.

Nous obferverons encore à l'égard du mot gens, qu'on peut bien dire: trois bonnes gens nous ont abordés: ils caufoient avec quatre jeunes gens ; dix braves gens ont fauvé la ville, deux honnétes gens nous ont remis dans notre chemin. Mais ce n'eft qu'après ces adjectifs : bonnes, jeunes, braves, honnétes, que le mot gens peut s'appliquer à quelque nombre déterminé. On ne dit point deux gens de bien, trois gens de tel Seigneur; mais deux hommes de bien, trois des gens de tel Seigneur. Si on dit mille gens; mille gens ont vu celà, c'eft que, dans ce cas, le mot mille est synonime de beaucoup & ne fignifie aucun nombre fixe : c'eft comme fi on difoit beaucoup de gens ont vu celà,

LA MARQUISE.

Je fais que, dans l'exactitude, le mot enfant eft toujours mafculin; cependant quand je parle d'une petite fille, je le mets toujours au féminin: vous étes une bonne enfant, la jolie enfant ! la pauvre enfant n'y penfoit pas. Je trouve celà bien plus mignard & plus gentil, que fi on difoit au mafculin, felon la règle, un bon enfant, le joli enfant, le pauvre enfant.

LE COMTE.

Cette espèce de négligence eft admife par le bon ufage, au moins dans le difcours familier; & on en trouve des exemples dans quelques bons auteurs.

LE MILOR D.

Ce font probablement les Dames qui ont donné cours à cette expreflion. En fait de langue, ce qu'on appelle ufage, n'eft bien fouvent que la fantaisie d'une femme aimable, à qui la complaifance a donné force de loi.

LA MARQUISE.

Il me femble avoir entendu dire un Comté & une Comté

L' A B B É.

Cela peut être, Madame. On dit la Franche Comté, une Comté-Pairie; on dit de même une Duché-Pairie. Mais par-tout ailleurs, les mots Comté & Duché, font toujours mafculins. Le Comté de Flandres, le Duché de Luxembourg, &c.

LE MILOR D.

Je crois que le genre de vos fubftantifs a fou

vent varić.

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur. Par exemple, le mot navire a été autrefois féminin. Malherbe dit que les Argonautes allèrent à la conquête de la toifon d'or, dans

la navire qui parloit. Le genre de plufieurs noms n'eft pas encore bien décide. Quelques perfonnes penfent qu'épifode, épigramme, épithète, équivoque, peuvent être pris indifféremment pour mafculins ou pour féminins. Mais le plus grand nombre veulent que le premier foit du genre mafculin: un bel épifode; & les trois autres du feminin: une pigramme, une épithète, une équivoque.

SOPHIE.

On m'a dit que le mot évangile étoit toujours mafculin; cependant beaucoup de perfonnes difent: la meffe eft à la première évangile, la dernière evangile de la meffe.

L'ABBÉ.

Cette façon de parler eft autorifée par un ancien ufage. On mettoit le mot évangile au féminin, quand on vouloit défigner la partie de l'évangile qui fe récite pendant la meffe: par-tout ailleurs il étoit mafculin. Cette diftinction commence à difparoître, & ceux qui fe piquent d'exactitude ne feroient pas difficulté de dire au mafculin: la meffe eft au premier évangile, le dernier évangile de la meffe, &c.

Mais une bifarrerie qui, je crois, aura toujours lieu, c'eft celle qui exifte à l'égard du mot exemple, qui par-tout eft du genre mafculin, & que Thabitude a féminifé, pour défigner un modele d'écriture, ou la page que l'écolier écrit pour s'inftruire. On dit généralement une belle exemple d'écri ure, une exemple bien écrite.

SOPHIE.

J'entends quelquefois dire cette Dame a l'air Fon, l'air doux, l'air vif. Je crois que c'eft une faute, & qu'il faut dire: cette Dame a l'air bonne, douce, vive, &c.

LE COMTE.

On dit bien au féminin: une Dame bonne, douce, vive, parce que le mot Dame eft féminin.

Mais dans l'exemple que vous citez, c'est l'air qui eft bon, doux, vif, ainfi il faut dire au mafculin que cette Dame a l'air bon, qu'elle a l'air doux, qu'elle a l'air vif! parce que le mot air eft du genre mafculin.

L'ABBÉ.

Ce qui étonne l'oreille, dans cette façon de parler, c'eft la fucceffion rapide de ces deux noms Dame & air, l'un féminin & l'autre mafculin, dont chacun femble vouloir à l'envi déterminer le genre des adjectifs qui les fuivent. En outre, dans cette phrafe, le mot Dame joue le principal rôle le mot air eft un acceffoire, auquel on fait peu d'attention; ainfi, à moins qu'on n'ait les règles bien préfentes à l'efprit, on s'attend toujours à voir les adjectifs fe rapporter au premier de ces mots plutôt qu'au dernier.

LA MARQUISE.

Vous diricz donc au féminin: cette Dame a l'air douce, bonne, vive, &c.?

L'ABBÉ.

Non, Madame, ce feroit pécher contre les principes. Mais je tournerois la phrafe autrement: je dirois, par exemple, cette Dame paroit, me femble bonne, douce, vive; elle a l'air d'étre bonne, douce, vive; ou j'emploierois des fubftantifs abftraits cette Dame a un air de bonté, de douceur, de vivacité, &c. Je pourrois encore fubftituer aux adjectifs bon, doux, vif, d'autres adjectifs qui fuffent les mêmes au mafculin & au féminin. Je dirois cette Dame a l'air affable, honnéte, lefte, &c. &c. alors je ne choquerois ni l'oreille, ni le bon fens.

Préfentement que nous fommes entrés dans quelques détails fur les genres, nous allons expliquer ce qui concerne les nombres, c'eft-à-dire le fingulier & le pluriel.

SOPHIE.

Cela va encore être bien difficile; car vous avez dit que tous les pluriels ne finiffent pas de la même

manière.

?

L'ABBÉ.

Ordinairement les noms fe mettent au pluriel par l'addition d'une s, qui eft toujours muette. Une ville riche, peuplée, commerçante, fait au pluriel, des villes riches, peuplées, commerçantes. Mais cette règle eft fujette à plufieurs exceptions.

Les noms qui finiffent au fingulier par s, x, ou z, font les mêmes pour le pluriel: on écrit également un bois & des bois, un temps & des temps, une faux & des faux, un nez & des nez, &c.

Souvent le pluriel fe forme par l'addition d'un x au lieu d'une s: une loi, un tableau, un jeu, un bijou, un chou, font au pluriel, des loix, des tableaux, des jeux, des bijoux, des choux, &c.

LE MILOR D.

Ce font, je crois, tous les fubftantifs & les adjec tifs terminés au fingulier par un u, précédé d'une antre voyelle.

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur, à l'exception de quelques noms terminés par ou, qui prennent ordinairement une s au pluriel un matou, des matous, un cou, des cous, &c. & de l'adjectif bleu, qui fait pareillement au pluriel bleus: un ruban bleu, des rubans bleus.

Tous les autres adjectifs dans la terminaifon defquels on fait entendre la voyelle compofée eu, finiffent au fingulier & au pluriel mafculin par eux: un moment heureux, des moments heureux, le roffignol amoureux, les roffignols amoureux, &c. Il n'en eft pas de même des fubftantifs de ce genre de terminaifon; ils s'écrivent tous au fingulier fans x: un lieu, un milieu, un jeu, un you; & ne

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