Imágenes de página
PDF
ePub

cher plufieurs fyllabes; on obferve feulement de garder la confonne qui commence la première des fyllabes retranchées. La prononciation de champétre, fanguinaire, paffager, adamite, nous rangerons, détermine l'orthographe des mots champ. fang, pas, adam, rang, &c.

Mais dans les mots fufceptibles du mafculin & du féminin, que nous nous permettons de ranger tous dans la claffe des adjectifs, le plus fûr eft de comparer les deux genres, plutôt que d'avoir recours aux autres analogues.

SOPHIE.

Ceci me paroît bien difficile à entendre.

L'ABBÉ,

Ce font les mots qui vous étonnent. Suppofons que vous vouliez écrire : un animal pervers, comment déterminerez-vous l'orthographe de ce der nier mot ?

SOPHIE.

Celà fera fort aifé. Je retrancherai la dernière fyllabe du mot pervertir; & en confervant le z qui commence cette dernière fyllabe, j'aurai le mot pervert.

LA MARQUISE.

Pervert, fini par un t! j'ai toujours vu ce mot écrit par une s, pervers. Il y a apparemment une raifon pour celà; mais je ne la connois point du

[blocks in formation]

La voici. Le mot pervers eft fufceptible des deux genres: on peut dire au mafculin, un animal pervers; & au féminin, une morale perverfe. C'eft précifément ce féminin qui doit déterminer l'orthographe du masculin, par préférence à tout autre analogue.

SOPHIE.

Je vois celà. C'eft perverfe & non pervertir qui eft le féminin de pervers; ainfi ce dernier mot doit finir par une s, pervers, & non par un t, pervert.

L'ABBÉ.

Oui, Mademoiselle. De même, pour déterminer la confonne muette qui finit les adjectifs masculins fort & prudent, on fe règlera fur leurs féminins forte & prudente, plutôt que fur les autres analogues, tels que force, forcer, prudence, prudemment, &c.

LE COMT E.

Je trouve pourtant une exception à votre règle dans les adjectifs mafculins nud, crud, verd: un pied nud, un marron crud, un feuillage verd dont le d final n'eft point indiqué par leurs féminins nue, crue, verte: une jambe nue, une pomme crue, une feuille verte; mais par les autres analogues nudité, crudité, verdure, &c. L'ABBÉ.

Ces mots font les feuls à l'égard defquels la règle foit en défaut; encore beaucoup de perfonnes écrivent-elles nu & cru fans d, & vert par un z final, qui marque fon analogie avec le féminin verte. Un pied nu, un marron cru, un feuillage vert, &c. & alors il n'y a plus d'exceptions à la règle que j'ai établie. LE COMTE.

Cette règle ne détermine-t-elle que les confonnes finales?

L'ABBÉ.

Elle fert encore à indiquer la nature des voyelles compofées ou nafales qui fe rencontrent dans les différents mots. Qu'une perfonne doute s'il faut écrire gain, guin; prandre ou prendre ; amirauté

ou amirôté; parfeun ou parfum; aimable ou éma ble, &c. les analogues gagner, prenant, amiral parfumer, amitié, font voir que gain doit être écrit par ga, prendre par pre, amirauté par ra; que dans parfum, l'f doit être immédiatement fuivie d'un u, & que le mot aimable doit commencer par un a. L'oreille indique fuffifamment l'i qui doit fuivre l'a dans gain & dans aimable, & l'u qui doit fuivre l'a dans amirauté: on voit de plus que le mot parfum doit finir par une m & non

[blocks in formation]
[ocr errors]

Ces analogies ne font pas toujours aussi régulières.

L'ABBÉ.

!

Non, Monfieur; mais leurs irrégularités peuvent fouvent être affervies à de certaines loix: c'eft ce que nous verrons mieux quand nous pourrons comparer ensemble tous les analogues pollibles de chaque

mot.

LE MILO R D.

Monfieur nous a déjà fait remarquer qu'en paffant d'un mot à fes analogues, le t & le q fe changent prefque toujours en un c, & non en une f Ainfi les mots fortement, gratifier, pertuifane, pointe, catholique, tronquer, prouvent qu'il faut écrire par un c, force, renforcer, forçat, grace, difgrace, difgracier, difgracieux, percer, tranfpercer, perçoir, poinçon, catholicisme, tronçon, tronçonner, & non par une f forfe, renforfer forfat, graffe, difgraffe, &c.

SOPHIE.

Il me femble pourtant avoir vu graffe par deux S L'ABBÉ.

Cela peut bien être, Mademoiselle; mais il n'étoit pas pris dans le fens de gratifier, gracieux, difgracieux, &c. Il fe rapportoit à graiffe, engraiffer,

engrais, & autres mots femblables dans lefquels il n'eft queftion ni d'un q ni d'un c. Grace, par un c., fignifie un bienfait; ce qui dans l'air & dans les manieres plaît ordinairement plus que la beauté: les Graces étoient de jeunes Déeffes leftes & agiles, à qui les Païens attribuoient le don de trouver fans ceffe quelque nouveau moyen de plaire; mais graffe par deux s'applique à une perfonne qui a de l'embonpoint; un enfant graffet, graf feyer, parler gras; payer graffement, &c. &c. LA MARQUISE.

[ocr errors]
[ocr errors]

Je vois auffi par ces analogies, que l'a eft néceffaire dans graiser, engraiser, engrais; & que ce dernier mot doit finir par une f. Les mots bas, baffe, baffeffe, basement, me font voir la même chofe dans leurs analogues baiffe, rabaiffer, abaiffement, rabais, &c. Je vous affure que je trouve ces règles bien, faciles & bien claires.

L'ABBÉ.

Plus nous avancerons, & plus vous ferez à portée d'en tirer parti. Nous obferverons, avant d'aller plus loin, que quand le q devient muet dans la terminaifon d'un mot, on le change toujours en un c. De flanquer, banquette, jonquille, tronquer, on dérive flanc, banc, jonc, tronc, & non flanq, bang, jong, trong, &c.

LE MILOR D.

Avez-vous auffi des règles indépendantes de l'analogic?

L'ABBÉ.

.C

Oui, Monfieur. Nous en avons déjà vu plufieurs qui n'étoient fondées que fur la valeur des lettres : en voici même une que je crois avoir omife; c'eft que quand un mor eft terminé par deux confonnes articulées fucceffivement, ou par une voyelle nafale fuivie d'une confonne articulée, la dernière confonne

eft toujours fuivie d'un e muet. C'eft ce qu'on voit dans les mots fable, arbre, règle, cercle, fecte rompre, inepte, réfoudre, jufte, mixte, monde, avance, feinte, pointe, genre, &c. Sans cet e, la dernière confonne devient néceffairement muette, ce qui fe voit dans respect, prompt, fourd, rond, blanc, atteint, point, &c. Nous en excepterons quelques mots, tels que talc, left, charge néceffaire à un vaiffeau, Eft, orient, fept, direct, indirect, corred, incorrect, exact inexact, & peut-être quelques autres dans lefquels cette dernière confonne se prononce, quoiqu'elle ne foit pas fuivie d'un e

muet.

Nous obferverons encore que jamais l'r ni l'l ne peuvent être muettes après une autre confonne ni après une voyelle nafale; auffi ne s'y trouventelles jamais fans être fuivies au moins d'un e muet: fable, fobre, branle, genre, &c.

Ces règles vous feront d'un grand fecours pour reconnoître une bonne partie des fubftantifs mafculins qui ont la terminaïfon féminine, tels que pade, compte, monde, pefte, arbre, porte, &c. & des adjectifs qui font les mêmes pour les deux genres, tels que jufte, inepte, fombre, fenfible, mixte &c.

Mais nous avons d'autres règles tirées des propriétés de chaque mot.

LA MARQUISE.

Je ferois bien curieufe de les connoître.
L'ABBÉ.

Nous ne pouvons encore en parler qu'imparfaitement; cependant pour fatisfaire à votre impatience nous allons en établir quelques-unes.

Nous avons une espèce de fubftantifs qu'on appelle abftraits, parce qu'ils expriment les qualités ou fituations défignées par les adjectifs, abftraction faite des objets auxquels ces qualités ou fituations peuvent convenir. Ils fe forment ordinairement fur

« AnteriorContinuar »