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même aux deux genres. Plufieurs enfants, plufieurs perfonnes; plufieurs jours, plufieurs années,

LA MARQUISE.

&c.

un

On emploie les mots un & une pour connoître fi les noms font mafculins ou féminins: celà eft fort bon quand ces noms commencent par une confonne comme un mois, une semaine marchand, une marchande, &c. parce qu'alors le fon nafal du mot un fe fait entendre au mafculin & que l'n du mot une fe fait fentir au féminin. Il n'en eft pas de même quand les noms commencent par une voyelle ou une h muette. Quand je dis un éventail, une âme; un ouvrage, une entreprise; un hommage, une heure, &c. les mots un & une fe prononcent exactement de la même manière.

L'A B B É.

Pardonnez-moi, Madame, la prononciation met une nuance affez fenfible entre ces deux mots. On prononce le mafculin un comme s'il y avoit eun : eu-né ventail, eu-nouvrage, eu-nhommage ; & dans le féminin, une, on fait entendre le fon de l'u: u-náme, u-nentreprife, u-nheure, &c.

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Cependant, comme peu de perfonnes ont cette exactitude de prononciation, le plus fûr eft d'interpofer à ces mots un adjectif qui commence par une confonne, & de dire, par exemple: un grand éventail, une grande âme, un grand ouvrage, une grande entreprise, un grand hommage, une grande heure, &c. Par ce moyen, les mots un & une diftinctement prononcés, font abfolument reconnoître le genre de ces noms.

LE MILOR D.

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Je fais une remarque, c'eft que le d de l'adjectif grand, fonne comme un t,avant les noms mafculins: on prononce eun gran téventail, eun gran touvrage eun gran thommage; & que le d de l'adjectif fémi

nin

nin grande n'éprouve aucun, changement: on prononce une gran dáme, une gran dentreprife, une gran dheure, &c.

L'ABBÉ.

C'eft que le d ne prend la force du t que quand il finit abfolument un mot, comme dans l'adjectif mafculin grand, & non quand il eft fuivi d'une autre lettre, comme dans l'adjectif féminin grande. LE MILOR D.

Excepté les trois fortes d'adjectifs que vous venez de citer, tous les autres finiffent donc par un e muet au féminin ?

Oui, Monfieur.

L'ABBÉ.

SOPHIE.

C'eft ce qui les diftingue des adjectifs, mafculins, L'ABBÉ.

Pas toujours, Mademoiselle. Il y a beaucoup de ces adjectifs qui font les mêmes pour les deux gen➡ res on dit également un homme aimable, fincère noble, magnanime, & une femme aimable, fincère, noble, magnanime, &c.

SOPHIE.

Mais quand les adjectifs ne font pas les mêmes. au mafculin & au féminin, c'eft l'e muct qui en fait toute la différence.

L'ABBÉ.

Ceci eft encore fujet à bien des exceptions. Sou vent le féminin double la confonne finale du maf culin. Gros, épais, net, cruel, gentil, chrétien font au féminin groffe, épaiffe, nette, cruelle: gentille, chrétienne, &c. dans d'autres, les confonnes finales font changées: neuf, heureux, raitleur, acteur, pécheur, font au féminin, neuve, heureufe, railleufe, actrice, péchereffe, &c. &c. &c.

LE COMTE.

Dans tous les cas réguliers on trouve l'adjectif féminin, en ajoutant un e muet à la fin de l'adjectif mafculin qui lui correfpond. Joli, aimé, petit Surpris, léger, groffier, créé, font au 'féminin jolie, aimée, petite, furprise, légère, grossière, créée, &c. SOPHIE.

Voilà un mot qui finit par trois e de fuite: créée. LE COMTE.

Oui, Mademoiselle. En difant au masculin un efprit créé, vous faites entendre néceffairement deux aigus de fuite; & comme le féminin doit toujours, dans ces espèces de mots, finir par un e muet, il faut abfolument ajouter un troifième e: une áme créée.

L'ABBÉ.

Cette méthode eft généralement fuivie : on dérive toujours le féminin du mafculin. Cependant l'orthographe de l'adjectif mafculin n'eft pas toujours facile à connoître; il eft très-fouvent terminé par des confonnes muettes, comme on le voit dans chaud, froid, étroit, foumis, difcret, berger, grand, fort, qu'on prononce chau, froi, étroi, foumi, difcré, berge, gran, for, &c. ou par des voyelles nafales dont la nature n'eft point indiquée par la prononciation, comme dans fin, vain, courtisan, fuffifant, &c.

Il n'en eft pas de même de l'adjectif féminin: l'e muet qui le termine eft d'une grande reffource pour ceux qui veulent dériver l'orthographe de la prononciation. S'il n'applanit pas toutes les difficultés il en réfout la plus grande partie du moins ne laiffe-t-il prefque jamais aucune confonne inutile à la prononciation. C'eft ce qu'on voit dans les adjectifs féminins grande, adroite, vive, franche, foumife, ouvrière, &c.

D'après ces réflexions, je penfe qu'il vaut beaucoup mieux dériver le mafculin du féminin.

LA MARQUISE.

Monfieur l'Abbé me réconciliera avec la Grammaire. Je trouve fa méthode bien plus polie, que celles qu'on a voulu me faire apprendre.

L'ABBÉ.

Vous verrez, Madame, que la politeffe n'eft pas toujours en pure perte. Quand on connoît la prononciation d'un adjectif féminin, il eft prefque toujours facile de l'écrire correctement, au moins pour ce qui eft des confonnes, puifqu'elles y font généralement articulées. Alors pour en dériver l'orthographe du mafculin, il n'y a qu'à retrancher la dernière fyllabe du féminin: fi cette fyllabe retranchée commence par une confonne, ce qui arrive très-fouvent on conferve cette confonne au mafculin, où elle devient ordinairement muette. Prenons pour exemple ces adjectifs féminins.

Une ouvrière adroite, zélée, foumife, bonne, franche & polie.

On aura pour le masculin:

Un ouvrier adroit, zélé, foumis, bon, franc & poli.

Comme les fyllabes re, te, fe, ne, che, retranchées des adjectifs féminins ouvrière, adroite, foumife, bonne, franche, commencent par les confonnes r, t, f, n, c, ces confonnes doivent s'écrire à la fin des mafculins ouvrier, adroit, foumis, bon & franc; & comme les fyllabes retranchées des féminins zélée & polie, ne confiftent que dans l'e muet, il ne doit point y avoir de confonne à la fin des mafculins zélé & poli.

Il eft inutile de dire que quand la confonne finale eft double au féminin, le mafculin doit toujours la prendre fimple. Une forét épaifle, un bois

épais; une terre baffe, un terrain bas; une mala die cruelle, un mal cruel; une amie difcrette, un ami difcret, &c. Nous fommes convenus qu'un mot françois ne peut commencer ni finir par une confonne double.

"

Quand le féminin finit par ve, le mafculin change leven f: une femme vive, un homme vif; à moins que l'adjectif ne fe prononce de la même manière au mafculin & au féminin: alors fi leur terminaifon fait entendre un v, ils finiffent l'un & l'autre par ve. Une Batave, un Batave ; une femme brave, un homme brave, &c.

Mais fi leur terminaifon fait entendre une f, ils finiffent l'un & l'autre par phe : une philofophe, un philofophe; une contrée limitrophe, un pays limitrophe; une nouvelle apocryphe, un livre apocry phe, &c.

Quand l'adjectif féminin finit par eufe, s'il fe rapporte à un verbe françois, le mafculin change cette finale en eur, comme on le voit dans parleufe, chanteuse, faifeufe, qui fe rapportent aux verbes je parle, tu chantes, on fait, & dont pour cette raifon, les mafculins font terminés par eur: parleur, chanteur, faifeur, &c., Dans tout autre cas, la dernière fyllabe Je, fe change en un x. Heureufe, heureux; curieufe, curieux; généreuse, géné reux, &c.

Dans les adjectifs dont le féminin cft terminé par trice, le mafculin change toujours cette finale en teur. Actrice, acteur; directrice, directeur; tutrice, tuteur, &c. Ces mots viennent des verbes latins ago. j'agis; dirigo, je dirige; tuto ou tutor, je défends je protège, dérivés felon le génie de cette langue. Les autres mots terminés par ice, font prefque tous les mêmes au mafculin & au féminin. Factice. propice, fubreptice, &c. Nous remarquerons à ce fujet, qu'aucun adjectif françois n'eft terminé par iffe tous ceux dont la terminaison fonne ainfi. finiffent par ice.

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