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On fe fait obéir par la voie de la douceur, c'eftà-dire par le moyen de la douceur. Etre dans les voies du Ciel, c'eft-à-dire, dans le chemin du Ciel. C'eft de ce mot qu'on a dérivé envoyer, mettre dans le chemin, dans la voie; renvoyer, envoyer de nouveau; fe fourvoyer, fortir de la bonne voie ; convoyer, accompagner dans la voie, dans le chemin, &c. Mais le fon qu'on fait entendre quand on chante ou quand on parle, s'écrit par x, la voix. SOPHIE.

Il falloit donc écrire une voix légère, &c. Je ne fais pas à quoi ce mot voix fe rapporte.

L'ABBÉ.

Il dérive du mot latin vox, qui vous eft fans doute peu connu; & fe rapporte aux mots françois vocal, invoquer, provoquer, convoquer, &c. dont aucun n'indique l'x finale: aufli ai-je mis ce mot yoix au rang des exceptions.

SOPHIE.

Les exceptions.... Je n'ai jeté qu'un coup d'œil en paffant fur ces mots-là.

L'ABBÉ.

Vous avez eu tort, Mademoiselle comme ils ne font foumis à aucune règle qui nous foit connuc, il faut faire tous fes efforts pour les apprendre par cœur, de manière à ne pas s'y tromper. Mais vous avez commis une faute contre les principes, en écrivant diftrette & diftret. Quels font les analogues de ces mots - là?

SOPHIF.

Diftrère, je diftrès, nous diflreyons, vous 'diftrèrez....

LE MILOR D.

Vous oubliez le mot diftraction.

SOPHIE.

Diftraction.... Ce mot indique un a après l'r. Il falloit donc mettre un a après l'r dans tous ces

mots diftraitte, diftrait, diftrare, je diftrais, nous diftrayons, vous diftrairez, &c.?

L'ABBÉ.

Oui, Mademoiselle. Mais j'ai oublié de vous dire que l'f, 1', I'r & l's font les feules confonnes que l'ufage permette de doubler après les voyelles compofées 1 ne fe double même jamais après ei ni eu; l'r ne fe double qu'après ou & quelquefois après eu; Il ne fe double qu'après ai ou ei, & l'f qu'après au & ou. Par tout ailleurs, les voyelles compofées précèdent des confonnes fimples, comme on le voit dans les mots dormeufe, boule, toile, faule, feulement, aurore, poire, aube, douceur, aider, rougir, aimer, fainement, jouper, bouquet, traiter, &c. Ainfi on doit écrire l'adjectif féminin diftraite par un t fimple.

SOPHIE.

Je vais donc copier une autre fois.
Une voix légère, agréable & brillante,
Un chant léger, agréable & brillant.
Une vue diftraite, indécife & troublée,
Un regard diftrait, indécis & troublé.
Que je fuis ignorante !

LE COMTE.

Vous ne devez pas vous plaindre, Mademoifelle, vous avez fait beaucoup moins de fautes que je ne l'aurois pensé.

SOPHIE.

C'eft que vous n'avez pas tout vu: Madame m'en a fait corriger plufieurs.

LE COMTE.

Et vous, Madame : vous avez écrit fans doute?
LA MARQUISE.

Oui, Monfieur; mais je n'ofe vous laiffer voir

ce que j'ai fait. A préfent que j'y pense, j'ai commis des fautes moins pardonnables que celles dont Mademoiselle s'eft corrigée : j'en fuis toute honteufe; difpenfez-moi, je vous prie, de vous les montrer.

LE MILOR v.

Vous avez raifon, Madame. Quelque joli que foit un ouvrage, un petit mot de préface n'eft jamais inutile. Préfentement rien ne vous empêche de fatisfaire à notre impatience.

LA MARQUISE.

Vous allez me plaisanter à plus d'un titre : lifez.
Une histoire courte, gaie & plaifante,
Un conte cour, gai & plaifant.

Une adition longue, ennuieufe & inexacte,
Un compte long, ennuieux & inexact.

Permettez que je mette un t à la fin du mot court, à caufe de fon féminin courte.

SOPHIE.

Vous avez mis le même mot de deux manières différentes.

LA MARQUISE

Je fais qu'on écrit conte par une n, pour figni, fier ce qu'on raconte, & compte, par une m & un p, pour défigner un calcul; mais la caufe de cette différence m'eft abfolument inconnue.

LE COMTE.

I'm & le p du mot compte, font indiqués par le mot latin computatio, qui a le même fcns.

L'ABBÉ.

Ils font auffi indiqués par le mot françois computateur, calculateur: on appelle comput eccléfiaftique, un certain calcul propre à trouver la dare des fêtes & autres jours remarquables. Cette

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m & ce p fe confervent dans tous les analogues: compter, compteur, comptoir, argent comptant, efcompte, efcompter, efcompteur, décompte compter, procompte, mécompte, &c.

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Un conte, hiftoriette, s'écrit par n, fans que l'étymologic paroiffe y avoir la moindre part. On en dérive les mots conteur, narrateur, raconter, un voyageur contant des merveilles, &c.

Un comte, comme Monfieur, s'écrit avec une m fans p, parce qu'il vient du latin comes, comitis, compagnon, affocié. On en dérive les mots comteffe, comté, comtat, dans lefquels le t eft pareillement précédé d'une m.

SOPHIE.

Voilà encore deux mots différents qui ont la même prononciation de l'argent comptant, un voyageur contant des merveilles.

LE MILOR D.

Il y en a un troifième, le mot content, fatisfait un homme content de fon fort.

L'A B B É.

Ce mot vient du latin contentus. Il me femble qu'il s'eft formé du verbe latin tendere, tendre vers quelque but, comme pour défigner celui dont tous les defirs ne tendent plus que vers lui-même, & se bornent aux biens qu'il poffède. Voilà pourquoi ce mot s'écrit par en, ainfi que les verbes tendre, tenter, & leurs analogues, tendant, tentative, tente, tenture, prétention, prétendre, étendre, contenter, détendre, détente, &c. qui, fi je ne me trompe, dérivent tous de la même racine.

LE COMTE.

Madame a fait une faute contre l'étymologie, en écrivant adition par un d fimple.

LE MILOR D.

Madame ne double les confonnes que quand la prononciation l'exige.

Q

LE COMTE.

Les deux d fe prononcent diftin&tement dans les mots addition, additionner, j'additionne, &c. Il en eft de même dans le mot reddition, reddition de compte.

L'ABBÉ.

Les deux d fe prononcent plus fortement dans ce dernier mot que dans les premiers. Cependant on fe fait ordinairement une loi de les articuler diftinctement dans addition, calcul, pour diftinguer ce mot d'un autre mot adition, qui s'écrit toujours par un feul d, & qui, en ftyle de barreau, fignifie acceptation: adition d'hérédité.

LE MILOR D.

Madame a encore fait une faute dans le masculin de l'adjectif inexacte; elle auroit dû, ce me femble, le finir par un e muet comme le féminin, puifqu'on y articule deux confonnes de fuite.

L'ABBÉ.

Ceci eft encore une exception. Le mafculin inexact s'écrit fans e muet, quoiqu'on y faffe entendre le c & le t comme au féminin.

LE MILOR D.

On néglige ces exceptions; cependant elles reviennent affez fouvent dans le difcours. Je vous affure que je veux me les rendre familières autant qu'il fera poffible.

L'ABBÉ.

Mais une faute réelle contre nos principes, c'eft d'avoir écrit ennuieufe & ennuieux par un i fimple: l'oreille exige qu'on y mette un y, parce qu'on prononce comme s'il y avoit deux i, ennuiieufe, ennui-ieux.

LA MARQUISE.

Je conçois cela préfentement. . . Que de fautes ! C'eft donc ainfi qu'il faut écrire :

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